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Nouvelles du jour (2è édition du jour)

Chronique de l’occupation

Dimanche, 1 juin 2008

dimanche 1er juin 2008

Numéro : 555

nombre d’entrées : 8

Envoyé le 01/06/08

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55501

Les Palestiniens dans la nasse

Proche-Orient. Face à la colonisation galopante et au silence complice de l’Europe, les Palestiniens, isolés dans un territoire morcelé, désespèrent de voir naître un État libre et viable.

Françoise Germain-Robin - Palestine, envoyée spéciale.

« En réalité, il n’y a plus de processus de paix. » Cette opinion du professeur Ghassan Khattib, vice-recteur de l’université de Birzeit et ancien ministre de l’Autorité palestinienne où il représentait le Parti du peuple palestinien (PPP), est largement répandue. Pas seulement chez les Palestiniens. Elle est partagée par nombre de diplomates européens auprès de l’Autorité palestinienne. Ils sont les premiers témoins de la dégradation d’une situation qu’ils dénoncent en vain dans les rapports qu’ils font à leur gouvernement.

La colonisation s’accélère « Depuis la conférence d’Annapolis, dit l’un d’eux, la colonisation s’accélère comme jamais. Les autorisations de construction dans les colonies de Cisjordanie ont été multipliées par dix. Pas seulement dans les « blocs » de colonies que le régime sioniste entend annexer, mais aussi au-delà du mur, dans ce qu’on appelle les « avant-postes illégaux ». L’architecture de séparation se met en place à un rythme accéléré. Elle se double d’une strangulation volontaire de l’économie palestinienne. Les gens n’arrivent plus à vivre par eux-mêmes. 

Une analyse que confirme les constats faits par l’Ocha (bureau des affaires humanitaires de l’ONU) qui tient un compte scrupuleux de l’extension des colonies et des obstacles mis par Israël à la libre circulation des biens et des personnes. Il a constaté que la plupart des cinquante barrages dont Ehoud Barak, le ministre de la Défense (travailliste), a annoncé la levée n’ont en fait jamais existé. Fin mai, on en dénombrait toujours 607. Pourtant, selon les études de l’UE, s’ils étaient levés, la croissance de l’économie palestinienne pourrait être de 5 % en 2008. Mais elle connaîtra une récession (- 2 %) dans le cas contraire, le plus probable.

Cet étranglement délibéré est l’un des moyens de la mise en oeuvre d’une stratégie qui, avec le mur et l’extension des colonies, vise à rendre impossible la création d’un État palestinien indépendant et à amener les Palestiniens eux-mêmes à y renoncer.
Pas pour arriver un jour à un État binational - idée à laquelle se raccrochent certains Palestiniens et une frange ultraminoritaire de l’opinion sioniste. Mais pour parachever une séparation complète de la zone sioniste et des petites entités palestiniennes résiduelles, non viables, dont les habitants n’auraient d’autre recours qu’une dépendance totale à l’égard de l’aide internationale et de pays voisins comme la Jordanie et l’Égypte.

Ce scénario catastrophe, Ghassan Khattib le décrit ainsi : « La bande de Gaza, dit-il, est déjà complètement étranglée. Le Hamas, sous la pression de la population qui n’en peut plus, insiste pour que l’Égypte ouvre la frontière de Rafah, ce qui conduirait à une intégration progressive, de facto, de Gaza à l’Égypte. L’Égypte ne le souhaite pas, mais son gouvernement est soumis à la pression de sa propre population et des Frères musulmans. Du côté de la Cisjordanie, quand le mur sera achevé, les deux tiers de la population palestinienne se trouveront de l’autre côté, totalement isolés de Jérusalem où il n’ont déjà plus accès. Même les chrétiens, à Pâques, se sont vu refuser l’accès aux lieux saints ! Et ne parlons pas des hôpitaux et des universités. La population sera de plus en plus conduite à se tourner vers la Jordanie qui devient déjà la seule porte de sortie. Israël espère que le tiers restant s’intégrera peu à peu et que ce sera la fin du problème palestinien. »

