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Paix et Justice au Moyen-Orient (2008 - analyse n° 20)

Aujourd’hui : Ce que révèle le discours d’Obama à Berlin

Notre rubrique géopolitique

mercredi 10 septembre 2008

Strasbourg le 10 septembre 2008

Quelle différence entre le « nouveau Moyen-Orient » de Georges Bush et l’"aube nouvelle" de Barack Obama ?

Le Monde du 26 juillet 2008 a publié une traduction intégrale du discours de Barack Obama, prononcé le 24 juillet à Berlin, devant près de 200 000 Allemands, apparemment enthousiastes et gagnés par l’"Obamania", phénomène entretenu par les médias occidentaux.

Tous les sujets de politique internationale y étaient abordés, donnant à ce discours, un avant goût du programme qui sera appliqué en cas de victoire (attendue) du candidat démocrate à la Maison Blanche.

Que révèle le discours de Barack Obama sur la puissance américaine, l’OTAN, les murs de division (les mots « mur » ou « murs » ont été prononcés à 14 reprises) et le Moyen-Orient ?

L’analyse qui suit concerne uniquement le discours de Barack Obama à Berlin et ne préjuge en rien des changements éventuels qui interviendraient, sous la pression des forces progressistes, si l’actuel candidat démocrate devenait président.

Un rappel historique est utile : à son arrivée au pouvoir, Georges Bush avait deux atouts majeurs : la disparition soudaine de l’Empire soviétique et la puissance de l’économie américaine, loin des problèmes qu’elle connaît actuellement (crise des crédits hypothécaires, baisse du dollar, pillage des richesses du pays par le complexe politico-militaro-industriel, vol organisé et systématique des crédits alloués à l’Irak et à l’Afghanistan, appauvrissement des ménages américains, etc.).

A l’époque, l’arrogance et l’unilatéralisme constituaient les deux piliers de la politique étrangère de l’administration Bush. Le Maccartisme lui servait de base idéologique : ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous !

La France et l’Allemagne, opposées à la guerre d’Irak, étaient taxées de « vieille Europe », ridiculisées par les médias américains gagnés à la cause néoconservatrice. La répression, théorisée dans le « Patriot act », a même gagné les Etats-Unis. L’union à la carte avait remplacé l’unité occidentale qui prédominait avant la disparition de l’Union soviétique. La Pologne, l’Ukraine, la Géorgie, la Roumanie, la Corée du sud comme certains pays d’Amérique Latine, pays sans importance stratégique, furent recrutés pour participer à la nouvelle croisade colonialiste des Etats-Unis au Moyen-Orient. La prédominance des intérêts américains remplaça les lois internationales, et l’ONU fut transformée en exécutant des désidératas de l’Oncle Sam.

L’Irak fut envahi illégitimement et le vassal israélien des Etats-Unis continua de bafouer les lois internationales, en construisant une société d’apartheid en Israël et dans les territoires occupés.

Quelques années plus tard, les guerres d’Irak et d’Afghanistan sont devenues des fardeaux financiers et humains, difficiles à supporter par une seule puissance, aussi grande soit-elle. Les élections à mi-mandat de novembre 2006 et l’échec des républicains, ont montré que les Etats-Unis sont gagnés par le doute. Les impasses de la guerre et les mauvaises nouvelles de l’économie américaine ont fini par achever le rêve néoconservateur de dominer le monde pour mille ans.

C’est dans une telle situation que la France et l’Allemagne ont fini par se joindre aux Etats-Unis, en s’engageant davantage en Afghanistan et en s’associant totalement à sa politique guerrière au Moyen-Orient. Une manière d’avouer, entre autres, que l’échec des Etats-Unis pourrait préfigurer celui de tout l’Occident, suivi du recul de l’influence occidentale dans le monde.

Conscient de l’échec de l’unilatéralisme, des limites de la puissance américaine et sans jamais mettre en cause sa suprématie, Barack Obama insiste aussi sur les limites de la puissance militaire et diplomatique des Etats-Unis et prône l’amitié euro-américaine : « Nous ne pouvons pas nous permettre d’être divisés. Aucune nation, aussi grande et puissante soit-elle, ne saurait relever seule de tels défis ». De ce point de vue, il y a continuité de la politique de l’actuelle administration qui, depuis le 7 novembre 2006, a peu à peu enterré, à son tour, l’unilatéralisme.

La reconnaissance des limites de la puissance (militaire et financière) des Etats-Unis se révèle lorsque B. Obama parle de l’Afghanistan : « Les Etats-Unis ne peuvent agir tout seuls. Les Afghans ont besoin de nos soldats et des vôtres ». Finie donc, l’époque où les néoconservateurs projetaient de s’impliquer simultanément sur trois fronts à la fois et dénigraient ou minimisaient : « l’importance de l’Europe pour notre défense et notre avenir ».

