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Publié le dimanche 27 avril 2008

« Emparez-vous de plus de collines, élargissez le territoire »

Par Henry Siegman

dimanche 27 avril 2008

Deux livres, "Lords of the Land" et "The Accidental Empire" [1], révèlent l’échelle massive du vol de terres palestiniennes et l’implication de chaque partie de la société israélienne dans l’avancement de l’entreprise de colonisation avec la violation évidente et délibérée non seulement du droit international mais aussi des propres lois israéliennes.

Le titre du livre de Gershom Gorenberg ("the accidental empire") est en quelque sorte trompeur en suggérant que l’établissement des colonies juives en Cisjordanie et à Gaza était « accidentel ». Alors que Gorenberg, un journaliste israélien né en Amérique, note qu’aucun gouvernement israélien n’a jamais pris de décision formelle concernant l’avenir de la Cisjordanie, son compte rendu de la première décennie de l’occupation d’Israël ne laisse aucun doute sur la création délibérée des colonies destinées à créer une présence israélienne permanente dans autant de territoires occupés que possible (en effet, leur espoir était de couvrir tous les territoires occupés, si la communauté internationale le permettait). Aucun gouvernement israélien n’a jamais soutenu l’établissement d’un état palestinien à l’est de la ligne d’armistice de 1949 qui a constitué la future frontière de 1967. Au minimum, les colonies visaient à rendre impossible un retour à cette frontière.

Il est clair, à partir du compte-rendu de Gorenberg et de l’étude détaillée du projet de colonies par Idith Zertal et Akiva Eldar, "Lords of Land", que la question qui divisait les gouvernements israéliens n’était pas la présence de colonies en Cisjordanie. Shimon Peres du Parti travailliste a joué un rôle clé en lançant l’entreprise des colonies. Leurs différences portaient sur ce qu’il convenait de faire avec les Palestiniens dont la terre avait été confisquée. La plupart ont argumenté qu’on devrait leur octroyer l’autonomie et la citoyenneté jordanienne. Au cours des années, certains membres du cabinet - Rehavam Ze’evi, Rafael Eitan, Effi Eitam et Avigdor Lieberman, par exemple, - ont plaidé ouvertement pour un « transfert », un euphémisme pour épuration ethnique. Il y a eu un accord général que plutôt que d’adopter une position officielle sur le statut futur des habitants de Cisjordanie et risquer de provoquer une opposition internationale, Israël devait continuer à créer des « faits (accomplis) sur le terrain » tout en restant discret sur leurs objectifs. Avec le temps, pensaient-ils, le monde serait amené à accepter le Jourdain comme frontière orientale d’Israël.

Ces livres démentent la narration cultivée avec soin pour soutenir l’occupation. D’après cette narration, le gouvernement d’Israël a offert la paix aux Palestiniens et à ses voisins arabes à la suite de la guerre de 1967 s’ils reconnaissaient l’état juif. Mais lors de la rencontre de la Ligue arabe à Khartoum, le 1er septembre 1967, le monde arabe a répondu par « les trois « non » de Khartoum » : pas de paix, pas de reconnaissance et pas de négociations. Et ainsi Israël n’a pas eu d’autre choix que de continuer à occuper les terres palestiniennes. Et d’après cette narration, si les Palestiniens n’avaient pas recouru à la violence en résistant contre l’occupation, ils auraient déjà eu un état à eux depuis bien longtemps.

Cette histoire est un mensonge. Les militaires et les dirigeants politiques d’Israël n’ont jamais eu la moindre intention de rendre la Cisjordanie et Gaza à leurs habitants arabes. L’offre du cabinet de se retirer de territoires arabes s’adressait spécifiquement à l’Egypte et la Syrie, pas à la Jordanie ou aux Palestiniens dans les territoires. La résolution officielle du cabinet de restituer le Sinaï et le Golan en juin 1967, ne disait rien sur la Cisjordanie, et faisait référence à Gaza comme « intégralement à l’intérieur du territoire de l’état d’Israël ». Avec seulement un murmure de divergence d’opinion, le cabinet dirigé par Yigal Allon et Moshe Dayan, et le premier ministre d’alors, Levi Eshkol, s’engagèrent dans une politique accordant seulement des formes d’autonomie locale à la Cisjordanie et à Gaza, un arrangement qui, croyaient-ils, leur permettrait avec le temps d’établir le Jourdain non seulement comme frontière de sécurité d’Israël mais aussi comme frontière politique reconnue internationalement.