Comment échapper à cette nasse qui se referme sur le peuple palestinien ? Les avis sont partagés. Pour Ghassan Khattib, une seule solution : « Il faut dire aux sionistes qu’ils doivent choisir entre négociation et colonisation ; geler ce faux processus de paix qui ne fait que délégitimer le président de l’Autorité palestinienne. Et se consacrer à la seule tâche urgente : renforcer l’unité interne entre Palestiniens et relancer la lutte politique en multipliant les lieux de résistance pacifique sur le mode de ce qui se fait contre le mur à Bil’in avec des militants de la paix israéliens et du Mouvement international de solidarité. »
Prise entre le Hamas et le régime sioniste, l’Autorité palestinienne tente un dernier effort pour obtenir d’Ehoud Olmert une bouffée d’oxygène qui ranimerait un processus de paix moribond. Le président Mahmoud Abbas, dont le mandat prend fin en janvier 2009, menace de jeter l’éponge si la colonisation n’est pas gelée. Il doit réunir en juillet un congrès du Fatah qui risque de tourner au constat de l’échec d’une stratégie, celle d’Oslo. En fait, son sort dépend du bon vouloir de son partenaire, le premier ministre Ehoud Olmert.

« Abbas et Olmert, c’est l’aveugle et le paralytique », dit la vice-présidente travailliste de la Knesset, Colette Avital. Olmert, sous la menace d’une inculpation pour corruption, risque d’être contraint de démissionner. Abbas a perdu la bande de Gaza au profit du Hamas et risque de perdre aussi la Cisjordanie. L’un et l’autre sont en si mauvaise posture que leur seule chance de se sauver serait d’arriver très vite à un accord de paix. Les sondages montrent que 80 % des sionistes le souhaitent. »

Un optimisme qu’est loin de partager l’opinion publique tant palestinienne que sioniste. On craint au contraire une course à l’abîme : que la coalition Kadima-Parti travailliste, pour se sauver et éviter des élections, choisisse, comme en 2006, une nouvelle aventure militaire. « Le gouvernement sioniste, estime Anouar Abu Aisheh, professeur à l’université Al-Qods et habitant d’Hébron, est entre les mains du lobby colonial qui impose sa loi : tous les jours, on construit de nouvelles colonies. Dans ces conditions, aucun pas ne peut être fait vers la paix. Pourtant, le peuple israélien en a besoin autant que nous. Mais ses dirigeants croient tout pouvoir nous imposer par la force. Je crains une nouvelle guerre sanglante. »

Que font les pays Européens ?

Face à cette montée des périls, que fait l’Europe ? Rien, si ce n’est dispenser des bonnes paroles et des aides humanitaires dont une part va dans les poches de certains sionistes, puisque tout passe par eux. « Une manière de se donner bonne conscience en essayant de faire oublier sa lâcheté politique, avoue un diplomate de l’UE sous couvert de l’anonymat. Il n’y a plus aucune conditionnalité politique à l’application de l’accord d’association avec le régime sioniste. Et on s’attend à ce que cela s’aggrave encore avec la présidence française. »
30 mai 2008 -
L’Humanité

[commentaire : le premier acte de liberté, c’est de recevoir la réalité comme elle est]

CCIPPP et Françoise Germain-Robin (l’Humanité) - dimanche 1er juin 2008.

http://www.protection-palestine.org/spip.php?article6265

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55502

Qalkilia ou l’enfermement

Dans cette ville palestinienne de 44 000 âmes transformée en prison par le mur, Première urgence est la seule ONG présente et tente l’impossible.

Françoise Germain-Robin - Qalkilia, envoyée spéciale.

La ville palestinienne de Qalkilia fut l’une des premières à être encerclée par le mur. Aucun panneau n’en indique la direction sur l’autoroute qui passe pourtant en bordure du mur. On y entre par un unique barrage, étroit passage sur une route défoncée gardée en permanence par l’armée sioniste. Contrôle d’identité, questions, on a l’impression d’être des visiteurs dans une prison. On laisse sa voiture au parking extérieur et on entre à pied, sous l’oeil suspicieux des soldats. « Qu’est ce que vous venez faire ici ? Qui venez-vous voir ? » Réponse : « Nous avons rendez-vous avec Aurélie, responsable de l’ONG française Première urgence ». C’est la seule ONG présente en permanence ici depuis 2002 ainsi que la localité voisine de Salfit. Elle entend continuer à aider les Palestiniens malgré les sanctions qui leur sont imposées depuis la victoire électorale du Hamas et prévoit d’étendre son activité à la bande de Gaza. Aurélie Férial, jeune fille brune que nous avions rencontrée quelques jours plus tôt à Jérusalem avec Chamith Fernando, chef de la mission de PU (1) en Palestine, nous attend. Elle connaît par coeur cette ville à l’aspect désolé, dont nombre de bâtiments ont l’air abandonnés. « Il n’y a pratiquement plus d’activité économique, explique-t-elle, depuis que le mur a complètement isolé la ville. Beaucoup de gens vivaient de l’agriculture, mais ils n’ont plus accès à leurs champs, qui se trouvent de l’autre côté du mur, annexés de facto ou même rachetés par des Israéliens.

