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Opinion d’un journaliste israélien (ndlr) -original en anglais en 2è partie de l’article

La guerre de Gaza s’est terminée par un échec cuisant pour Israël

par Gideon Levy - Jeudi, 22 janvier 2009 15h49

jeudi 22 janvier 2009

Au lendemain du retour de Gaza du dernier soldat israélien, nous pouvons établir avec certitude qu’ils sont tous allés là-bas en vain. Cette guerre se termine par un échec cuisant pour Israël.

Cet échec va au-delà de la profonde défaite morale, qui est un problème grave en lui-même, mais concerne son incapacité à atteindre les buts déclarés. Nous n’avons rien gagné dans cette guerre, sinon des centaines de tombes, dont certaines très petites, des milliers de gens blessés, énormément de destructions et la salissure de l’image d’Israël.

Ce qui ne paraissait une perte prévisible que pour une poignée de personnes lorsque la guerre a éclaté va progressivement se révéler dans toute sa dimension pour beaucoup d’autres, une fois que les trompettes victorieuses se seront calmées.

L’objectif initial de la guerre était de mettre un terme aux tirs de roquettes Qassam. Cela ne s’est pas arrêté avant le dernier jour de la guerre. Cela n’a eu lieu qu’après la conclusion d’un cessez-le-feu. Les officiels de la défense estiment que le Hamas dispose encore de 1 000 roquettes.

Le second objectif de la guerre, la lutte contre la contrebande, n’a pas davantage été atteint. Le chef du service de sécurité du Shin Bet a estimé que la contrebande va reprendre dans les deux mois.

L’essentiel de la contrebande quotidienne a pour objectif de fournir de la nourriture à une population assiégée, et pas d’obtenir des armes. Mais même si nous acceptons la campagne visant à faire peur avec la contrebande, avec ses exagérations, tout ce que cette guerre a prouvé est ce ne sont que des armes de mauvaise qualité, rudimentaires, qui ont transité par les tunnels de contrebande qui relient la Bande de Gaza à L’Egypte.

La capacité d’Israël a atteindre son troisième objectif est tout aussi incertaine. La dissuasion que nous avons prétendument réalisée lors de la seconde Guerre du Liban n’a pas eu le moindre effet sur le Hamas, et celle que nous sommes supposés avoir maintenant réalisée ne fonctionne pas mieux. Les tirs sporadiques de roquettes depuis la Bande de Gaza ont continué au cours des derniers jours.

Le quatrième objectif, qui est resté non déclaré, n’a pas lui non plus été atteint. L’armée israélienne n’a pas rétabli sa prépondérance. Il ne pouvait d’ailleurs pas être atteint, dans une quasi-guerre contre une organisation misérable et mal équipée qui se basait sur des armes de bricolage, dont les combattants ont à peine combattu.

Les descriptions héroïques et les poèmes victorieux à propos du « triomphe militaire » ne vont pas à eux seuls changer la réalité. Les pilotes exécutaient des vols d’entraînement et les forces terrestres étaient engagées dans des exercices dont le thème était de se regrouper et de faire feu de ses armes.

La description de l’opération comme un « succès militaire » par les divers généraux et analystes qui ont offert leurs vues sur l’opération ets carrément ridicule.

Nous n’avons pas affaibli le Hamas. La grande majorité de ses combattants n’a pas été touchée et le soutien populaire pour l’organisation s’est en fait accru. Leur guerre a encouragé l’idéal de la résistance et de l’endurance déterminée. Un pays qui a bercé une génération toute entière en chantant l’enthousiasme de quelques uns contre la brutalité du monde devrait être capable de comprendre cela. Il n’y a pas le moindre doute pour ce qui est de savoir qui dans cette guerre a joué le rôle de David et qui celui de Goliath.

La population de gaza, qui a subi un coup aussi sévère, ne va certainement devenir plus modérée maintenant. Au contraire, le sentiment national va se tourner maintenant, plus encore qu’auparavant, contre ceux qui ont infligé cette souffrance : l’état d’Israël. Si l’opinion publique penche à droite en Israël après chaque attaque contre nous, il en sera de même à Gaza à la suite de l’attaque énorme que nous avons mené contre eux.

Si quelqu’un a été affaibli à la suite de cette guerre, c’est le Fatah, dont la fuite de Gaza et son abandon de son peuple ont pris maintenant une signification très particulière. La succession des échecs dans cette guerre ne doit pas non plus oublier, bien entendu, l’échec de la politique de siège. Pendant un moment, nous avons fini par réaliser qu’elle est inefficace. Le monde a boycotté, Israël a assiégé, et le Hamas a gouverné (et gouverne encore).

Mais le bilan de cette guerre, pour ce qui concerne Israël, ne s’arrête pas à l’absence de tout succès. Il comporte un lourd fardeau pour chacun de nous, qui continuera à peser pendant quelque temps encore. Lorsqu’on en vient à évaluer la situation internationale d’Israël, nous ne devons pas nous laisser tromper par la parade de soutien des dirigeants européens, qui sont venus se faire prendre en photo avec le premier ministre Ehud Olmert.