La décision de conserver le contrôle sur les territoires a été prise dans les jours qui ont suivi la fin de la guerre de 1967, et n’était pas une réponse au terrorisme palestinien, ou même au refus palestinien de la légitimité d’Israël. Zertal et Eldar citent un rapport de fonctionnaires du Mossad, préparé à la demande de la Division du renseignement des FDI et présenté aux FDI le 14 juin 1967, qui estimait que « une vaste majorité des dirigeants de Cisjordanie, y compris les plus extrêmes parmi eux, étaient disposés, à ce moment, à réaliser un accord de paix permanent » sur la base de « l’existence d’une Palestine indépendante » sans armée. Le rapport a été classé top secret, et enterré.

La sécurité était la raison invoquée par Israël pour justifier la création des colonies. Mais la toute grande majorité d’entre elles ont créé de nouveaux problèmes d’insécurité, ne serait-ce que parce de vastes ressources militaires et du service de renseignement devaient être diverties pour leur défense. Les colonies ont aussi rendu furieux les Palestiniens auxquels on avait volé la terre pour faire la place pour elles – ceci non plus n’a rien fait pour augmenter la sécurité en Israël.

Les deux livres démontrent avec force détails que c’était la conclusion non seulement de critiques extérieurs mais aussi des experts militaires et de sécurité israéliens. Haim Bar-Lev, un ancien chef d’état-major a soutenu devant la Cour suprême d’Israël en 1979, que des colonies juives dans des régions densément peuplées d’Arabes faciliteraient les attaques terroristes, et que la protection des colonies distrairait des forces de sécurité de « missions essentielles ». Le général-major Matityahu Peled a rejeté l’argument de la sécurité comme « n’étant pas de bonne foi » et servait « uniquement à un objectif : offrir une justification pour la saisie de terres qui ne pouvait pas être justifiée autrement ».

Le partisan le plus influent d’une vigoureuse politique de colonisation était Yigal Allon, le commandant légendaire du Palmach d’Israël, une force d’élite créé avant la fondation de l’état. « Un traité de paix », a-t-il dit lors d’une rencontre gouvernementale du 19 juin 1967, « est la garantie la plus faible pour l’avenir de la paix et l’avenir de la défense ». Zertal et Eldar rapportent qu’il a mis en garde contre la restitution du moindre pouce de la Cisjordanie et qu’il avait dit au cabinet que s’il devait choisir entre « l’entièreté de la terre avec toute la population arabe ou de renoncer à la Cisjordanie, je choisis l’entièreté de la terre avec tous les Arabes ». Les vues de Allon qui ont donné forme à la pensée stratégique des élites politiques et de sécurité d’Israël pendant des décennies, ont été influencées profondément par son guide Yitzhak Tabenkin, un des fondateurs du Yishouv. Tabenkin pensait que la partition était un état temporaire des affaires et que « l’entièreté » de la terre serait finalement réalisée que ce soit pacifiquement ou par la guerre.

"Lords of the Land" et T"he Accidental Empire" révèlent l’échelle massive du vol de terres palestiniennes et l’implication de chaque partie de la société israélienne dans l’avancement de l’entreprise de colonisation avec la violation évidente et délibérée non seulement du droit international mais aussi des propres lois israéliennes. Gorenberg rapporte que, alors qu’il était interrogé par le Ministre des Affaires étrangères Abba Eban sur la légalité des colonies en 1967, le conseiller juridique du ministre des Affaires étrangères, Theodor Meron, répondit : « Une colonie civile dans les territoires administrés contrevient aux dispositions explicites de la Quatrième Convention de Genève. » Et il a insisté que l’interdiction était « catégorique et n’était pas conditionnée par les motifs ou les buts du transfert, et visait à prévenir la colonisation d’un territoire conquis par les citoyens de l’état conquérant. »

Une commission présidée par Talia Sasson qui avait été désignée avec cynisme par Ariel Sharon, pour mettre au jour les activités illégales qu’il orchestrait lui-même, a mené une enquête sérieuse sur les colonies en 2005. Sasson constata que les colonies – illégales selon les propres lois d’Israël – avaient été installées avec le soutien secret de pratiquement tout ministère gouvernemental, des FDI et du Shin Bet. Feignant d’être choqué quand Sasson lui présenta ses découvertes, Sharon et ses ministres s’empressèrent d’enterrer rapidement le rapport.

