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Source : Ha’aretz - texte original en anglais en 2è partie de cet article.

La vérité, pour une fois

par Gideon Levy

lundi 3 novembre 2008

Je lance un appel désespéré aux politiciens : s’il vous plaît, dites la vérité. Essayez d’oublier toutes les déclarations dépourvues de signification du passé, oubliez l’opinion des conseillers et des sondeurs, dépassez la crainte paralysante de « qu’est-ce que les gens vont dire ! »

Soyez courageux et dites ce que vous avez au fond du coeur pour une fois.

Pour changer, essayez de prendre un autre chemin , un chemin rectiligne , pas celui auquel vous vous êtes habitués pas celui auquel vous nous avez habitués. Qu’avez-vous à perdre ? Quoi qu’il arrive, aucun de vous ne fera disparaître les masses, et aucun de vous ne semble porteur d’une grande espérance. Quoi qu’il arrive, l’attitude du public à votre égard varie entre une indifférence blasée et un mépris sans fond, qui tous deux n’annoncent rien de bon pour vous, pour le pays, et pour sa fragile démocratie.

« Une politique différente ? » Cela pourrait bien être votre dernière occasion de sauver votre dignité professionnelle, qui est, vous le savez bien au nadir.

C’est maintenant qu’il faut le faire, à la veille d’une campagne électorale qui nous a été imposée, qui ne semble pas en mesure d’apporter un iota du changement que nous cherchons, une campagne dépourvue de tout véritable débat idéologique, une campagne ennuyeuse, fatigante et sans rien de nouveau. Le moment est venu de tenter quelque chose que vous n’avez jamais essayé, de dire la vérité, simple claire, propre.

La vérité, ne serait-ce que pour un instant.

Sur les ruines d’un gouvernement qui s’est effondré sous les soupçons de corruption, cet appel est doublement significatif. La plus grnade de toutes les corruptions, plus qu’une maison rue Crémieux ou que cette histoire des Voyages Rishon, c’est de ne pas dire la vérité.

Vous et nous méritons vraiment une autre sorte de politique, et elle ne sera jamais différente si vous continuez votre habitude corrompue de ne pas dire ce que vous pensez vraiment, et de ne pas penser vraiment ce que vous dites.

Tzipi Livni, Benjamin Netanyahu, Ehud Barak et Eli Yishai – c’est à vous que cet appel s’adresse.

Aucun de vous ne dit ce qu’il ou ce qu’elle pense.

Chacun de vous parle tout autrement derrière des portes fermées.

Le moment est venu de dire la même chose dans les studios de télévision, dans des réunions de parti, dans des rallies, et avec vos plus proches associés. Vous êtes parfois invités dans nos salles de presse et parfois nos conversations sont « off the record », ou encore « non attribuées » ou encore « pas pour publication ». De temps à autre il nous arrive d’échanger quelques mots dans des réunions non politiques. C’est là que nous voyons, quoique pas toujours, un autre aspect de vos personnalités, différent de l’aspect extérieur qui nous est si familier. Pourquoi « off the record » ? Pourquoi ne pas en faire état, Pourquoi faut-il qu’il y ait une différence entre ce que vous chuchotez à l’oreille de quelqu’un et vos « déclarations » publiques ? Après tout, votre langage du corps, votre langage politique, votre langage diplomatique changent à l’instant où vous apparaissez sous les projecteurs. Il n’y a pas seulement une bonne dose d’hypocrisie là-dedans, mais aussi n d’arrogance envers vos électeurs.

Le moment est enfin venu pour que Livni déclare clairement et sans ambigüité qu’elle est prête à un retrait de la totalité du plateau du Golan en échange d’une paix complète avec la Syrie ; pour que Barak déclare qu’il est prêt à un état Palestinien dans les frontières de 1967 ; pour que Netanyahu déclare quelle est son alternative à une solution à deux états ; et pour que Eli Yishaï explique pourquoi il croit que la sainteté de la terre est plus importante que la sainteté de la vie humaine, contrairement aux enseignements de son enseignant et rabbi il y a beaucoup d’années. Netanyahu, qui a grandi dans la maison d’un grand historien, devrait dire s’il a jamais trouvé dans ses lectures qu’un peuple qui a lutté pour la liberté et l’autodétermination se satisfasse de « paix économique ». Que ceux qui sont attachés à une ville de Jérusalem non divisée – presque tout le monde- disent quand ils ont visité le camp de Shuafat dans la capitale réunifiée, et pourquoi ils déclarent que ce camp nous appartient. Qu’ils expliquent comment ils résolvent la contradiction entre le maintien d’une majorité juive et l’annexion d’un quart de million de Palestiniens.

Ils doivent encore nous dire la vérité sur d’autre sujets.

Que Yishaï nous dise s’il veut vraiment un état gouverné par la loi religieuse, comme l’Arabie Saoudite ou l’Iran -il n’y a pas d’autres pays gouvernés par la loi religieuse- et s’il veut vraiment que nous étudions tous dans des yeshivas sans travailler et faire preuve de la moindre créativité

Et que pense Yichaï des Ashkenazis, et que pense Netanyahu des Arabes ?

