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Par Daniel Cohn-Bendit

Nous sommes tous des Israéliens et des Palestiniens

Dimanche, 16 novembre 2008

dimanche 16 novembre 2008

La difficulté de trouver un accord de paix réside dans l’absence de leaders politiques capables de la négocier avec son propre peuple.

Chacun des mes voyages en Israël et Palestine me coûte énormément d’énergie en raison des attentes qu’ils suscitent.

Répondant à une invitation de la Fondation « Heinrich Böll » de Tel-Aviv pour débattre des « 60 ans d’Israël », j’en ai profité pour rencontrer un maximum de personnes et mieux cerner la situation dans la région.

A Hébron, 90 familles de colons israéliens, avec près de 300 enfants, sont « protégées » par 3000 soldats. C’est tout simplement de la folie ! Officiellement, l’armée israélienne occupe la Cisjordanie pour protéger les Israéliens. En réalité, cette armée n’est là que pour asseoir une colonisation par ailleurs rejetée par la communauté internationale.

La discussion de plus de deux heures avec le porte-parole des colons à Hébron a été complètement hallucinante.

Il faut savoir qu’Abraham est enterré à Hébron et que sa tombe représente un lieu de culte tant pour les Musulmans que pour les Chrétiens. Et c’est précisément en parlant avec ce porte-parole que j’ai pu réaliser en quoi l’argumentation des colons se fondait sur un rêve théologique-sioniste. Pourquoi la tombe d’Abraham devrait-elle plus appartenir à Israël qu’à Tel-Aviv, Haïfa ou Jérusalem ? Aucun argument rationnel ne permet d’exclure Hébron du rêve d’un « Grand-Israël ». C’est d’ailleurs pour cela que la majorité des Israéliens est incapable de faire la part des choses quand on aborde la question des colons immédiatement perçue sur un plan émotionnel.

Une base commune de négociations n’est possible que si les deux parties acceptent la frontière établie en 1967 et qu’elles enterrent leurs rêves d’un Grand-Israël ou d’une Grande-Palestine.

La difficulté de trouver un accord de paix réside dans l’absence de leaders politiques capables de la négocier avec son propre peuple. La seule personne en mesure de jouer un vrai rôle dans une telle négociation est emprisonnée en Israël. Le palestinien Marwan Barghouti est en effet l’unique personnalité capable de générer un « effet Mandela » en Palestine.

Quant à l’élite dirigeante israélienne, elle refuse d’affronter les questions essentielles. Atterrée par la peur de la remise en question, cette élite est allée jusqu’à prier toute la nuit pour que Mc Cain s’impose contre Obama.

L’actuel premier ministre palestinien Salam Fayad tente de montrer que son peuple est capable de se gouverner et d’assurer sa propre sécurité. Il sait aussi qu’il faudra trouver un accord spécifique pour Gaza. Ni le Fatah ni le Hamas ne sont capables ou disposés à établir des forces de sécurité publiques indépendantes. Le compromis qu’ils proposent n’est autre que de charger les soldats et policiers de la ligue arabe de la sécurité pour la période transitoire.

Pour ma part, je trouve la proposition de l’ancien ambassadeur d’Israël en Allemagne, Avi Primor toute aussi intelligente. Pour lui, l’Union Européenne, l’OTAN et la ligue arabe devraient remplacer l’armée israélienne en Cisjordanie par des militaires internationaux responsables de la sécurité.

J’ai quitté Tel-Aviv après 3 jours, avec le sentiment que les Israéliens et Palestiniens étaient incapables de trouver un compromis solide. Les soi-disant négociations pour la paix n’aboutiront pas. Et le risque c’est que les Palestiniens et les Israéliens sombrent dans le désespoir et la haine. La nouvelle administration américaine, l’Union Européenne, la Russie et la ligue arabe doivent donc prendre leur responsabilité et proposer des solutions acceptables pour les deux parties concernées. La paix au Proche-Orient est trop importante pour l’abandonner à sa propre folie.