Zertal et Eldar expliquent clairement que les colons n’agissent pas seulement en maîtres des Territoires occupés et de leur population soumise mais aussi de l’état d’Israël. Il est important de se souvenir que la majorité des colons israéliens ne sont pas animés par une idéologie mais par des considérations économiques et de qualité de la vie, et sont attirés par les subventions importantes que le gouvernement accorde aux colonies. Certains de ces colons non-idéologiques sont des Israéliens laïques, alors que d’autres sont membres de communautés juives ultra-orthodoxes qui sont profondément ambivalentes sinon opposées à l’entreprise sioniste nationale. Mais la force agissante derrière les colonies est un petit groupe religieux-nationaliste, dont les membres sont considérés comme les opérateurs politiques les plus futés, cohérents et efficaces en Israël. Leur idéologie combine une forme intense de messianisme religieux avec un nationalisme extrême qui a beaucoup plus en commun avec le nationalisme religieux et ethnocentrique des milices serbes orthodoxes de Mladic and Karadzic qu’avec aucune des valeurs juives que je connais. Que Sharon et certains de ses amis colons aient été virtuellement les seuls politiciens à l’Ouest (autres que les partisans slaves de Serbie) à s’opposer à des mesures militaires pour empêcher une épuration ethnique serbe en Bosnie et au Kosovo n’est pas accidentel.

La direction religieuse-nationaliste semble maintenant avoir perdu beaucoup de son autorité avec la jeune génération de loin plus radicale, née et élevée dans les colonies. Cette nouvelle génération trouve son inspiration dans la « Jeunesse des collines », qui a répondu en octobre 1998, à l’appel aux colons de Sharon, alors Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Benjamin Netanyahou, de « s’emparer » de sommets de collines dans les parties de la Cisjordanie d’où lui et Netanyahou avaient consenti à se retirer, comme stipulé dans les Accords d’Oslo. « Emparez-vous de plus de collines, étendez le territoire », insista Sharon sur Radio Israël. « Tout ce que vous aurez pris sera entre nos mains. Tout ce que nous n’aurons pas pris sera entre leurs mains. »

La « Jeunesse des collines » rejette l’autorité de l’état juif et de ses institutions. Elle se présente sous ce qu’elle imagine être un revêtement biblique, attaquant les Palestiniens, volant et détruisant leurs maisons, leurs récoltes et leurs vergers, les battant à l’occasion et en tuant de temps en temps. Les FDI interviennent parfois, mais leur efficacité est ébranlée par leur conviction que leur job principal est de protéger les colons, et pas la population sous occupation.

David Shulman, un universitaire éminent, militant de la paix et membre de Ta’ayush, une organisation d’Israéliens palestiniens et juifs pour la promotion de la coexistence, parle de la « Jeunesse des collines » dans son livre récent Dark Hope : Working for Peace in Israel and Palestine.[*] (Sombre espoir : oeuvrer pour la paix en Israël et en Palestine) : « Comme n’importe quelle autre société », écrit-il, Israël « a des éléments sociopathiques violents. Ce qui est inhabituel au sujet des quatre dernières décennies en Israël, c’est que beaucoup d’individus destructeurs ont trouvé un havre, pourvu d’une légitimation idéologique, à l’intérieur de l’entreprise de colonisation. Ici, dans des endroits comme Chavat Maon, Itamar, Tapuach et Hébron, ils ont de fait une liberté sans entrave de terroriser la population locale palestinienne ; de les attaquer, de leur tirer dessus, de les blesser, parfois de les tuer – le tout au nom du caractère sacré supposé de la terre et du droit exclusif des Juifs sur elle. »

Même des Israéliens qui d’habitude sont respectueux de la loi, considèrent la « Jeunesse des collines » comme de modernes haloutzim (les pionniers sionistes qui ont éliminé les marécages responsables du paludisme et qui ont construit les kibboutz).

