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« Est-ce que notre seule force consiste en des assassinats ? »

La paix est un vilain mot

par Gideon Levy (en anglais à la suite de cet article)

lundi 23 juin 2008

Lundi, 23 juin 2008

Un grand désastre vient de s’abattre sur Israël. Le cessez-le-feu est entré en vigueur. Le cessez-le-feu, le cessez-les Qassams, le cessez-les assassinats, au moins pour le moment. Ces bonnes nouvelles, porteuses d’espérance, ont été accueillies en Israël fraîchement, sombrement, et même avec hostilité. Comme toujours, les hommes politiques, les officiers de haut rang, les commentateurs patentés se sont retrouvés main dans la main pour présenter le cessez-le-feu comme un développement négatif, menaçant, et pour tout dire désastreux.

Même de la part des gens qui ont travaillé à la mise au point de cet accord – le premier ministre et le ministre de la défense- on n’a pas entendu un seul mot évoquant l’espoir ; juste des précautions pour s couvrir en cas d’échec. Personne n’a parlé des possibilités ouvertes, tout le monde a parlé du risque, qui est fondamentalement sans fondement. Le Hamas va s’armer ? Pourquoi en particulier pendant le cessez-le-feu ? Est-ce que le Hamas sera le seul à s’armer ? Et pas nous ? Peut-être qu’il va s’armer, et peut-être qu’il va réaliser qu’il ferait mieux de ne pas utiliser la force des armes, en raison des bénéfices apportés par le calme.

On a du mal à le croire. L’éclatement du conflit est accueilli ici avec beaucoup plus de sympathie et de compréhension, pour ne pas dire d’enthousiasme, qu’un cessez-le-feu. Lorsque les va-t’en guerre se mettent en route, nos tam-tams unifiés ne diffusent que des messages d’encouragement ; lorsque sonne le halte-au-feu, lorsque les gens de Sdérot peuvent dormir profondément, même si ce n’est pas forcément pour très longtemps, nous voilà tous inquiets. Voilà qui en dit long sur la constitution malade de notre société : la paix est un mot ordurier, la guerre est ce qui compte avant tout.

Même avant la conclusion du cessez-le-feu, tout le monde construisait le plus noir des scénarios : l’accord ne tiendra pas, il sera rompu immédiatement. Le Hamas va s’armer, Israël a cédé. Pas une seule de ces déclarations n’est nécessairement vraie. Pas un seul de tous les prophètes de malheur n’a été capable de proposer une meilleure alternative au cessez-le-feu, sauf toujours plus de sang versé des deux côtés.

Le calme ne se maintiendra que s’il est le prélude à des développements positifs ; par conséquent, plus que tout, le silence des armes a besoin des vents favorables de la bonne volonté et des déclarations constructives, par de la parole du découragement ; Si nous persistons à nous
montrer obstinément fermés,le pessimisme s’alimentera de lui-même. Beaucoup dépende nous.

Le Hamas veut le calme parce que cela sert ses intérêts. Ce n’est pas nécessairement mauvais pour Israël. Quelques mois de tranquillité et la levée du terrible siège imposé à Gaza pourrait créer une nouvelle réalité. On peu comprendre la protestation de Noam Shalit, mais la nouvelle atmosphère de calme amène précisément le moment d’assurer définitivement la libération de son fils Gilad et des centains de prisonniers Palestiniens – deux développements positifs pour les deux peuples.

Oui, le jeu à somme nulle entre « eux » et « nous » est fini depuis longtemps. C’est une honte que nous soyons les seuls qui en ayons fait une partie de notre propre identité. Et il faut bien le dire, même la libération de prisonniers Palestiniens, une mesure que nous présentons toujours comme un « prix »n peut fort bien être un succès israélien, avant d’en être un Palestinien. Une vie nouvelle et nettement meilleure à Gaza aura pour conséquence une vie meilleure pour Israël également. Ce n’est pas pour rien que les quelques jours pendant lesquels la barrière a été brisée entre l’Egypte et Gaza ont été les plus calmes que le Negev ait connu en deux ans.

Dans le sillage du cessez-le-feu, un gouvernement Palestinien d’union nationale peut se former et être un partenaire réel, et non pas virtuel, e représentant de la totalité du peuple Palestinien et pas de la moitié tout au plus. Il est certain que le Hamas n’abandonnera pas du jour au lendemain ses positions radicales, mais, dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale, bien des surprise peuvent intervenir, au moins de manière passive. Un accord avec un tel gouvernement ne sera pas un accord de marionnettes entre Ramallah et Jérusalem. Le cessez-le-feu a d’ores et déjà prouvé que non seulement Israël accepte de négocier avec le Hamas, mais qu’en plus le Hamas accepte de négocier avec Israël. Est-ce que ce ne sont pas de bonnes nouvelles ?

Si j’étais premier ministre, du type qui croit qu’en dehors d’une solution à deux états la survie d’Israël est impossible, comme Ehud Olmert le déclare, je ferais tout pour étendre immédiatement le cessez-le-feu à la Cisjordanie. La raison pour laquelle le calme obtenu à Gaza, sans qu’il s’étende à la Cisjordanie, constitue un succès pour Israël. UN succès ? Un désastre, oui ! Aussi longtemps que le calme n’est pas réalisé en Cisjordanie, le calme à Gaza sera bancal. A Gaza, ils ne pourront pas rester calmes pendant qu’Israël commet des violences en Cisjordanie. Est-pour cette raison qu’Israël ne veut pas étendre le cessez-le-feu à la Cisjordanie ?

