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Opinion - Texte en anglais en 2è partie de l’article

Dire les choses comme elles sont

Par Mustapha Barghouthi , membre du Conseil Législatif Palestinien

mercredi 10 décembre 2008

A moins que les Palestiniens ne parviennent à réellement parler d’une seule voix, le monde ne les écoutera pas, bien que la Palestine soit vraiment le noeud du problème, écrit Mustapha Barghouthi.

Alors que beaucoup de gens s’interrogent sur la future politique d’Obama au Proche Orient, la réaction générale du monde arabe est attentiste ; Le nouveau président va sans doute se trouver confronté à une armée de problèmes, à commencer par l’économie et l’Iraq, ce qui suffira à le tenir occupé pendant un bon trimestre. Mais rien n’indique que le « changement »dont Obama aime tant parler s’applique également au conflit Palestino-sioniste Les premières nominations qu’il a faites jusqu’ici ne sont pas non plus encourageantes.

Les sionistes, et c’est ce qu’a dit Tzipi Livni, veulent que les Etats Unis ne s’en mêlent pas. Ils veulent également garder les Palestiniens divisés, agitant la carotte de négociations possibles tout en développant les implantations et en modifiant à chaque instant l’état des choses. Pendant ce temps, on ne voit que l’infortune des Palestiniens.

Poursuivant des négociations qui n’ont pas la moindre chance de succès, l’Autorité Palestinienne s’accroche à Annapolis comme un homme qui se noie s’agrippe au moindre brin de paille. Que font les participants à Annapolis à propos des implantations sionistes qui ont connu une croissance exponentielle au cours des entretiens d’Annapolis ? Rien. Que font-ils à propos des barrages routiers sionistes qui sont passés de 521 à 699 au cours de la même période ? Rien. Que font-ils à propos du système d’apartheid que les gouvernements sionistes successifs semblent vouloir renforcer, Rien.

A Washington, pendant ce temps, il y a trois attitudes concernant le Proche Orient. La première considère qu’Israël doit avoir les mains libres et que les Etats Unis ne devraient pas y intervenir. Tout au plus, les Etats Unis devraient envoyer des émissaires du type évasif, de ces gens qui peuvent veiller à ce que la bille continue à rouler, et continuer à discuter de questions insignifiantes alors que le temps est en train d’être gaspillé.

En bref, ce sont les gens qui détournent notre attention pendant que le régime sioniste construit toujours plus d’implantations, modifie la structure démographique de Jérusalem, et d’un manière générale crée de nouveaux faits accomplis.

Les tenants de cette approche veulent que les Palestiniens restent divisés, tout en encourageant l’Autorité Palestinienne à jouer le rôle de chien de garde pour le régime sioniste.

La seconde perspective est que les Etats Unis devraient se désintéresser de la Palestine et se concentrer sur des questions telles que l’économie, ou l’Iraq, l’Afghanistan, et l’Iran. Après tout, la question Palestinienne ne permet d’espérer que peu de résultats, comme plusieurs présidents des Etats Unis ont eu le regret de le constater, et le nouveau président a déjà bien du pain sur la planche. Cette approche, tout comme la précédente, laisse les mains libres au régime sioniste. Et toutes deux ont le soutien des groupes pro-sionistes, comme le Comité Israélo Américain des Affaires Publiques (AIPAC).

La troisième approche se place, en gros dans la perspective du rapport Baker - Hamilton, et conseille à l’administration de se dégager de l’Iraq et de mettre fin à une guerre honteuse. On relève au nombre des partisans de cette approche des gens comme Lee Hamilton, ou les anciens conseillers nationaux à la sécurité Zbigniew Brzezinski et Brent Scowcroft. Le président Jimmy Carter, qui a écrit un livre attaquant le système d’apartheid sioniste, est également un partisan de cette approche.

Tous les responsables que nous venons de mentionner soutiennent l’initiative Arabe et plaident en faveur de sa mise en oeuvre, comme un formule qui débouche sur une solution globale du conflit du Proche Orient. Ils soutiennent également la mise sur pied d’une direction Palestinienne unifiée.

Les partisans de cette méthode osent dire quelque chose que le régime sioniste n’aime pas entendre. Ils disent que chacun des problèmes du proche Orient, Iraq et Afghanistan compris, a son origine dans le problème Palestinien. Et ils veulent, par conséquent, établir une distinction entre les intérêts des Etats Unis d’une part, et la politique du régime sioniste d’autre part. Ils pensent également que le régime sioniste a franchi la ligne jaune en créant un système d’apartheid en Palestine. La plupart estiment qu’Obama est le dernier président qui ait la capacité de soutenir une solution à deux états. Faute de quoi, la seule solution sera un état bi-national, ce qui, pour beaucoup de gens, n’est pas la meilleure façon de servir les intérêts des sionistes.

