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Silence des médias sur un rapport accusateur

Les enfants palestiniens pris délibérément pour cibles

Crimes de guerre d’un Etat voyou et relevant en toute priorité de la justice internationale (ndlr)

mardi 18 novembre 2008

lundi 17 novembre 2008 - Medialens

Dans l’après-midi du 28 février 2008, un groupe de garçons palestiniens jouaient au foot sur un terrain prés de chez eux dans la bande de Gaza. Vers 15h30, un avion israélien a tiré un missile vers les enfants. Quatre ont été tués sur le coup et trois autres ont été grièvement blessés. Les quatre garçons morts s’appelaient Omar Hussein Dardouna, 14 ans, Dardouna Deib Dardouna, 12 ans, Mohammed Na’im Hammouda, 9 ans, et Ali Munir Dardouna qui avait tout juste 8 ans.

Une enquête menée sur le terrain par des militants des droits de l’homme palestiniens a conclu qu’il n’y avait aucune présence de résistance palestinienne dans les environs au moment tdu tir et que les enfants « devaient être clairement visibles pour l’avion (israélien) qui a tiré le missile ».

De tels cas sont nombreux. Une nouvelle étude du Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme (PCHR) indique que 68 enfants ont été tués à Gaza entre juin 2007 et juin 2008 (1). Au cours de la même période, 12 enfants furent tués par les forces israéliennes en Cisjordanie. Le rapport souligne « le ciblage délibéré de civils, y compris d’enfants » (2).

Depuis la deuxième Intifada, qui fut déclenchée en septembre 2000, les forces israéliennes ont tué 859 enfants dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Le nombre d’enfants tués a brutalement augmenté au cours du premier semestre de 2008, principalement à cause d’une opération militaire israélienne de grande envergure dans la bande de Gaza. L’assaut, baptisé « opération chaleur d’hiver », fut lancée en février 2007. Les Israéliens ont tué plus d’enfants (47) dans la bande de Gaza au cours des quatre premiers mois de 2008 qu’au cours de toute l’année 2007 (32 enfants). Un total de 110 civils firent tués durant l’opération en février-mars 2008. (3)

Le site internet Remember These Children signale que depuis le 29 Septembre 2000, 123 enfants israéliens ont été tués par des Palestiniens et 1 050 enfants palestiniens ont été tués par les Israéliens. (4)

La plupart des enfants tués au cours des dernières années dans la bande de Gaza l’ont été par des bombardements, des missiles sol-sol, ou des missiles air-sol. L’enquête palestinienne souligne qu’Israël a « systématiquement bombardé soit à l’intérieur des zones résidentielles soit dans leur proximité immédiate, y compris des écoles et des zones proches des écoles. » Israël recourt à « une force disproportionnée et excessive dans les Territoires palestiniennes occupées, sans égard pour les civils, y compris les enfants. »

Mais le rapport révèle encore pire. Il conclut que les forces israéliennes « visent délibérément les civils désarmés, y compris les enfants, dans le cadre de leur politique de punition collective infligée à l’ensemble de la population civile palestinienne ».

Le rapport du groupe de défense des droits de l’homme se conclut par :

« Il existe un faisceau convergent d’éléments qui indiquent que les forces Israéliennes tuent délibérément des enfants en représailles de morts israéliens, civils ou membres des forces israéliennes, ce qui constitue un crime de guerre ». (5)

Selon le droit international, les enfants sont particulièrement protégés pendant les conflits armés. Ceci inclut une occupation militaire comme celle des territoires palestiniens par Israël. Une protection légale est garantie par le 4è Convention de Genève de 1949 ainsi que la Convention des Nations-Unies sur le Droit des Enfants, signée par Israël en 1991.

Cette protection fut renforcée par le Protocole sur les Enfants dans les Conflits Armés. Le protocole stipule que « les droits des enfants doivent être particulièrement protégés » et condamne « le ciblage des enfants lors de conflits armés et l’attaque directe contre des objets protégés par le droit international, dont les lieux habituellement fréquentés par les enfants, tels que les écoles et les hôpitaux ». Israël a signé le protocole le 14 novembre 2001 (6) mais ne cesse d’en violer les termes.

