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Le point sur une réalité dont nous, européens, n’avons pas à être fiers (ndlr)

Israël et l’Europe : une relation spéciale

Arjan El Fassed - The Electronic Intifada

jeudi 31 juillet 2008

Avec le retour des gouvernements de droite en France et en Italie, la politique de l’UE s’est rapprochée de celle de l’administration Bush. L’Union Européenne et Israël sont en train d’ « élever » leurs relations vers un nouveau palier de « coopération plus intense, plus productive, et plus influente » .

Lors de sa dernière visite en Israël, la sixième depuis le sommet d’Annapolis de novembre dernier, la secrétaire d’état des États-Unis, Condoleezza Rice, s’est plainte de l’effet préjudiciable, sur les pourparlers actuels de paix entre les israéliens et les palestiniens, des milliers de nouvelles habitations construites dans les colonies israéliennes sur des terres palestiniennes occupées.

Entre-temps, lors d’une conférence de presse conjointe au Luxembourg avec la ministre des affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, le ministre des affaires étrangères de la Slovénie, Dimitrij Rupel, dont le pays détient la présidence tournante de l’Union Européenne (UE), a annoncé que celle-ci a décidé de promouvoir et de revaloriser ses relations économiques et politiques avec Israël.

Rupel, qui présidait la réunion du conseil de l’association Israël -UE, l’organisme qui supervise la relation, a déclaré que l’Union et Israël sont en train d’ « élever » leurs relations vers un nouveau palier de « coopération plus intense, plus productive, et plus influente » . Israël est d’ores et déjà doté, par l’UE, du plus haut niveau de relations accessible à un état non-membre.

Mais de quoi s’agit-il ? La coopération, dans ce genre de relation spéciale, est basée sur le Plan d’Action de la Politique Européenne de voisinage, une initiative lancée en 2004 sous la présidence néerlandaise de l’UE et ciblée sur l’objectif de rapprochement entre l’Union et les pays voisins. Dans le cas d’ Israël, Cette décision est surprenante puisqu’un rapport de progrès sur l’implémentation de la politique de voisinage a déclaré clairement que "peu de progrès concret" est réalisé sur des questions soulevées entre Israël et l’UE, comme les restrictions sur le mouvement, la construction du mur de séparation en Cisjordanie (dont le trajet a été jugé illégal par la Cour Internationale de Justice), les détentions administratives, le démantèlement des « avant-postes » des colons, et l’expansion des colonies israéliennes.

Durant la fin de semaine précédant l’annonce de la revalorisation de la relation spéciale, les gouvernements de l’UE étaient encore divisés entre ceux qui voulaient la conditionner à des améliorations dans le moribond processus de paix, et ceux qui ne voulaient aucune condition. Un certain nombre d’organisations non-gouvernementales ont essayé de peser sur la décision en amenant la question des antécédents des atrocités commises par Israël en matière des droits de l’homme ainsi que la question de la fin du siège problématique de Gaza, que les organisations des droits de l’homme ont dénoncé sans relâche. Mais les efforts des diplomates Israéliens et les différents intérêts nationaux des états membres se sont avérés plus forts. L’annonce a été édulcorée en liant la relation spéciale aux progrès dans le processus de paix et à une solution, devenue maintenant utopique, d’un état Palestinien à côté de l’état d’Israël, mais ce n’est qu’un semblant de compromis entre les positions prévalentes dans les discussions.

Pendant de nombreuses années, les violations des droits de l’homme par Israël, les assassinats illégaux de dirigeants et militants palestiniens, les démolitions des maisons des Palestiniens, et d’autres accrocs à l’accord de l’Association UE-Israël et à la loi internationale. Récemment en janvier dernier, des officiels de haut niveau de l’UE, incluant le chef de la politique étrangère Javier Solana et la commissaire aux relations extérieures Benita Ferrero-Waldner, ont qualifié le siège israélien de la bande de Gaza de « punition collective » définie comme un crime de guerre selon la quatrième convention de Genève.
Tzipi Livni a déclaré que les pourparlers furent un événement marquant dans les relations UE-Israël, même si l’accord n’a pas totalement satisfait les buts originaux de l’état d’Israël qui prévoyaient l’introduction de sommets et de réunions régulières avec l’UE et ses ministres. Malgré ceci, la récente revalorisation des relations inclut tout de même une coopération accrue dans les domaines de la politique, de l’économie, de la science, de la loi, de la culture, de l’éducation et du contre-terrorisme, allant même, selon Rupel, jusqu’à prendre « un engagement mutuel vis-à-vis de valeurs communes importantes » comme base et cœur de l’accord.