Concernant l’OTAN, B. Obama entretient la confusion, mélangeant sciemment les époques. En parlant du « miracle allemand », il évoque l’OTAN, « la plus belle alliance jamais conçue pour la défense de notre sécurité commune ». En effet, ladite alliance a été conçue pour contrer le « Pacte de Varsovie », présent au cœur de l’Europe et qui menaçait la « sécurité » de l’Europe occidentale. Depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush, l’alliance atlantique a complètement changé de mission, se transformant en un outil de domination colonialiste américain, agissant en Afghanistan. B. Obama ne met nullement en cause la nouvelle mission de l’OTAN. Il souhaite même qu’en Afghanistan : « la première mission de l’OTAN hors d’Europe réussisse ». B. Obama va jusqu’à utiliser les termes employés par Georges Bush : « Pour les Afghans, et pour notre sécurité à tous, le travail doit être fait ». Car :"trop d’intérêts [il s’agit des intérêts colonialistes- NDLR] sont en jeu pour que nous puissions faire marche arrière maintenant".

B. Obama est, on ne peut plus, clair : il est sur la même longueur d’onde que les néoconservateurs et sera le défenseur zélé de la politique colonialiste de la bourgeoisie américaine dont la « sécurité » s’étend jusqu’à Hindou Kouch !

Sous B. Obama, y aura-t-il un changement de politique palestinienne ?

Evoquant la chute du « mur de Berlin », B. Obama dit : « les murs ne sont pas tombés qu’à Berlin, ils sont aussi tombés à Belfast (...) dans les Balkans (...) en Afrique du Sud (...) les murs peuvent être abattus, l’Histoire nous le rappelle sans cesse ». Même s’il insiste, à juste titre, qu’"aucun mur ne doit plus séparer les races et les ethnies, les citoyens de souche et les immigrés, les chrétiens, les juifs et les musulmans. Voilà les murs qu’il faut aujourd’hui abattre" ; un lecteur averti ne trouve rien, dans le discours de B. Obama, ni sur le « mur de séparation » qu’érige Israël en Cisjordanie, ni sur la clôture de séparation qu’érigent les Etats-Unis à leur frontière avec le Mexique.

Comme ses prédécesseurs, B. Obama soutient la destruction des murs qui empêchent la suprématie des Etats-Unis, aussi bien à Berlin que dans les Balkans. Le « mur de séparation » en Cisjordanie, conforme aux intérêts des Américano-israéliens, ne mérite même pas de figurer sur la liste des murs à abattre. Là encore, la continuité de la politique du trio Bush-Sharon-Olmert semble évidente.

Quant au Moyen-Orient, B. Obama suggère que « le temps est venu d’une aube nouvelle ». Tout porte à croire qu’il s’agisse d’une nouvelle variante du « nouveau Moyen-Orient », prédit, avec le succès qu’on lui connaît, par Georges Bush et Condoleezza Rice, pendant la guerre d’agression israélienne, d’été 2006, contre le Liban.

Que se cache derrière la politique d’aube nouvelle" de B. Obama ? En s’adressant à la chancelière allemande, B. Obama dit : « mon pays doit s’unir au vôtre et à l’Europe tout entière pour adresser un message clair à l’Iran, qui doit renoncer à ses ambitions nucléaires. Nous devons soutenir les Libanais [le clan Hariri- NDLR] (...) ainsi que les Israéliens et les Palestiniens [Olmert et consorts et Mahmoud Abbas-NDLR] qui cherchent une paix solide et durable ». Rien sur la colonisation de la Cisjordanie par Israël, ni sur le développement des colonies. Alors que personne ne croit plus aux pourparlers de paix, qualifiés de « trompe l’œil » par Hani Al-Masri, éditorialiste au quotidien panarabe Al-Hayat, qui affirme :" il n’y a jamais eu de processus de paix. Tous ce que nous avons vu depuis six mois, c’est davantage de colonies, de mur et de raids militaires. Les négociations n’ont servi qu’à masquer les faits accomplis israéliens" (LM du 02/08/08). Là, encore, la continuité de la politique de l’administration Bush, sur l’Iran, le Liban et la Palestine est manifeste : étendre la suprématie américaine sur le reste du Moyen-Orient en visant l’Iran qui mène une politique anticolonialiste radicale.

Hormis le désengagement progressif des forces combattantes américaines du bourbier irakien, le programme de politique étrangère de B. Obama, révélé lors de son discours à Berlin, ressemble, à s’y méprendre, à celui de l’administration sortante.

Il y aura, peut-être, un changement de méthode, souligné par Hubert Védrine, ancien ministre français des affaires étrangères, et théorisé par Fareed Zakari, journaliste centriste américain d’origine indienne (Le Monde Diplomatique- août 2008).

Selon H.Védrine : « Bien sûr, il s’agit toujours, pour Zakaria, de préserver les intérêts vitaux des Etats-Unis, leur leadership, mais intelligemment, de façon bismarko-rooseveltienne si l’on peut dire, en maniant le smart power du professeur Joseph Nye, de Harvard ». Dans la note concernant Joseph Nye, H.Védrine écrit : "Nye fut l’inventeur du concept de soft power ("puissance douce"). Il utilise désormais celui de smart power ("puissance intelligente"), qui renvoie à un équilibre entre puissance militaire et puissance d’attraction".

Pour l’instant, tout porte à croire que, pour corriger les énormes dégâts causés par la brutale administration Bush, B. Obama, souhaiterait incarner le smart power. L’avenir nous dira si le colonialisme « soft » ou « smart » réussira mieux que l’ancienne version, plus brutale, incarnée par l’administration Bush.

Le comité de rédaction