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Gaza, “Une commission d’enquête doit dire la vérité au monde”

Retour de Gaza - Au delà de l’imaginable.

par Patrick Le Hyaric

mercredi 28 janvier 2009

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Nous revenons de Gaza. Avec quelques amis, responsables associatifs, élus, dont le président du groupe de la Gauche unitaire européenne, Francis Wurtz. À l’opposé d’un récit dont on a fait grand bruit la semaine dernière, nous ne sommes pas entrés à Gaza dans un char israélien.

Nous sommes entrés, à pied, par la porte de Rafah, à la frontière avec l’Égypte après une dizaine heures d’attente. Nous avons choisi délibérément de visiter les habitants, d’écouter leurs témoignages dans les quartiers et les camps de réfugiés. Ce que nous avons vu et entendu dépasse tout ce que nous pouvions imaginer.

C’est effroyable ! Loin de frappes dites chirurgicales dont on nous parle parfois, nous avons découvert sur des kilomètres et des kilomètres de véritables paysages de désolation, des familles meurtries, décimées. Maisons, usines, bâtiments officiels, entrepôts de médicaments, garages de voitures d’occasion semblent avoir été laminés par un tremblement de terre.

Ailleurs, ce sont des fermes et des poulaillers détruits, dégageant une odeur pestilentielle de mort et de décomposition ; vergers d’oliviers ou de palmiers, serres, champs d’orge écrasés sous les chenilles des bulldozers et des chars israéliens. Dans un autre village, c’est la station d’épuration d’eau que les chars israéliens ont pulvérisée. Où est la lutte contre le Hamas et le terrorisme dans ces actes ? Nulle part ! La volonté est d’affamer, de priver d’eau et de soins une population déjà en dessous du seuil de pauvreté pour terminer l’horrifiant travail des bombardiers et des chars. On attise les haines et la misère, véritables terreaux du terrorisme.

Les témoignages que nous avons recueillis montrent que les bombardements n’avaient pas pour objectif de détruire le Hamas ni de capturer ses dirigeants. À Jabalaya, un homme croisé dans la rue tente de nous raconter comment le déluge de feu descendu du ciel l’a surpris avec sa famille sans qu’il n’y ait eu d’alerte préventive. Il a tout perdu, maison et famille. Il sort de l’hôpital. Après son récit, il nous pose cette question : « Pourquoi un Palestinien n’est pas en sécurité dans sa propre maison ? »

Mais il y a pire encore. Des pères de famille nous ont raconté comment des soldats israéliens ont tué devant eux leurs enfants. Des petites filles qui n’avaient pas dix ans ont été froidement abattues. Quand des voisins ont tenté de porter secours, ils ont eux aussi été passés par les armes. Nous posons la question avec gravité et solennité : comment qualifier tout cela ? Depuis quelques jours, d’autres journaux que le nôtre racontent de telles tueries. Quels sont les véritables buts du gouvernement israélien ? Il savait qu’en toutes circonstances les bombardements tueraient des femmes, des enfants innocents. Là, nous sommes encore audelà de cela. Nous ne sommes vraiment pas dans la situation où des militaires combattent d’autres militaires.

Il s’agit de l’une des armées les plus puissantes du monde qui massacre avec froideur, en toute impunité, des civils, souvent membres d’une même famille. Israël bafoue le droit en utilisant des bombes interdites par les lois internationales.

Cela ne peut se qualifier autrement que par l’expression « crime de guerre ». Ce que nous venons de voir nous conduit à réclamer avec force la mise en place d’une commission internationale d’enquête des Nations unies sur ce qui s’est réellement passé à Gaza. Nous sommes aussi bouleversés par ces dizaines de femmes qui viennent de passer une nouvelle nuit les unes contre les autres avec leurs enfants sur de simples tapis de sol. « On veut une maison pour vivre », disent-elles justement ! Pour que leur maison soit reconstruite, il faut la levée du blocus. Cela devient un enjeu vital. Au lieu d’expédier une frégate supplétive de l’armée israélienne, la France doit agir dans ce sens. Une aide internationale répondant aux urgences médicales et sanitaires doit être organisée et une aide à la reconstruction décidée.

L’Union européenne doit user de tous les moyens dont elle dispose. La mise en sommeil des accords d’association Europe-Israël est l’un des moyens de pression.

Avec l’Europe et d’autres pays, la nouvelle administration américaine doit en faire l’un des grands objectifs internationaux immédiats. De la résolution de ce conflit dépendent en grande partie le paysage du monde à venir et la paix mondiale. Pour faciliter cette négociation, une force de protection internationale doit assurer la sécurité aux frontières.

Aujourd’hui, l’enjeu n’est pas seulement le prolongement d’une trêve aléatoire. Il s’agit d’ouvrir la possibilité au peuple palestinien de disposer d’une terre, d’un État dans les frontières reconnues en 1967. Cela suppose qu’on cesse de tergiverser pour gagner du temps, de diviser les Palestiniens, de les coloniser, de les barricader, de les humilier, de les massacrer. Et pas de faux-semblants ni de fausses solutions qui conduiraient encore à réduire l’espace pour un tel État.

La question est simple : il faut appliquer le droit international. Cette fois c’en est trop ! L’impunité vis-à-vis de la direction israélienne doit cesser immédiatement. Une commission d’enquête internationale doit dire la vérité au monde. Le gouvernement et l’armée israélienne doivent répondre de leurs crimes et être contraints de venir à la table de vraies négociations, pour la sécurité dans la région et deux États vivant côte à côte dans la paix.

C’est un devoir. C’est l’espoir. Celui que nous avons lu dans les yeux et les beaux sourires de tous ces enfants de Gaza.