A la suite du démantèlement par Sharon des colonies juives à Gaza en 2005, beaucoup de jeunes gens dans le camp religieux-nationaliste sont devenus encore plus radicaux et détachés du leadership des colons. Ils ont vu dans le retrait une trahison amère et impardonnable et ont reproché à leurs dirigeants leur échec à l’empêcher. Ils n’ont pas pu accepter l’explication de Sharon que le retrait des colonies de Gaza était inévitable si Israël voulait garder la terre palestinienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. C’était l’accord auquel Bush se ralliait dans une lettre qu’il remit à Sharon à Camp David en 2004 : en échange du retrait, Bush expliquait la position de son administration que « à la lumière de nouvelles réalités sur le terrain, y compris les centres déjà existants avec une population israélienne importante, il est irréaliste d’attendre que l’issue des négociations sur le statut final sera le retour intégral et complet aux lignes de l’armistice de 1949. »

Dans un éditorial récent, Ha’aretz a accusé non seulement les colons mais aussi tout le sionisme religieux de « s’être positionné comme un mouvement qui dénie la souveraineté de l’état » : Aussi longtemps que le gouvernement sert les objectifs des colonies, ils le soutiennent. Mais au moment où une décision contraire est prise – sur des retraits territoriaux ou l’évacuation d’avant-postes – ce camp se permet de violer la loi… Ceci n’est pas le caprice passager de quelques adolescents, mais la métamorphose d’un camp entier de centre d’activité constructive en centre de subversion.

Des critiques similaires ont été émises par des membres du camp religieux-nationaliste. Le rabbin de Moshav Nov, Yigal Ariel, a récemment publié un livre appelé Leshem Shamayim (Pour le salut du ciel), qui condamne le mouvement pour son hostilité aux « règles de base de la loi ». Il accuse les colons de devenir « le jouet de fausses illusions et de l’irrationalité », courant le danger « d’être balayés dans un sombre abîme de leur propre fabrication ».

"Lords of the Land" n’oublie personne. Mais dans une société où la sécurité est le souci central, l’armée joue inévitablement un rôle inhabituellement puissant en façonnant les valeurs des jeunes hommes et des jeunes femmes qui la servent pendant deux ou trois ans ou plus. Son influence omniprésente représente de loin le plus grand danger pour le futur d’Israël : à sa survie comme état démocratique et celle des valeurs juives que l’état était censé incarner.

Depuis 1967, les FDI se sont transformées en une armée des colons, vers laquelle les Palestiniens violentés ne peuvent pas se retourner pour être protégés. Les liens étroits de la direction des colons avec les éminences grises du gouvernement signifient qu’ils peuvent faire et défaire la carrière des officiers supérieurs les plus importants des FDI. La partie de l’histoire de Zertal et Eldar qui donne le plus froid dans le dos est leur description de la manière dont les dirigeants des colons intimident les commandants des FDI et font qu’ils se conforment. Le soldat le plus décoré dans l’histoire des FDI, Ehoud Barak, l’ancien Premier ministre d’Israël et actuel Ministre de la Défense dans le gouvernement Olmert, a dû ravaler ses paroles quand des dirigeants des colons sortirent pendant un discours qu’il a fait quand il était à la tête du Commandement central des FDI, en mai 1987, parce qu’il avait employé le mot « occupation » pour décrire la présence d’Israël en Cisjordanie. Ils sont seulement revenus à leur place, quand il a accepté de répéter son discours sans utiliser ce mot.

Alors que les FDI, avec l’aide du Shin Bet, sont en quelque sorte capables de localiser presque tous les Palestiniens potentiellement terroristes en Cisjordanie et semblent au courant de leurs conversations les plus intimes, elles ne semble pas souvent capables de localiser des colons juifs qui ont attaqué d’innocents Palestiniens, qui ont détruit leurs maison et leur ferme, ou les ont assassinés. La plupart des crimes des colons demeurent non résolus, comme c’est le cas aussi des crimes commis par des soldats des FDI. Le système de la justice militaire ne manque que rarement de trouver des circonstances atténuantes pour les violences des FDI. Et les rares Israéliens qui sont jugés coupables ne subissent que des condamnations ridiculement légères. Entre temps, plus de dix mille Palestiniens comprenant des femmes et des enfants croupissent dans les prisons israéliennes sans avoir été inculpés ou jugés pour des crimes spécifiques.