Ceux qui ont refusé de vendre ne peuvent y accéder que lorsque la porte de communication est ouverte par l’armée, autant dire jamais tant c’est aléatoire. La ville avait pourtant un marché prospère et des commerces très actifs fréquentés par beaucoup d’habitants de la zone sioniste, surtout arabes, mais aussi juifs. Aujourd’hui, 60 % de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 1,6 dollars par jour. Beaucoup de maisons sont vides ou inachevées car les gens n’ont plus d’argent pour les finir ou payer le loyer. L’essentiel de notre tâche consiste à fournir des emplois temporaires à 1 600 personnes en les engageant pour des travaux d’intérêt commun. Vous voyez les bordures des trottoirs et le terre-plein fleuri au centre du boulevard ? Voilà leur travail. »

On a vite fait le tour de l’espace vital limité laissé aux habitants de Qalkilia. D’un côté, à l’est on bute sur une barrière de barbelés longée par un chemin de ronde ponctué de miradors. Ailleurs, c’est le mur : 8 mètres de béton gris sur lequel les habitants ont dessiné et écrit des slogans. « To exist is to resist », « Apartheid, no », et même, en français : « l’espoir vaincra ». Enfermés, dépouillés, réduits à la pauvreté, les habitants refusent de s’avouer vaincus. Le jour de notre visite, ils défilaient dans le centre-ville, drapeau palestinien en tête, pour réclamer leurs droits. Et d’abord celui de vivre libres et dans la dignité. « Nous faisons ce que nous pouvons, dit Aurélie, à la tête de sa petite équipe de huit Palestiniens. Mais on est bien conscients que l’aide ne suffit pas et que la solution est politique. »

(1) Voir le site web de Première urgence : http://www.premiere-urgence.org
30 mai 2008 –

CCIPPP et Françoise Germain-Robin (l’Humanité) - dimanche 1er juin 2008.

http://www.protection-palestine.org/spip.php?article6265

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55503

Que veut le Hamas ?

Terroriste ou pas ? Khaled Hroub dresse le portrait du Hamas, ce parti qui a commis un putsch à Gaza, cassant l’unité palestinienne.

Françoise Germain-Robin - Envoyée spéciale.

Le mouvement Hamas, qui a pris le pouvoir par les armes dans la bande de Gaza en juin 2007, après avoir gagné démocratiquement les élections législatives de janvier 2006 et participé à un gouvernement d’union nationale, reste l’objet de multiples interrogations.

Les États-Unis, suivis par l’Union européenne, l’ont classé « organisation terroriste » avec qui tout contact est interdit. Georges Bush se tient obstinément à cette attitude, qui est également celle du gouvernement sioniste. Le mouvement Hamas, qui a pris le pouvoir par les armes dans la bande de Gaza en juin 2007, après avoir gagné démocratiquement les élections législatives de janvier 2006 et participé à un gouvernement d’union nationale, reste l’objet de multiples interrogations. Les États-Unis, suivis par l’Union européenne, l’ont classé « organisation terroriste » avec qui tout contact est interdit. Georges Bush se tient obstinément à cette attitude, qui est également celle d’Israël : le gouvernement d’Ehoud Olmert est allé jusqu’à décréter la bande de Gaza « entité hostile » depuis que le Hamas y a pris le pouvoir.

Pourtant le front anti-Hamas a commencé à se lézarder. L’ancien président américain Jimmy Carter a rencontré à Damas en avril le chef de l’organisation, Khaled Mechal, brisant d’un coup deux tabous : parler au Hamas et aux dirigeants syriens. Depuis, on a appris qu’un ancien ambassadeur de France, Christian de la Maizuzière, avait lui aussi rendu visite aux dirigeants du Hamas à Gaza. Et le régime sioniste, tout en continuant d’arroser de bombes la bande de Gaza, a reconnu avoir des contacts indirects avec eux pour la conclusion d’une trêve - arrêt des tirs de Kassam depuis la bande de Gaza contre fin des bombardements israéliens - via le général Soleiman, chef des services de renseignements égyptiens.