Et enfin, le rapport souligne qu’Israël n’a jamais mené d’enquête sur l’assassinat de civils désarmés, y compris d’enfants. Dans les rares cas où une enquête a été menée, elle l’a été par les forces armées israéliennes elles-mêmes. Ces enquêtes se concluent systématiquement par un non-lieu et un simulacre de justice.

Tandis qu’Israël continue de tuer des civils désarmés en toute impunité, la communauté internationale s’abstient d’exercer des pressions suffisantes sur Israël pour mettre un terme à l’assassinat de civils en enfants palestiniens. Ces assassinats devraient être dénoncés par ceux de la communauté internationale qui, en tant que signataires de la 4eme Convention de Genève, sont dans l’obligation de prendre des mesures afin de protéger les civils désarmés des attaques israéliennes.

Comme le fait remarquer le PCHR : « la vie d’un enfant palestinien est aussi sacrée que celle d’un enfant israélien, européen ou de n’importe quel autre enfant dans le monde ».

Réaction minimum de la part des médias complaisants

Le rapport du PCHR est choquant. Guy Gabriel, conseiller auprès de Arab Media Watch, basée à Londres, nous a dit que le groupe était « une organisation crédible avec une bonne réputation, et mieux placée que beaucoup - en termes d’emplacement géographique, de ressources et de soutien - pour nous informer sur la situation à Gaza. » (7) Le journaliste John Pilger a répondu que « le PCHR, selon mon expérience, est une organisation dont les chiffres sont très fiables. » (8)

Ce groupe de défense des droits de l’homme, d’une réputation fiable, a fournit des éléments incontestables qui démontrent une stratégie délibérée de l’armée israélienne qui consiste à cibler les civils palestiniens, « y compris les enfants ». Dans d’autres circonstances, une telle nouvelle aurait fait la une des journaux. Ce n’est malheureusement pas le cas. Dans toute la presse britannique (et autres, évidemment - NDT), ce qu’est qu’un grand, un énorme, silence.

La seule exception que nous avons trouvée a été un article de 400 mots publié dans The Guardian le jour de parution du rapport. Selon Rory McCarthy, « une organisation palestinienne déclare qu’Israel a tué 68 enfants à Gaza cette année » (9)

Comme l’a souligné McCarthy, « Un éminent groupe palestinien de défense des droits de l’homme déclare détenir des preuves que l’assassinat de 68 enfants dans la bande de Gaza au cours du premier semestre de cette année est le résultat d’un recours à une "force disproportionnée et excessivement létale" par l’armée israélienne. »

Cet article n’était pas de trop. Malheureusement, il ne fait pas mention d’un élément crucial, à savoir qu’il s’agit d’une politique délibérée de la part de l’armée israélienne qui consiste à viser des civils, y compris des enfants. Dans son article, McCarthy dit qu’il n’a pas pu obtenir la réaction d’un officiel israélien (c’était un jour de fête religieuse juive). Il se contenta alors d’insérer la dénégation israélienne standard : « Dans le passé, Israël a constamment défendu ses actions militaires à Gaza, en affirmant que les civils ne sont pas intentionnellement ciblés et en faisant remarquer que souvent les militants palestiniens ouvrent le feu à partir de zones civiles. »

Le 27 octobre 2008 nous avons écrit à McCarthy pour le féliciter pour son article. Nous avons souligné l’idée centrale du rapport, sans cesse répétée - confirmée par de multiples témoins oculaires - qu’Israël cible délibérément des civils et des enfants. Nous lui avons demandé pourquoi son article ne faisait pas mention de cette conclusion du rapport. McCarthy n’a pas répondu à notre courrier, ni à un deuxième courrier envoyé le 29 Octobre.

Pour ce qui concerne la BBC, « objective » et « impartiale », elle semble avoir joué son rôle habituel, à savoir protéger les puissants. Au vu de l’absence de toute mention du rapport dans les titres de ses journaux et sur son site Internet, on ne peut que conclure que la BBC a décidé d’enterrer les conclusions de ce rapport. Pour ce que nous avons pu voir, le même silence honteux règne chez ITN et Channel 4 (chaines TV britanniques - NDT).