Malheureusement, les officiels Arabes persistent dans leur attitude passive à l’égard de l’ensemble de la question, faisant le moins de déclarations possible et, d’une manière générale, laissant l’initiative aux autres. Nous n’avons personne pour soutenir nos vues à Washington, tout simplement parce que nous n’avons pas réussi à organiser un groupe de pression effectif aux Etats Unis. Les présidents des Etats Unis, Obama compris, ne prennent pas de risques, à moins d’y être contraints.

Aussi longtemps que nous, les Palestiniens et les Arabes, resterons silencieux, il y a peu de chances que les officiels des Etats Unis s’intéressent à notre problème ; Nous pouvons certainement influer sur les choix d’Obama, mais uniquement si nous faisons un effort collectif pour faire passer notre message. Un point qu’il est urgent de faire bien comprendre partout est que la Palestine est le problème central, celui dont toutes les difficultés de la région sont la conséquence.

Notre affaire n’est pas perdue d’avance. Pendant un temps, à la suite du sommet de Beyrouth, les Arabes ont fait une tentative courageuse pour en finir avec l’approche parcellaire, futile, des négociations, afin de la remplacer par quelque chose de plus sérieux. Leur tentative était assez crédible pour amener Sharon dans une série de tactiques de diversion, y compris une offensive dans les territoires occupés, suivie de l’assassinat du président Yasser Arafat. Le processus d’Annapolis n’a rien été d’autre qu’une nouvelle tactique de diversion. La seule chose qu’il ait réalisé a été de garder les Palestiniens occupés, et divisé aussi, alors que les sionistes mettaient la main sur de nouvelles terres et modifier les équilibres démographiques.

Le régime sioniste va bientôt tenir des élections, et le vainqueur semble bien devoir être un membre, ou un ancien membre du Likoud, Netanyahu ou Livni Voilà qui montre bien que le régime sioniste n’est pas sur le point de modifier ses façons de faire. À bref délai, il continuera à construire des implantations et des murs, à altérer la démographie de Jérusalem, et d’une manière générale à garder les Palestiniens confus et divisés.

Il est donc nécessaire que les Palestiniens agissent. Je suggère qu’il fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour :

 reconstituer l’unité nationale Palestinienne, mettre un terme aux divisions internes, et construire une direction nationale unifiée capable de parler d’une seule voix à l’administration des Etats Unis et au monde. Les Palestiniens doivent cesser d’écouter ceux qui veulent les briser en morceaux.
 rassembler les soutiens à l’initiative Arabe comme seule alternative à des solutions partielles et intérimaires. Nous ne devons pas tomber dans le piège insidieux tendu par des gens comme Shimon Peres qui veulent interpréter l’initiative Arabe de manière sélective. Ce que cherche le régime sioniste est d’obtenir une normalisation complète avec les états Arabes tout en continuant à occuper nos terres.
 appeler à la tenue d’une conférence internationale basée sur les résolutions de ’ONU pour la mise en oeuvre de l’initiative Arabe. Dans sa totalité. L’objectif est ici d’en finir avec l’occupation de tous les territoires occupés, et particulièrement de Jérusalem. Il sera nécessaire de créer un mécanisme international d’ensemble pour installer effectivement la paix. Et les Etats Unis ne devraient pas se voir reconnaître le monopole de la médiation, et surtout pas alors qu’ils continuent à être complètement de parti pris en faveur des sionistes. Les Arabes et les Palestiniens doivent envisager de coopérer avec d’autres puissances qui font leur apparition sur la scène internationale.
 lancer une campagne médiatique de grande ampleur pour dénoncer le système d’apartheid créé par le régime sioniste et mettre un terme à la mainmise sioniste sur l’opinion mondiale.

Tout ce qui précède est réalisable. Rien de ce que je viens de dire n’est hors de portée des régimes Arabes. Tout ce que je dis est que nous avons le devoir de mettre en lumière l’injustice grossière dont nous sommes les victimes.

Nous avons le devoir de proposer un point de vue alternatif à un auditoire qui a longtemps été monopolisé par le lobby sioniste.

Nous avons le devoir de soutenir, pour la Palestine, les valeurs du changement, de la liberté, et de l’égalité, dont Obama a si longuement parlé.

La Palestine est la plus grande victime de l’apartheid à travers le monde.

Notre cause est juste et nous avons le devoir de la défendre.

(*) Mustapha Barghouthi est secrétaire général de l’Initiative nationale Palestinienne.

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Et voici le texte anglais :

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Telling it as it is

Dr. Mustafa Barghouthi MP

Unless the Palestinians can speak effectively with one voice, the world won’t listen, though Palestine is the core problem, writes Mustafa Barghouti.