Qui est ce « diable », tout droit sorti de « l’empire du mal », avec qui on dialogue du bout des lèvres ? Un livre vient de lui être consacré par Khaled Hroub (1), universitaire palestinien qui enseigne à l’université de Cambridge. Il y rappelle les origines de ce parti dont l’acronyme, Hamas, signifie « Mouvement de la Résistance islamique ». Très lié idéologiquement au Mouvement des Frères musulmans égyptiens - ce qui explique sa forte présence à « Gaza l’égyptienne » - le mouvement est né en 1978 mais ne s’est implanté dans les territoires occupés qu’à partir de la Première Intifada (1987).

Pour Khaled Hroub, le succès du Hamas n’est pas le signe d’une adhésion de la société palestinienne aux thèses islamistes. « Le vote Hamas était un vote sanction contre l’échec du Fatah et celui du processus de paix, avec l’idée que, pour mettre fin à l’occupation, il ne faut pas négocier mais résister, comme l’a fait le Hezbollah au Liban. »
Cet enracinement dans la résistance fait, pour Khaled Hroub, l’originalité du Hamas par rapport à d’autres mouvements islamistes. « Son but n’est pas l’État islamique mais la libération de la Palestine de l’occupation sioniste », dit-il. Et il ajoute : « C’est un mouvement avant tout pragmatique, qui a beaucoup évolué en peu de temps. Parti de la libération de toute la Palestine et de la destruction du régime sioniste, buts proclamés de « l’ancien Hamas », le « nouveau Hamas » en est arrivé à l’acceptation des frontières de 1967 et à la reconnaissance implicite du régime sioniste, ce qui ressort des déclarations de Khaled Mechal comme d’Ismaïl Haniyeh. Son autre originalité, c’est que contrairement aux autres organisations palestiniennes, il a su préserver son unité. Mais il est conscient qu’on lui reproche les combats inter-Palestiniens de l’an dernier qui ont beaucoup choqué la population. Il sait aussi qu’il a besoin d’une « ombrelle » pour être accepté internationalement. D’où les tentatives de réconciliation avec le Fatah, qui pourraient aboutir.

(1) Le Hamas. Éditions Démopolis. 240 pages. 20 euros.
Françoise Germain-Robin (l’Humanité)

CCIPPP et Françoise Germain-Robin (l’Humanité) - dimanche 1er juin 2008.

http://www.protection-palestine.org/spip.php?article6265

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55504

D’anciens soldats sionistes racontent les dérives de l’occupation à Hébron

TEL-AVIV ENVOYÉ SPÉCIAL

Alangui à la terrasse d’un café branché de Tel-Aviv, vêtu d’un tee-shirt à fleurs, d’un pantalon de toile et d’une paire de sandales, Doron Efrati, 23 ans, n’a pas véritablement l’allure du bidasse sans scrupule capable de tirer du lit une famille entière de Palestiniens à la pointe de son fusil.

C’est pourtant ce qu’il a fait à l’occasion de son service militaire effectué entre 2003 et 2006 en Cisjordanie. « On débarque en douce dans un quartier, on jette des pierres ou une grenade assourdissante contre la porte d’une maison et on hurle : "C’est l’armée, ouvrez !". Ensuite, on fait sortir tout le monde dehors et on fouille de fond en comble l’intérieur. Une fois qu’on a fini, on passe à une autre maison et ainsi de suite pendant une bonne partie de la nuit. L’idée, c’est de saisir des armes ou du matériel de propagande, mais surtout de maintenir la population palestinienne dans un état de peur permanente. Comme disent les chefs, "il s’agit de manifester notre présence". »

Dégoûté par ce qu’il a vu et vécu, Doron a décidé de parler, à l’inverse de la plupart des conscrits sionistes, qui s’empressent de partir sous les tropiques pour mieux oublier. Son témoignage figure avec une centaine d’autres dans un livret publié il y a quelques semaines par l’organisation Breaking the Silence (Rompre le silence).

Depuis sa création en 2004, cette association, financée par l’Union européenne, a récolté les témoignages d’environ cinq cents anciens soldats, témoins des abus, petits ou grands, vicieux ou criminels, perpétrés par les troupes d’occupation sionistes dans la région d’Hébron. Des exactions encouragées par le statut très particulier de cette cité qui abrite le tombeau d’Abraham et dont le centre est noyauté par 800 colons juifs, barricadés derrière un dédale de barrages militaires qui pourrit la vie des 160 000 autres habitants de la ville, tous Palestiniens.