Par contraste, Al Jazeera diffusa un reportage de 3 minutes, dont le témoignange poignant d’une mère. Il y avait aussi des images émouvantes d’enfants blessés et traumatisés, dont un qui a vu son père se faire tuer par un missile israélien. (10) Dans ce reportage, Hamdi Shokri, du Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme, souligna : « Nous avons suffisamment d’éléments pour pouvoir affirmer qu’il y a eu un plan délibéré pour cibler et tuer des enfants. »

Nous avons écrit à Jeremy Bowen, le correspondant de la BBC au Moyen-Orient, le 26 octobre 2008. Nous lui avons demandé pourquoi la BBC n’avait rien fait pour publier ce rapport explosif. Pourquoi la BBC n’a-t-elle pas révélé la pratique délibérée d’Israël de viser les enfants ? En clair, pourquoi la BBC ne fait pas mieux son travail pour couvrir les événements dans les territoires occupés ? Bowen n’a pas répondu.

Greg Philo, du Glasgow Media Group de renommée mondiale (11), a récemment chargé (l’agence de recherche) YouGov de sonder 2068 adultes britanniques pour leur demander s’ils pensaient qu’il fallait donner plus de temps de parole dans les médias à la version palestinienne, plus à la version israélienne, ou le même pour les deux. 72% ont répondu que le temps devait être également réparti, et ceux qui pensaient que le point de vue palestinien devait être plus avantagé étaient deux fois plus nombreux que ceux qui pensaient qu’il fallait favoriser Israël. Le chiffre incroyable de 95% se déclaraient insatisfaits du traitement de l’information par les média.

Les silences et les omissions persistantes dans la couverture des événements au Moyen-Orient sont les symptômes d’un profond parti-pris qui empêche l’opinion publique de connaitre la véritable gravité des atteintes aux droits de l’homme commises par Israël. On n’entend pour ainsi dire jamais parler des « tabassages indiscriminées, de gaz lacrymogène, et les tirs contre les enfants », comme indiqué dans une étude de mille pages de Save The Children. L’âge moyen des victimes est de 10 ans ; la majorité d’entre eux ne lançaient même pas de cailloux. Dans 80% des cas où les enfants ont été touchés par balles, l’armée israélienne a empéché les victimes de recevoir des soins médicaux. Le rapport conclut que plus de 50 000 enfants nécessitent des soins médicaux pour blessures, dont des blessures par balles, inhalation de gaz lacrymogène et multiples fractures.

En 1989, un bulletin de la Ligue israélienne pour les Droits Humains et Civiques, intitulé Meurtre délibéré, signala le ciblage des enfants palestiniens meneurs. L’armée israélienne et des tireurs d’élite des « unités spéciales » avaient « soigneusement choisi » les enfants sur lesquels ils allaient tirer en visant la tête ou le cœur. D’autres éléments, provenant des groupes de défense des droits de l’homme israéliens et la presse israélienne, soulignent le recours intensif à la torture, comme le tabassage brutal ou les chocs électriques, contre des détenus, y compris des enfants. (12)

Amnesty International a aussi signalé que des groupes de civils palestiniens, dont des enfants, ont été « à de nombreuses occasions, délibérément l’objet de cibles ». Des soldats israéliens eux-mêmes ont avoué qu’ils avaient délibérément tiré et tué des civils désarmés, parmi eux des enfants. (13) Pendant de nombreuses années, Amnesty International a publié et condamné les atteintes aux droits de l’homme par Israël contre les Palestiniens des territoires occupés. La majorité de ces atteintes constituent des violations graves de la Quatrième Convention de Genève et par conséquence sont des crimes de guerre. (14)

Si c’est Israël, ce n’est pas du terrorisme

Dans un documentaire de 2002, Palestine Is Still The Issue, John Pilger interviewa Dori Gold, qui était à l’époque un haut conseilleur auprès du Premier ministre israélien. Pilger lui demanda pourquoi Israël ne condamnait jamais ses propres responsables pour leurs actes terroristes comme il condamnait les actes terroristes contre Israël.

John Pilger : Lorsque ces désormais célèbres Israéliens (Menachem Begin, Yitzak Shamir and Ariel Sharon) commettaient des actes de terrorisme, juste avant la naissance de l’Etat d’Israël, vous auriez pu leur dire « rien peut justifier vos actes et toutes ces vies perdues ». Et eux vous auraient répondu que si, leurs actes étaient justifiés. Quelle est la différence ?