Et quelle est la position réelle de Livni envers les colons et quelle est la position réelle de Netanyahu envers les gauchistes ? Ce sont toutes ces questions qui auraient du être posées auparavant, dans des débats publics ou des interviews dans des journaux, et qui, pour une raison ou l’autre, ne l’ont pas été.

Quelle ironie : la dernière fois qu’un politicien, ici, a dit la vérité, c’est dans une interview récente donnée par le premier ministre sortant Ehud Olmert.

« Nous devrions nous retirer de presque tous les territoires occupés, y compris Jérusalem Est et le plateau du Golan, » a déclaré cet homme, qui disait la vérité pour la première fois peut-être de sa vie politique, seulement c’était au moment où elle prenait fin.

Ils ne disent la vérité que lorsqu’ils sont sur le départ.

Comme il est écrit « Ne crains pas les Pharisiens et les non-Pharisiens, mais les hypocrites qui singent les Pharisiens. »

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et voici la version en anglais :

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Mon., November 03, 2008 Cheshvan 5, 5769

Truth, for a change

By Gideon Levy

This is a desperate call to politicians : Please, tell the truth. Try to forget all the meaningless pronouncements of the past, forget about the advice of the advisers and the pollsters, get over the paralyzing fear of "what will people say." Be brave and say what is in your heart for a change. For once, try to take a different path, a straight path, not the one you’ve gotten used to, not the one you’ve gotten us used to. What do you have to lose ? In any case, none of you will sweep away the masses, and none of you appears to be the great hope. In any case, the public’s attitude toward you moves from sick indifference to bottomless contempt, both of which bode ill for you, for the country and for its fragile democracy.

"Different politics" ? This might be your last chance to save your professional dignity, which is, as you know, at a nadir. Now is the time to do so, on the eve of the hasty election campaign that has been forced on us, which it seems will not bring about one iota of the change we seek, a campaign lacking any real ideological debate, boring, tiresomely predictable. The time has come to try something you have never tried, to speak the truth : simple, clear, clean. Truth, if only for a moment. On the ruins of a government that fell because of suspicions of corruption, this call is doubly significant. The greatest corruption of them all, more than both the house on Cremieux Street and the Rishon Tours affair, is not telling us the truth.

You and we really do deserve a different kind of politics, and it will never be different if you continue in your corrupt habit of not saying what you really think, and not really thinking what you say.

Tzipi Livni, Benjamin Netanyahu, Ehud Barak and Eli Yishai - this call is for you. None of you says what he or she thinks. Each of you speaks differently behind closed doors. The time has come to say the same thing in television studios, at parlor meetings, at rallys and to your closest associates. Sometimes you are guests in our newsrooms and sometimes our conversations are "off the record," "unattributed" and "not for publication." Here and there we find ourselves talking with you at social events : That is when we always, but always, see a different side of you, different from the familiar, external one. Why off the record ? Why not report it ? Why does there have to be a difference between what you whisper into someone’s ear and your public "statements" ? After all, your body language, political language and diplomatic language change the moment you enter the spotlight. There is not only quite a bit of hypocrisy in this, but also arrogance toward your voters.

The time finally has come for Livni to say clearly and unambiguously that she is ready to withdraw from the entire Golan Heights in exchange for full peace with Syria ; for Barak to say he is prepared for a Palestinian state within the 1967 borders ; for Netanyahu to say what his real alternative is to a two-state solution ; and for Eli Yishai to explain why he believes the sanctity of the land outranks the sanctity of human life, contrary to the statements by his teacher and rabbi many years ago. Netanyahu, who grew up in the home of a great historian, should say whether he has ever read of a precedent where people fought for freedom and self-determination, and made do with "economic peace." Let those who are devoted to an undivided Jerusalem - almost everyone - say when they visited the Shuafat camp in the united capital and why they declare this camp is ours. Let them explain how they resolve the contradiction between maintaining a Jewish majority and annexing a quarter-million Palestinians.

They must also tell the truth on other matters. Let Yishai tell us if he really does want a state run by religious law, like Saudi Arabia and Iran - there are no other countries run by religious law - and if he really does want us all to study in yeshivas without working or showing any creativity. And what does Yishai really think about Ashkenazis, and what does Netanyahu think of the Arabs ? And what is Livni’s real attitude toward the settlers and what is Netanyahu’s real attitude toward leftists ? These are all questions that should have been asked already, in public debates or newspaper interviews, and for some reason they have not been.

How ironic : The last time a politician here told the truth was a recent interview with outgoing Prime Minister Ehud Olmert. "We should withdraw from almost all of the territories, including East Jerusalem and the Golan Heights," the man said, speaking the truth for perhaps the first time in his political life, only when it was about to end. They only tell the truth when they are on the way out. As it is said : "Fear not the Pharisees and the non-Pharisees but the hypocrites who ape the Pharisees" (Talmud, Sotah 22b).