Les actes d’Israël ont porté un coup sévère au soutien publique pour notre état. Alors même que cela ne se traduit pas toujours par une modification immédiate de la situation diplomatique, les ondes de choc finiront par arriver un jour. Le monde entier a vu les images. Elles ont choqué chaque être humain qui les a vues, même si elles ont laissé froids la plupart des israéliens.

La conclusion est qu’Israël est un état violent et dangereux, qui ne connait aucun retenue et ignore délibérément les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et qui se soucie comme d’une guigne du droit international. Les enquêtes sont en cours.

Plus graves encore sont les dégâts que cela entraînera sur notre détermination morale. Cela viendra de questions bien difficiles à propos de ce qu’a fait l’armée israélienne à Gaza, qui finiront par être posée malgré le filtrage de média sous influence.

Alors qu’est-ce qui a été réalisé, pour finir ?

Pour une guerre menée pour satisfaire des considérations de politique intérieure, l’opération a réussi au-delà de toute espérance : le président du Likoud Benjamin Netanyahu se renforce dans les sondages. Et pourquoi ? Parce que nous n’avons pas eu suffisamment de guerre.

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et voici le texte en anglais :

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Last update - 04:19 22/01/2009
Gaza war ended in utter failure for Israel
By Gideon Levy

On the morrow of the return of the last Israeli soldier from Gaza, we can determine with certainty that they had all gone out there in vain. This war ended in utter failure for Israel.

This goes beyond the profound moral failure, which is a grave matter in itself, but pertains to its inability to reach its stated goals. In other words, the grief is not complemented by failure. We have gained nothing in this war save hundreds of graves, some of them very small, thousands of maimed people, much destruction and the besmirching of Israel’s image.

What seemed like a predestined loss to only a handful of people at the onset of the war will gradually emerge as such to many others, once the victorious trumpeting subsides.

The initial objective of the war was to put an end to the firing of Qassam rockets. This did not cease until the war’s last day. It was only achieved after a cease-fire had already been arranged. Defense officials estimate that Hamas still has 1,000 rockets.

The war’s second objective, the prevention of smuggling, was not met either. The head of the Shin Bet security service has estimated that smuggling will be renewed within two months.

Most of the smuggling that is going on is meant to provide food for a population under siege, and not to obtain weapons. But even if we accept the scare campaign concerning the smuggling with its exaggerations, this war has served to prove that only poor quality, rudimentary weapons passed through the smuggling tunnels connecting the Gaza Strip to Egypt.

Israel’s ability to achieve its third objective is also dubious. Deterrence, my foot. The deterrence we supposedly achieved in the Second Lebanon War has not had the slightest effect on Hamas, and the one supposedly achieved now isn’t working any better : The sporadic firing of rockets from the Gaza Strip has continued over the past few days.

The fourth objective, which remained undeclared, was not met either. The IDF has not restored its capability. It couldn’t have, not in a quasi-war against a miserable and poorly-equipped organization relying on makeshift weapons, whose combatants barely put up a fight.

The heroic descriptions and victory poems written abut the "military triumph" will not serve to change reality. The pilots were flying on training missions and the ground forces were engaged in exercises that involved joining up and firing weapons.

The describing of the operation as a "military achievement" by the various generals and analysts who offered their take on the operation is plain ridiculous.

We have not weakened Hamas. The vast majority of its combatants were not harmed and popular support for the organization has in fact increased. Their war has intensified the ethos of resistance and determined endurance. A country which has nursed an entire generation on the ethos of a few versus should know to appreciate that by now. There was no doubt as to who was David and who was Goliath in this war.

The population in Gaza, which has sustained such a severe blow, will not become more moderate now. On the contrary, the national sentiment will now turn more than before against the party which inflicted that blow - the State of Israel. Just as public opinion leans to the right in Israel after each attack against us, so it will in Gaza following the mega-attack that we carried out against them.

If anyone was weakened because of this war, it was Fatah, whose fleeing from Gaza and its abandonment have now been given special significance. The succession of failures in this war needs to include, of course, the failure of the siege policy. For a while, we have already come to realize that is ineffective. The world boycotted, Israel besieged and Hamas ruled (and is still ruling).

But this war’s balance, as far as Israel is concerned, does not end with the absence of any achievement. It has placed a heavy toll on us, which will continue to burden us for some time. When it comes to assessing Israel’s international situation, we must not allow ourselves to be fooled by the support parade by Europe’s leaders, who came in for a photo-op with Prime Minister Ehud Olmert.

Israel’s actions have dealt a serious blow to public support for the state. While this does not always translate itself into an immediate diplomatic situation, the shockwaves will arrive one day. The whole world saw the images. They shocked every human being who saw them, even if they left most Israelis cold.

The conclusion is that Israel is a violent and dangerous country, devoid of all restraints and blatantly ignoring the resolutions of the United Nations Security Council, while not giving a hoot about international law. The investigations are on their way.

Graver still is the damage this will visit upon our moral spine. It will come from difficult questions about what the IDF did in Gaza, which will occur despite the blurring effect of recruited media.

So what was achieved, after all ? As a war waged to satisfy considerations of internal politics, the operation has succeeded beyond all expectations. Likud Chair Benjamin Netanyahu is getting stronger in the polls. And why ? Because we could not get enough of the war.