« Ça m’est souvent arrivé de prendre la relève de collègues affectés à un barrage et de découvrir que des Palestiniens y sont bloqués et menottés depuis des heures, parce qu’ils ont soi-disant manqué de respect aux soldats », dit Iftakh Arbel, 23 ans, une autre recrue de Breaking the Silence. Des humiliations, qui à la lecture du fascicule de l’association, apparaissent comme routinières.

Il y a, par exemple, ce marchand d’accessoires automobiles chez lequel des soldats viennent se servir sans payer et dont ils menacent de fermer le magasin s’il ose déposer plainte. Il y a aussi cette unité qui, un jour de désoeuvrement, décide de casser les vitres d’une mosquée pour déclencher une émeute et s’offrir une tranche d’ « action ». Et puis ce « jeu » que décrit l’un des témoins, consistant à arrêter quelques passants dans la rue et à les étrangler à tour de rôle tout en surveillant sa montre. « Le gagnant est celui qui met le plus de temps à s’évanouir. »

Mais il y a plus grave. Le témoignage numéro 49, donné par un soldat qui entend conserver l’anonymat, décrit en détail le passage à tabac d’un jeune lanceur de pierres par un officier israélien. « Il l’a démonté, il l’a mis en pièces, raconte le témoin. Le gamin ne pouvait plus tenir sur ses jambes. Nous, on regardait, indifférents. C’est le genre de truc que l’on faisait tous les jours (...). A la fin, le commandant a mis le canon de son arme dans la bouche du gosse, juste devant sa mère, et a déclaré que la prochaine fois qu’il l’attrapait avec une pierre à la main, il le tuerait. »

Iftakh Arbel a touché de près ce processus d’aliénation qui transforme un bon gars en butor. « Tu alternes huit heures de garde et huit heures de repos pendant dix-huit jours. Ça t’épuise, tu t’ennuies à mourir. Tu te mets à haïr les colons à cause de toutes les horreurs qu’ils commettent et les Palestiniens aussi, parce que leur existence est la raison même de ta présence à Hébron. Alors tu essaies de t’occuper. Tu contrôles un Palestinien sans raison. Et s’il ose protester, tu te retrouves à le frapper, juste parce que tu as le pouvoir. »

Parfois le défouloir se solde par la mort d’un Palestinien. « C’était dans le camp de réfugiés d’Al-Fawwar, au début de l’année 2004, raconte Doron Efrati. Un gamin avait balancé un cocktail Molotov sur nos Jeep. Dans une situation pareille, la consigne c’est de viser le haut du corps, c’est-à-dire de tirer pour tuer, même si ce n’est pas dit explicitement. Le temps que l’on sorte de nos Jeep, le gamin avait disparu. Sur ordre de notre chef, une embuscade a été tendue. Le gamin a finalement été abattu par un sniper, plus de quarante minutes après avoir lancé son cocktail Molotov. Le commandant de la brigade a voulu ouvrir une enquête, mais l’un de ses supérieurs l’en a dissuadé. »

En réaction à la sortie du livret de Breaking the Silence, l’armée sioniste a parlé de « brebis galeuses », « de témoignages anonymes invérifiables » et insiste sur son souci de juger tous les forfaits dont elle a connaissance. Fin avril, deux gardes frontières qui avaient tué un Palestinien en 2002, en le projetant hors de leur Jeep qui roulait à 80 km/h dans les rues de Hébron, ont été condamnés à six et quatre ans de prison ferme. Une sanction tardive, excessivement légère et surtout trop rare, selon Iftakh. « Il faut que les Israéliens comprennent que leur tranquillité a un coût moral exorbitant, dit-il. Actuellement, ce sont les jeunes appelés qui le paient. Mais bientôt, c’est toute la société qui sera corrompue. »

Article paru dans l’édition du 31.05.08.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2008/05/30/ d-anciens-soldats-israeliens-racontent-les-derives-de-l-occupation
 a-hebron_1051796_3218.html#ens_id=891944

[commentaire : ceux qui se souviennent de la guerre d’Algérie ne sont sûrement pas stupéfaits. Nous en avons fait tout autant. Le fait de se croire les « représentants de la civilisation » n’excuse rien. C’est même tout le contraire. Et je ne sais pas très bien au nom de quoi ils font ça en Palestine. Mais chez nous, on avait finit par comprendre que, alors qu’on avait les moyens de gagner militairement sans trop de mal, cette guerre nous détruisait de l’intérieur. Et De Gaulle a l’immense mérite de passer aux actes et d’arrêter les ignominies que nous étions en train de commettre. ]

