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Omer Goldman la fille d’un ancien chef du Mossad, explique pourquoi elle préfère la prison au service militaire

Pardonne-moi, Papa, je ne me battrai pas pour ton Israël

par Igal Sarna - version originale en anglais en 2è partie de l’article

vendredi 17 octobre 2008

Omer Goldman est une jolie fille, mince comme un modèle. Jamais tranquille, très remuante, elle est pleine d’anxiété à la pensée qu’elle va perdre sa liberté. Pendant les mois qui ont précédé son refus de servir dans les forces sionistes, elle a consulté chaque semaine un psychologue pour se préparer à ce qui l’attendait : l’incarcération dans la cellule d’une prison militaire.

Je l’ai rencontrée plusieurs fois le mois dernier dans un appartement avec d’autres filles qui sont des objecteurs de conscience. Ensemble, elles distribuent des tracts contre l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Gaza aux portes de lycées tout pareils à celui qu’elle a quitté un an auparavant.

Pendant sa dernière journée de liberté en tant que civil, je l’ai vu aux porte de la base d’incorporation où elle avait reçu l’ordre de se présenter pour commencer une période de deux ans dans les forces sionistes, comme route jeune fille israélienne. Elle était venue pour notifier sa décision de refuser l’incorporation, pour être jugée et immédiatement mise en prison.

Plusieurs dizaines de partisans se sont présentés – des membres des Anarchistes Contre le Mur, sa mère, et quelques amies – et elle est restée près d’eux comme si elle essayait de retarder l’échéance, le moment où elle allait affronter, toute seule, l’armée.

Pour Omer, cette transition est plus nette et plus surprenante que pour la plupart des objecteurs de conscience : c’est la fille de l’ancien directeur-adjoint du Mossad, les services de renseignements israéliens, l’homme qui a failli en devenir le chef.

Omer a grandi toute sa vie dans le sein douillet d’un énorme établissement de sécurité qui est maintenant devenu un ennemi plutôt qu’un ami ; Son père est désigné par les journaux comme N. C’était un officier supérieur de renseignements qui a transformé le Mossad et en a gravi tous les échelons jusqu’en 2007 où il est devenu adjoint au chef du Mossad, Meir Dagan, considéré aujourd’hui comme l’homme mystère le plus puissant du système de sécurité israélien.

N, qui est un spécialiste de l’Iran, a été évoqué comme de successeur désigné de Dagan, mais Dagan n’a pas l’intention de prendre sa retraite. Des divergences sont apparues entre les deux homme forts, et N a démissionné en juin 2007.

C’est à cette époque que sa fille de 18 ans, Omer, une enfant choyée du faubourg huppé de Ramat Hasharon, a commencé à s’écarter de la trajectoire habituelle du lycée à l’armée.

Parallèlement aux problèmes de son père et à sa démission du Mossad, Omer s’est révoltée contre le chemin qu’il avait préparé pour elle et est allé jeter un coup d’oeil à la vie des Palestiniens de l’autre côté du mur. Vous pouvez appeler cela une révolte adolescente contre son père, ou une bataille pour le coeur d’un père qui avait quitté la maison.

Elle est l’une des 40 élèves qui a signé une lettre protestation d’élèves en fin d’études cette année. Trente-huit ans plus tôt la première lettre de ce type, un coup donné contre l’occupation et la guerre d’attrition, envoyée par des élèves en fin d’études de mon école secondaire à Golda Meir, le premier ministre – avait provoqué un scandale.

Il y a eu depuis d’autres lettres, et même si la fureur n’est plus ce qu’elle était, l’objection de conscience, en Israël, soulève encore une colère froide de gens qui croient détenir la vérité.

Omer m’a dit que le moment crucial de sa métamorphose a eu lieu cette année lorsqu’elle s’est rendue dans un village Palestinien où l’armùée d’occupation avait installé un barrage routier. Les gens qu’elle avait toute sa vie considéré comme ses ennemis étaient à ses côtés, et ceux qui étaient censés la défendre ont ouvert le feu sur elle.

« Nous étions assis sur le côté de la route en train de bavarder, et les soldats sont venus, et après quelques secondes ils ont reçu un ordre et se sont mis à tirer sur nous des grenades lacrymogènes et des balles acier caoutchouc. C’est alors que cela m’a frappé, que les soldats obéissaient à un ordre sans réfléchir. Pour la première fois de ma vie, un soldat israélien avait levé son arme et tiré sur moi. »

Et quand en avez-vous parlé à votre père ? « Papa était stupéfait et e colère que je me sois trouvée là et que j’aie mis ma vie en danger. Après quoi nous avons eu des conversations. Il me soutenait parce que je suis sa fille et que nous avons de bonnes relations, mais il restait fermement opposé à ce que je faisais et plus encore à mon refus de servir dans l’armée. »

« Il a d’abord pensé que c’était une phase passagère de l’adolescence, puis il a compris que cela venait du plus profond de moi-même. Lui et moi avons des caractères très semblables. Mois aussi, je me bats jusqu’au bout pour ce que je crois. Mais, du point de vue idéologiques nous somme opposés. »

Lorsque j’ai continué à lui parler de son père, Omer a souri et n’a rien dit. Un rare moment de silence.