La pensée qui s’est enracinée parmi nous que le calme est une reddition, doit être ré-examinée. Est-ce que notre seule force consiste en des assassinats ? Ne pouvons nous nous diriger que vers des assassinats ? L’opposition à l’extension du cessez-le-feu à la Cisjordanie montre aussi que le seul langage que comprenne Israël est celui de la force : il ne donnera son accord à une trêve en Cisjordanie que si des Qassams sont tirées de puis là aussi.. Quel message cela envoi-t-il aux Palestiniens ? Vous voulez le calme en Cisjordanie, Commencez par tirer des Qassams sur Kfar Sava, aussi.

Nous somme donc en présence de quelque chose de beaucoup plus profond que le seul cessez-le-feu. Regardons en face l’image que nous renvoie Israël. La réponse négative d’Israël au cessez-le-feu fait naître une suspicion venant de très loin. Peut-être qu’en fait Israël ne veut pas la paix ?

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et voici l’original en anglais

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Mon., June 23, 2008 Sivan 20, 5768

Ha’aretz

Quiet is muck

By Gideon Levy

A great disaster has suddenly come upon Israel : The cease-fire has gone into effect. Cease-fire, cease-Qassams, cease-assassiations, at least for now. This good, hopeful news was received in Israel dourly, gloomily, even with hostility. As usual, politicians, the military brass and pundits went hand in hand to market the cease-fire as a negative, threatening and disastrous development.

Even from the people who forged the agreement - the prime minister and defense minister - you heard not a word about hope ; just covering their backsides in case of failure. No one spoke of the opportunity, everyone spoke of the risk, which is fundamentally unfounded. Hamas will arm ? Why of all times during the cease-fire ? Will only Hamas arm ? We won’t ? Perhaps it will arm, and perhaps it will realize that it should not use armed force because of calm’s benefits.

It is hard to believe : The outbreak of war is received here with a great deal more sympathy and understanding, not to say enthusiasm, than a cease-fire. When the warmongers get started, our unified tom-toms drum out only encouraging messages ; when the all-clear is sounded, when people in Sderot can sleep soundly, even if only for a short time, we are all worried. That says something about society’s sick face : Quiet is muck, war is the most important thing.

Even before the cease-fire was attained, everyone was raising the blackest of black scenarios : The agreement will not hold, it will be broken immediately, Hamas will arm, Israel has given in. Not one of these assumptions is necessarily reality. Not one prophet of doom could suggest a better alternative to the cease-fire, except more and more unnecessary bloodshed on both sides.

Calm will be maintained only if it is a prelude to further positive developments ; therefore, more than anything, calm needs the tailwind of goodwill and constructive statements, not destructive ones. If we continue being so dour, the pessimism will fulfill itself. Much depends on us.

Hamas wants the calm because it serves its goals. That is not necessarily bad for Israel. A few months of quiet and the lifting of the terrible siege on Gaza could create a new reality. Noam Shalit’s protest is understandable, but the new atmosphere of calm is precisely the time to finally secure the release of his son Gilad and hundreds of Palestinian prisoners - two positive developments for the two peoples.

Yes, the zero-sum game between us and them ended long ago. It is a shame we are the only ones not to have internalized it. And yes, even the release of Palestinian prisoners, a step always presented on our side as a "price," can be an Israeli achievement, not only a Palestinian one. A new and somewhat better life in Gaza will assure a new life for Israel, too. It is not for nothing that the days when the fence was breached between Gaza and Egypt were the quietest days the Negev had known in two years.

In the wake of the cease-fire, a Palestinian government of national unity may arise and be a real and not virtual partner, the representative of the entire Palestinian people and not half of it. True, Hamas will not quickly abandon its hard-line positions, but under the aegis of a unity government it may surprise people, at least in a passive way. An agreement with such a government will not be an agreement of puppets between Ramallah and Jerusalem, the one known as the "shelf agreement." If it is attained, it will be a real agreement. The cease-fire has already proven that not only is Israel willing to negotiate with Hamas, Hamas is willing to negotiate with Israel. Is this not good news ?

If I were prime minister, the kind that believes that without a two-state solution Israel cannot continue to exist, as Ehud Olmert has declared, I would do everything to extend the cease-fire immediately to the West Bank. It is not at all clear why the attainment of calm in Gaza, without extending it to the West Bank, is considered an achievement for Israel. An achievement ? A disaster. As long as calm is not achieved in the West Bank, calm in Gaza will totter. In Gaza they will not be able to keep quiet over violent acts by Israel in the West Bank. Is that the reason Israel does not want to extend the cease-fire ?

The very thought that has taken root among us, that calm is surrender, should be rethought. Is our strength only in assassinations ? Are we headed only toward bloodshed ? The opposition to extending the cease-fire to the West Bank also shows, again, that Israel only understands the language of force : It will agree to calm in the West Bank only after Qassams are fired from there as well. What message does that send the Palestinians ? You want calm in the West Bank ? Please fire Qassams at Kfar Sava, too.

So this about something much deeper than only a cease-fire. This is about Israel’s image. The negative Israeli response to the cease-fire once again raises a deep suspicion : Perhaps Israel actually does not want peace ?