CCIPPP et Benjamin Barthe (Le Monde) - dimanche 1er juin 2008.

http://www.protection-palestine.org/spip.php?article6264

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55505

« Nous sommes là, disaient les Palestiniens »

"Nakba. Pour la commémorer, seize écrivains se sont rendus en Palestine dans le cadre d’un festival littéraire. Parmi eux, Ahdaf Soueif, invitée au Caire par Al-Mawred Al-Thaqafi, nous livre son témoignage."
(Ce texte est publié simultanément dans le Guardian et Al-Ahram Hebdo)

Je me suis installée à la Porte des Lions, de là, j’avais une vue surplombant la vallée de Josaphat. Nous, les Arabes, l’appelons la vallée des muscadiers, à cause des arbres qui poussaient ici en abondance. En face de moi, de l’autre côté de la vallée, s’élève le Mont des Oliviers, où les pins privilégiés par les sionistes pour donner un aspect européen au paysage ont pris le dessus sur les oliviers indigènes. Les Nations-Unies ont installé leurs bureaux au sommet de la colline à ma droite ; c’est une décision qui n’est peut-être pas si sage, car pour ceux qui ont des références bibliques, c’est la colline du Mauvais conseil, où l’arrestation de Jésus a été planifiée dans la maison de Caïphe. Derrière moi, s’étendent les murs du Haram Al-Charif, l’immense enceinte abritant la Mosquée d’Al-Aqsa et le dôme du Rocher. J’ai quitté la Porte en direction du Haram ; les soldats israéliens n’ont pas autorisé mes amis non musulmans à entrer avec moi. Le Palestinien qui garde les lieux me fait signe de derrière les soldats, en s’excusant. Il me dit qu’il aurait voulu nous accueillir tous, mais que ce sont là « leurs » règles.

Nous étions à Jérusalem, Ramallah et Bethléem pour le Festival palestinien de littérature. C’était un événement que certains d’entre nous préparaient depuis près d’un an. Dans chaque ville, nos débats ont fait salle comble et nos auteurs ont été accueillis avec enthousiasme par le public. A Bethléem, Roddy Doyle a provoqué des éclats de rire et des applaudissements quand il a dit qu’il demanderait compensation aux habitants pour les gifles reçues à son école irlandaise quand il avait dit que Jésus était né à Nazareth. Ses livres furent épuisés en trois jours. A l’Université de Birzeith, un jeune homme était aux anges d’avoir pu rencontrer Ian Jack ; il avait gardé son abonnement à la revue littéraire Granta depuis qu’il était rentré des Etats-Unis neuf ans plus tôt. Des écoliers ont pleuré de joie en rencontrant Khaled Abdallah ; ils venaient de voir The Kite Runner. Chaque nuit, nous dormions dans un hôtel différent, le matin, nous faisions nos paquets et prenions le bus en direction d’un check-point. A Qalandia, nous avons laissé nos lourds bagages dans le bus et appris à passer les cages métalliques des tourniquets sans laisser de vide, les cages tournent un certain nombre de fois puis s’arrêtent. Une fois passé, on s’est entendu dire qu’il fallait faire demi-tour et repasser — avec nos bagages. On a vu une femme en pleurs, berçant son bébé et soutenant son mari malade, il avait des tubes qui sortaient de lui et semblait être son grand-père. Les soldats les avaient renvoyés. On ne pouvait rien faire pour elle. A l’Université de Bethléem, les étudiants étaient tellement captivés par Jamal Mahjoub qu’ils ont demandé que ses romans soient mis au programme. Dans les ateliers animés par Andy O’Hagan et Pankaj Mishra, une jeune femme a demandé s’il était possible de les prolonger.