Dori Gold : Pour ce qui concerne la communauté internationale, je crois que nous sommes arrivés à un point d’accord global. Je crois qu’après le 11 Septembre le monde s’est réveillé brutalement. Parce que le terrorisme d’aujourd’hui n’est plus celui du terroriste fou, de l’anarchiste qui lance une bombe au milieu de la foule pour faire valoir son point de vue. Le terrorisme va se transformer pour passer du terrorisme actuel, sous la forme non-conventionnelle, vers un terrorisme nucléaire. Et il nous faut éliminer cette menace avant qu’il ne soit trop tard. Donc, que l’on parle de la lutte ici entre Israeliens et Palestiniens, de l’Irlande du Nord, du Sri Lanka ou de toute autre endroit du monde où le terrorisme s’exprime, toutes les démocraties doivent s’engager globalement pour éliminer cette menace. Point final.

JP : Est-ce que cela concerne le terrorisme d’Etat ?

DG : Aucun pays n’a le droit de s’en prendre délibérément à des civils, pas plus qu’une organisation quelconque.

JP : Qu’en est-il du terrorisme israélien ?

DG : Il faut faire très attention avec le terme de terrorisme. Le terrorisme signifie que l’on cible délibérément des civils, que l’on mène une sorte de guerre contre eux. C’est cela le terrorisme contre les écoles, les cafés, les centres commerciaux israéliens. Israël cible, dans la mesure de ses capacités, les organisations terroristes palestiniennes.

JP : D’accord, mais lorsqu’un sniper israélien tire sur une vieille dame qui marche avec une canne et qui tente de se rendre à l’hôpital pour sa chimiothérapie, cela s’est produit dans un cas sous les yeux de la presse internationale - et franchement je pourrais passer la journée à vous énumérer des cas semblables - n’est-ce pas du terrorisme ?

DG : Je ne connais pas le cas dont vous parlez, mais je suis convaincu d’une chose. Un Israélien qui vise - y compris un sniper - vise celui qui est engagé dans une activité terroriste. Malheureusement, comme dans toute guerre, il arrive que des civils soient tués par accident. Le terrorisme signifie placer délibérément un civil dans la ligne de mire.

JP : C’est justement ce que je viens de vous décrire.

DG : C’est ce que ... Non. Je vous assure que ce n’est pas comme ça que ça s’est passé.

JP : Si, c’est comme ça que ça s’est passé. Et je crois que c’est là le problème, on a du mal à croire que le terrorisme puisse s’exercer des deux côtés. Votre définition du terrorisme est correcte, concernant les civils. Et les kamikazes sont des terroristes.

DG : si vous mélangez le terrorisme et le contre-terrorisme, si vous créez une sorte d’équivalence morale entre les deux, ça va poser un problème non seulement pour Israël mais pour l’ensemble de l’alliance occidentale. Parce que nous sommes tous menacés.

John Pilger conclut : « Il est difficile de distinguer le "contre-terrorisme" d’Israël du terrorisme tout court. Quelle que soit leurs cibles, ce sont les innocents qui sont visés. (15) »

(...)

(1) http://www.pchrgaza.org/files/Press...

(2) (pdf)

(3) http://www.medialens.org/alerts/08/... et http://www.medialens.org/alerts/08/...

(4) http://rememberthesechildren.org/ab...

(5) PCHR, op. cit., p. 46

(6) PCHR, op. cit., p. 14

(7) Courrier électronique, 31 Octobre, 2008

(8) courrier électronique, 27 Octobre, 2008

(9) http://www.guardian.co.uk/world/200...

(10) Al-Jazeera, 22 Octobre, 2008 ; http://au.youtube.com/watch?v=PTzQO...

(11) Philo, More News, Less Views, 30 septembre, 2008

(12) Mike Berry and Greg Philo, Israel and Palestine - Competing Histories, Pluto Press, London, 2006, pp. 86-87

(13) Ibid., p. 116.

(14) Ibid., pp. 60-61

(15) John Pilger, Israeli Terror ; Palestine Is Still The Issue documentaire/vidéo ; l’interview de Dori Gold commence à 34 minutes 32 secondes.

Article original du 3 novembre 2008 : Children in the crosshairs - Traduction VD pour le Grand Soir