Rupel a ajouté qu’il existe des « raisons évidentes pour lesquelles une coopération politique accrue entre l’UE et Israël doit être comprise comme contribuant à la résolution du conflit Israélo-Palestinien. » Il n’a toutefois pas ajouté pourquoi. Pourquoi par exemple Israël doit être recompensé par des liens inconditionnels avec l’UE malgré ses multiples violations des accords passés avec l’UE alors que les palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire israélienne doivent être soumis à de cruelles sanctions de la part de l’UE assorties d’un boycott qui a intensifié les souffrances des populations civiles palestiniennes. Livni, quant à elle, a déclaré qu’« il est clair qu’Israël et l’Europe partagent les mêmes valeurs et les mêmes intérêts. »

Jusqu’à ce jour, Israël est le seul pays non doté d’un sous-comité sur les droits de l’homme, tel que le prévoit la politique de voisinage de l’Union.

Les relations diplomatiques d’Israël avec la plupart des états et institutions européennes se sont améliorées de manière significative lors des récentes années. Le Royaume Uni, Les Pays-bas et l’Allemagne ont été les alliés les plus proches d’Israël au sein de l’Union. Bien avant qu’elle devienne chancellière, Angela Merkel a declaré au quotidien Israélien Haaretz qu’« il est de la plus haute importance que nous préservions la vitalité des relations et évitions activement à ce qu’ils ne se transforment en quelque chose de purement cérémoniel. »

Suite à la déclaration des accords spéciaux entre l’Union et Israël, le 19 mai 2008, le ministre néerlandais des affaires étrangères, Maxime Verhagen, a déclaré aux partisans d’Israël, lors d’un symposium tenu à l’hôtel Hilton à Amsterdam, qu’il a pressé l’Union pour qu’elle intensifie ses relations avec Israël. Il a aussi voulu faire bonne figure en invitant plusieurs officiels Israéliens à la Haye. Et plus tôt durant l’année, M. Verhagen a déclaré à des participants de la conférence Herzilya en Israël que l’association d’Israël avec le marché interne européen et « son implication dans plusieurs agences européennes, programmes et groupes de travail », peuvent être approfondis.

A l’époque, il a dit aussi qu’« une partie prenante du processus serait de renforcer le dialogue sur les droits de l’homme entre Israël et l’UE ». Mais ceux qui sont familiers avec les antécédents de ce dialogue dans le cadre des accords d’association entre Israël et l’UE savent que ce sont des mots vides, comme la déclaration du Luxembourg le démontre clairement.

Il a dit aussi que « l’arrêt de l’expansion des colonies et le démantèlement des avant-postes feraient une grande différence dans le registre des droits de l’homme » mais la continuation des constructions illégales dans une centaine de colonies en ce moment même suggère que les mots de M. Verhagen n’ont fait aucune différence.
Avec les nouveaux venus de l’Europe de l’est, l’UE comprend maintenant un plus grand contingent de pays amis d’Israël. Notamment la république Tchèque et la Pologne qui se sont opposés à toute connexion avec le comportement d’Israël en matière des droits de l’homme dans la revalorisation des relations. Avec le retour des gouvernments de droite en France et en Italie, la politique de l’UE s’est rapprochée de celle de l’administration Bush. Alors que la France, dirigée par le président Nicolas Sarkozy, prend la présidence l’UE le premier juillet, il est entendu que cette tendance va perdurer.

Arjan El Fassed est co-foondateur de Electronic Intifada et l’auteur de Niet iedereen kan stenen gooien (Uitgeverij Nieuwland, 2008).

18 Juin 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduit de l’anglais par Sophia : http://lespolitiques.blogspot.com