Maintenant, je suis debout, dans le cimetière musulman. En dessous de moi, les tombes chrétiennes et juives recouvrent également de larges parcelles de terre. Tout le monde veut être enterré ici, dans la vallée de Nutmeg, c’est ici qu’on entendra sonner la trompette et que les morts seront ressuscités. Silwan, le village palestinien lové dans le coin sur la droite, s’emploie depuis des siècles à entretenir les tombes. Nous marchons autour des murs patinés de la vieille ville jusqu’à surplomber le village. Une amie israélienne (appelez la « B ») nous montre les fouilles en direction d’Al-Aqsa. Elles ont été entreprises, nous dit-elle, dans un « esprit idéologique ». Un gardien à Al-Aqsa m’avait un jour montré le grand puits jadis utilisé pour stocker l’huile des lampes : « C’est par ici qu’ils projettent d’entrer », dit-il. « B » nous explique que 60 % des terres de Silwan ont été prises par des colons et que les villageois qui sont encore là se battent pour rester sur leurs terres. Elle nous apprend à lire le paysage, à voir les trois petites colonies en haut des collines, comme des antennes féroces, placées là pour barrer les principaux accès à Jérusalem-Est et marquer le tunnel géant qui relie l’Université hébraïque sur le Mont Scopus à la colonie (illégale) de Maalé Adoumim. Nous nous rassemblons autour de ces cartes et schémas. Notre groupe semble tout petit à côté de touristes qui descendent d’autocars géants marqués Fonds national juif.
Esther Freud et Hanane Al-Cheikh décident de marcher jusqu’à l’hôtel. Elles prennent un raccourci à travers un terrain vague derrière le bâtiment et se retrouvent encerclées par des chiens menaçants. Des soldats sionistes apparaissent et interrogent les deux écrivaines. Ils leur disent qu’elles se trouvent en zone militaire, qu’ils les observaient depuis quelque temps et qu’ils auraient pu tirer dessus.

En réponse à l’habituelle question « Qu’est-ce qui vous fait écrire », la veille au soir, Esther avait dit qu’elle aimait/ressentait le besoin de raconter des histoires, mais quand elle ne faisait que les dire, elles ne correspondaient jamais à ce qu’elle désirait. Les écrire, avait-elle dit, était la seule manière d’en faire ce qu’elle voulait.

A l’entrée de la Piazza du mur occidental, une énorme pancarte du ministère israélien du Tourisme annonce que les juifs prient là-bas pour exprimer leur « foi dans la reconstruction du temple ». Dans une petite échoppe tout près, ils proposent des dessins du Haram nettoyé de la Mosquée Al-Aqsa et du dôme du Rocher. Ils montrent des plans et rassemblent des fonds pour que le troisième temple soit érigé à leur place.

A Al-Khalil/Hébron, nous marchons dans les rues vides de la vieille ville, devant les boutiques fermées de ce qui avait été le cœur commercial de la Palestine. Des groupes de colons américains baraqués nous dépassent en joggant, en shorts et mitraillettes. Nous avons vu les maisons dont les propriétaires palestiniens, refusant de partir, n’avaient pas été autorisés à utiliser les portes d’entrée et devaient grimper par les fenêtres à l’arrière pour entrer. Et les maisons dont on leur avait interdit de fermer les portes à clé parce que les soldats israéliens les contrôlaient chaque nuit entre minuit et 3 heures du matin. En partant, nous sommes restés silencieux.

Mais ce soir-là, à Bethléem, la troupe Al-Fonoun dansa et s’élança à travers la scène dans des costumes éclatants, et le public dansait, criait, sifflait ; le lendemain matin, les étudiants se bousculaient, riaient, discutaient. Nous sommes là, disaient les Palestiniens, nous lisons, nous questionnons, nous bloggons, nous achetons, nous jouons, nous dansons. Nous vivons.

Copyright : Ahdaf Soueif 2008
www.ahdafsoueif.com
*Ce texte est publié simultanément dans le Guardian et Al-Ahram Hebdo.

[ commentaires : ils ne parviendront jamais à étouffer cette volonté de vivre !]

CCIPPP - jeudi 29 mai 2008.

http://www.protection-palestine.org/spip.php?article6255

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55506

Le porte parole de la présidence déclare que la construction de 820 unités d’habitation est une violation flagrante de la terre Palestinienne Occupée

Le porte parole de la présidence a déclaré que la décision du gouvernement sioniste de construire 82 nouvelles unités d’habitation à Jabal Abou Ghneim, Sha’fat et Beit Hanina, qui font partie de Jérusalem occupée, est une violation flagrante de la terre Palestinienne occupée.

Dans un communiqué publié dimanche 01/06/08, la porte parole de la présidence a ajouté qu’une telle décision viole la Quatrième convention de Genève, les résolutions de l’ONU, les accords d’Oslo, la conférence d’Annapolis, et le premier article de la Feuille de Route.