Le 12 septembre, elle a refusé de servir dans l’armée, elle a été jugée, et envoyée en prison pour 21 jours. Cette semaine, elle sera jugée de nouveau – et de nouveau, jusqu’à ce que l’armée ou elle-même en ait assez.

Dans deux semaine, mon propre fils Noam doit rejoindre l’armée, et je l’accompagnerait à la base où j’ai vu Omer pour la dernière fois. Contrairement à elle, Noam a l’intention de faire son service militaire. Je les comprends tous les deux.

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et voici l’original en anglais

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The Sunday Times (London) October 12, 2008
Father, forgive me, I will not fight for your Israel
 
Omer Goldman, daughter of a former Mossad chief, tells why she prefers jail to the military draft
 
By Igal Sarna
 
Omer Goldman is a pretty girl, slender as a model. Never still, very restless, she is filled with anxiety by the expected loss of her freedom. For months before she refused to be drafted into the Israel Defence Forces, she went to a psychologist every week to prepare for what was to come : incarceration in a cell in a military prison.
 
I met her several times last month in an apartment with other girls who are conscientious objectors. Together they would hand out flyers against Israel’s occupation of the West Bank and Gaza at the gates of a high school like the one she left a year ago.
 
On her last day of freedom as a civilian, I saw her at the gates of the intake base to which she had received orders to report for induction into a two-year stint with the defence forces, like every Israeli girl. She had come to refuse the draft, to be tried and to be imprisoned immediately.
 
Several dozen supporters showed up – members of Anarchists Against the Wall, her mother and a few girlfriends – and she stayed close to them as though she were trying to delay the end, the moment when she would clash all alone with the army.
 
For Omer, this transition is sharper and more surprising than for most conscientious objectors : she is the daughter of the former deputy head of Mossad, the Israeli intelligence service, the man who nearly became its head.
 
Omer grew up all her life in the warm bosom of a huge security establishment that has now become an enemy rather than a friend. Her father appears in the newspapers as N. He was a senior intelligence officer who transferred to Mossad and climbed to the top until in 2007 he became the deputy to Mossad’s chief, Meir Dagan, now considered the most powerful mystery man in the Israeli security system.
 
N, whose speciality is Iran, was spoken of as Dagan’s designated successor, but Dagan had no intention of retiring. Differences of opinion developed between the two strong bosses, and N resigned in June 2007.
 
This was the time when his 18-year-old daughter Omer, a pampered child of the wealthy suburb of Ramat Hasharon, was beginning to move away from the usual high-school-to-army trajectory.
 
In parallel to her father’s struggle and his resignation from Mossad, Omer rebelled against the path he had paved for her and went to have a look at Palestinian life on the other side of the wall. Call this an adolescent’s rebellion against her father or a battle for the heart of a father who had left home.
 
She is one of about 40 pupils who signed a school-leavers’ protest letter this year. Thirty-eight years ago the first such letter – a counterblast against the occupation and the war of attrition, sent by pupils in the final year of my secondary school to Golda Meir, the prime minister – caused an uproar.
 
There have been other letters since then, and although the furore is not what it was, in Israel conscientious objection still arouses cold, self-righteous wrath.
 
Omer told me that the crucial moment of her metamorphosis occurred this year when she went to a Palestinian village where the Israeli army had set up a roadblock. Someone she had considered her enemy all her life stood beside her and someone who was supposed to be defending her opened fire at her.
 
“We were sitting by the roadside talking and soldiers came along and after a few seconds they received an order and fired gas grenades and rubber bullets at us. Then it struck me, to my astonishment, that the soldiers were following an order without thinking. For the first time in my life, an Israeli soldier raised his weapon and fired at me.”
 
And when you told your father ? “Dad was astonished and angry that I had been there and endangered my life. After that we had conversations. He supported me as his daughter and we have a good relationship, but he is decidedly opposed to what I do and even more to my refusal to serve in the army.
 
“At first he thought this was a passing phase of adolescence and later he understood that this is coming from a place deep inside me. He and I have very similar characters. I, too, fight to the end for what I believe in. But we are opposites ideologically.”
 
When I ask more about her father, Omer smiles and does not answer. A rare moment of silence.
 
On September 23 she refused to serve in the army, was tried and was sent to prison for 21 days. This week she will be tried again – and again, until the army tires or she tires.
 
In two weeks’ time my own son Noam is due to join the army, and I will be accompanying him to the base where I last saw Omer Goldman. Unlike her, Noam intends to do his military service. I understand them both.