As many speculate about Obama’s future policies in the Middle East, the general Arab reaction is wait-and-see. The new president will likely face a barrage of problems, the economy and Iraq for starters, enough to keep him busy for a whole term. But there is no indication that the "change" Obama likes so much to talk about applies to the Palestinian-Israeli conflict. The appointments he made so far are not that encouraging either.
The Israelis, and Tzipi Livni has said as much, want the Americans to stay out of it. They want to keep the Palestinians divided, hold out the carrot of possible negotiations, while expanding settlements and changing the status quo all the time. The Palestinians, meanwhile, seem hapless. Pursuing negotiations that have no chance of success, the Palestinian Authority is holding on to Annapolis like a drowning man clutches at a straw. What are the participants in Annapolis doing about the Israeli settlements that grew exponentially during the Annapolis talks ? Nothing. What are they doing about the Israeli roadblocks that increased from 521 to 699 during the same period ? Nothing. What are they doing about the system of apartheid that subsequent Israeli governments appear to reinforce ? Nothing.
In Washington, meanwhile, there are three views concerning the Middle East. The first is that Israel should have a free hand and the US should stay out. At most, the US should be sending emissaries of the evasive type, people who can keep the ball rolling, discuss minor stuff, while time is being wasted. In short, there are people who divert our attention while Israel builds more settlements, changes the demographics of Jerusalem, and generally creates new facts on the ground. Those who advocate such a view want to keep the Palestinians divided while encouraging the Palestinian Authority to act as a watchdog for Israel.
The second view is that the US should forget about Palestine and focus instead on things such as the economy, or on Iraq, Afghanistan and Iran. After all, the Palestinian issue is a low-yield one, as previous US presidents discovered to their chagrin, and the new president has enough on his plate. Both this view and the one mentioned above give Israel a free hand. And both have the support of pro-Israeli groups, such as the American Israel Public Affairs Committee (AIPAC).
The third view follows more or less in the footsteps of the Baker-Hamilton report, advising the administration to pull out of Iraq and end a disgraceful war. Supporters of this view include people such as Lee Hamilton and former national security advisers Zbigniew Brzezinski and Brent Scowcroft. US president Jimmy Carter, who wrote a book assailing Israel’s system of apartheid, is also an advocate of this view. All of the above officials back the Arab initiative and urge its implementation as a formula leading to a comprehensive solution to the Middle East conflict. They also support the establishment of a unified Palestinian leadership.
Supporters of the latter view dare to say something that Israel doesn’t want to hear. They say that every single problem in the Middle East, Iraq and Afghanistan included, can be traced back to the Palestinian problem. And they want to draw the line, therefore, between American interests on the one hand and Israeli policies on the other. They also believe that Israel has crossed the line when it created an apartheid system in Palestine. Most of them believe that Obama is the last president in a position to endorse a two-state solution. Otherwise, the only solution will be a bi-national state, which many argue is not in Israel’s best interests.
Unfortunately, Arab officials are maintaining a passive outlook on the whole matter, saying as little as possible and generally leaving the initiative to others. We have no one to advance our views in Washington, simply because we have failed to maintain an effective Arab or Palestinian pressure group in the US. American presidents, Obama included, don’t take any risks unless they have to. And as long as we, the Palestinians and Arabs remain silent, US officials are unlikely to get interested in our case. We can influence Obama’s choices, but only if we make a collective effort to get our point across. One point that we need to make urgently is that Palestine is the core problem, the one from which all other troubles in the region emanate.
Ours is not a lost case. For a while after the Beirut summit, the Arabs made a brave attempt to ditch the futile, piecemeal approach to negotiations and replace it with something more serious. Their attempt was credible enough to entice Sharon into a series of diversion tactics, including an offensive in the occupied territories, followed by the assassination of president Yasser Arafat. The Annapolis process was but another delaying tactic. The only thing it did so far was keep the Palestinians busy, and divided too, while Israel grabs more land and changes demographic realities.
Israel is going to have an election soon, with the winner most likely a Likud or a former Likud member : Netanyahu or Livni. This establishes that Israel is not going to change its ways anytime soon. It will continue to build settlements and walls, alter the demographics of Jerusalem, and generally keep the Palestinians confused and divided. Therefore the Palestinians need to act. I suggest that they do everything they can to :
Regain Palestinian national unity, end internal divisions, and build a unified national leadership that can speak to the US administration and the world with one voice. The Palestinians should stop listening to those who want to break them apart.
Rally support to the Arab initiative as a sole alternative to piecemeal and interim solutions. We mustn’t fall for the insidious attempts by Shimon Perez to interpret the Arab initiative in a selective manner. What Israel wants is to extract full normalisation with the Arabs while continuing to occupy their lands.
Call for an international conference based on UN resolutions to implement the Arab initiative in full. The aim here is to end the occupation of all occupied territories, especially Jerusalem. A comprehensive international mechanism to establish peace needs to be created. And the US should not be allowed to monopolise the mediation, not while it continues to be totally biased to Israel. Arabs and Palestinians may cooperate with other powers that are rising on the international scene.
Launch a comprehensive media campaign to denounce the apartheid system created by Israel and end Israel’s hold on world opinion.
All of the above is doable. Nothing in what I said is too hard for Arab regimes. All I am saying is that we need to illustrate the gross injustice done to the Palestinians. We need to provide an alternative view to an audience long monopolised by the Israeli lobby. We need to uphold the values of change, freedom, equality Obama has been talking for so long about. Palestine is the world’s biggest victim of apartheid. We have a just cause and we need to defend it.

Mustafa Barghouthi is secretary general of the Palestinian National Initiative.