« Ces décisions sionistes dangereuses, qui déstabilisent le processus de paix et les négociations actuelles, prouvent que le gouvernement sioniste n’est pas intéressé par la légitimité internationale, et la direction Palestinienne dénonce ces décisions d’implantations à Al Quds la Sainte, comme sur le reste de la terre Palestinienne, et le processus de paix dans son ensemble ne peut enregistrer de progrès à moins que toutes les activités d’implantations sur les terres Palestiniennes soit arrêtées, » selon ce communiqué.

La direction Palestinienne appelle l’administration étasunienne et le Quatuor à adopter une position décisive concernant ces décisions de la partie sioniste concernant des implantations à Jérusalem qui mettent en péril le processus de paix.

[commentaires : ah, que voilà de fortes paroles ! Inutile de demander si, dans ces conditions, la rencontre Olmert - Abbas prévue pour lundi 02/06/08 est maintenue. Oh , elle est sûrement annulée, car enfin quel sens cela a-t-il de discuter de quoi que soit avec des gens de mauvaise foi, n’est-ce-pas.? Ce n’est même pas la peine de vérifier]

RAMALLAH, 01 juin 2008, (WAFA)

http://english.wafa.ps/?action=detail&id=11752

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Rapport hebdomadaire du PCHR sur les Violations Sionistes des Droits de l’Homme dans les Territoires Palestiniens Occupés - No. 22/2008 - semaine du 22 au 28 mai 2008

Les forces d’occupation ont poursuivi leurs attaques systématiques contre les civils Palestiniens et les biens des Palestiniens dans les Territoires Palestiniens Occupés :

9 Palestiniens, dont un enfant et un fermier âgé, ont été tués par les forces d’occupation dans la Bande de Gaza

33 Palestiniens, dont 21 civils, ont été blessés par les forces d’occupation dans la Bande de Gaza

un enfant Palestinien a été blessé dans le camp de réfugiés de Jénine

les forces d’occupation ont mené 34 incursions dans les communautés Palestiniennes en Cisjordanie et 8 autres dans la Bande de Gaza

les forces d’occupation ont rasé 606 dunums de terres agricoles dans le centre et le sud de la Bande de Gaza

les forces d’occupation ont démoli 10 maisons, 5 élevages aviaires, 5 granges, un abattoir, une unité de fabrication de briques, et une unité de taille de pierres dans la Bande de Gaza

les forces d’occupation ont arrêté 41 civils Palestiniens, dont 12 enfants, en Cisjordanie, et 16 autres dans la Bande de Gaza

les forces d’occupation ont attaqué des écoles et des mosquées, détruit 4 voitures et confisqué un certain nombre d’ordinateurs lors d’un opération militaire à Qalqilya.

les forces d’occupation ont continué à imposer un siège total aux territoires Palestiniens occupés

les forces d’occupation ont isolé la Bande de Gaza du monde extérieur
les forces d’occupation ont arrêté 3 civils Palestiniens sur les checkpoints militaires en Cisjordanie

les forces d’occupation ont continué leurs activités d’implantations en Cisjordanie et les colons sionistes ont continué à attaquer des civils Palestiniens et leurs biens.

les forces d’occupation ont ordonné la démolition de 10 maisons dans le district de Bethlehem

des colons sionistes ont attaqué des écoliers à Hébron

Palestinian Centre for Human Rights
http://www.pchrgaza.ps/files/W_report/English/2007/08-02-2007.htm

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55508

Les forces sionistes ont évacué un avant poste illégal dans le nord de la Cisjordanie

Les forces d’occupation ont évacué, tard dans la soirée de samedi 30/05/08, les colons et les militants d’extrême droite de l’avant poste de
« Shvut Ami », établi sur des terres appartenant au village de Yalfit, non loin de l’implantation sioniste de « Kedumim ».

L’avant poste de « Shvut Ami » ne figure pas sur la liste des avant postes illégaux que le régime sioniste s’est engager à évacuer.

Des heurts ont éclaté entre des jeunes Palestiniens et des éléments des forces coloniales, samedi 31/05/08 en soirée. Deux jeunes Palestiniens de Naplouse ont été légèrement blessés par les forces sionistes.

L’avant poste de« Shvut Ami » couvre 35 dunums de terre appartenant à Talfit, et se trouve à proximité de la route de contournement pour colons seulement allant à l’implantation de Kedumim.. L’avant poste avait été occupé par des colons sionistes depuis 2006.

Naplouse – Ma’an – 01 / 06 / 2008 - 11:10

http://www.maannews.net/en/index.php?opr=ShowDetails&ID=29627