Le contraste avec le traitement des colons par les tribunaux est saisissant. Pinchas Wallerstein, un des plus importants dirigeants des colons, a tiré sur un jeune Arabe qui était en train de brûler un pneu sur la route. Le garçon abattu dans le dos, est mort. Wallerstein a été condamné à exécuter des travaux d’utilité publique. Le juge, Ezra Hadaiya, a cité l’admonestation rabbinique « qu’on ne doit pas juger un semblable à moins d’être à sa place ». En 1982, un colon, Nissan Ishegoyev, a tiré au moyen de sa mitraillette Uzi dans une ruelle d’où des enfants palestiniens lançaient des pierres et il a tué un garçon de 13 ans. Sa punition a été de trois mois de travaux d’utilité publique. Entre 1988 et 1992, on a enregistré les morts violentes de 48 Palestiniens dans les Territoires occupés. Dans 12 cas seulement des inculpations ont été lancées contre des suspects israéliens ; de ceux-ci, un seul cas a été suivi d’une condamnation pour meurtre ; un autre s’est terminé par une condamnation pour meurtre par imprudence, et six autres ont abouti à des condamnations pour meurtre par négligence. L’inculpé condamné pour meurtre, pour lequel est prévu une condamnation maximum de 20 ans de prison, a été condamné à trois ans.

La conviction que les gens qui ont passé leurs années les plus impressionnables dans les FDI reviendront de leur service avec leurs sensibilités démocratiques, humanitaires et égalitaires intactes est le mythe absurde qui sous-tend la prétention des FDI d’être l’armée la plus morale du monde. Tout aussi absurde est l’idée qu’Israël a un modèle de système de justice où les Palestiniens peuvent trouver un traitement équitable. Des Israéliens inquiets des doubles standards de leur système de justice ont trouvé un réconfort dans les jugements éclairés de la Cour suprême d’Israël. Mais on ne peut plus compter sur eux non plus. Récemment, dans une décision intérimaire, la Cour suprême a accepté pour la première fois l’idée de routes séparées pour les Palestiniens dans les territoires occupés ; l’Association pour les Droits civils en Israël considère que cet arrangement marque le départ d’un apartheid légal.

Ce qui rend cette situation particulièrement effrayante est que les principaux dirigeants des FDI sont de plus en plus souvent des colons du camp religieux-nationaliste. Beaucoup d’entre eux sont sous l’emprise de rabbins des colonies qui comme leurs équivalents du Jihad, fournissent des règles religieuses – en fait des fatwas – incitant même leurs adeptes à assassiner des Premiers ministres israéliens s’ils franchissent les lignes rouges des colons. L’importance de ce changement dans les FDI a été décrite par Steven Erlanger dans le New York Times, en décembre dernier. Le Colonel Aharon Haliva, le commandant de l’école d’entraînement des officiers en Israël, a raconté à Erlanger que plus du tiers des volontaires dans les unités de combat provient maintenant de la jeunesse religieuse des colonies. « Vous ne les trouvez pas à Tel Aviv, mais partout dans les collines de Judée et Samarie, » a dit Haliva. « Ce sont les pionniers d’aujourd’hui. » Leur influence sur ceux dont ils ont la charge est profonde. « Dans deux mois je commanderai 20 soldats, a dit l’un d’eux à Erlanger, « et à partir d’eux il y aura peut-être deux officiers, et cela fait de nouveau 40 soldats, et de nouveau 40 familles…Ce sont les premiers commandants qui sont importants. La manière dont je tiens mon arme – est la manière dont la tenait mon premier commandant. »

Haggai Alon, un haut fonctionnaire du Ministère de la Défense dans le gouvernement Olmert quand le ministère était dirigé par Amir Peretz, a récemment accusé les FDI de servir le programme des colons. Alon a raconté à Ha’aretz que les FDI ignorent les instructions de la Cour suprême sur le trajet de la soi-disant barrière de sécurité, et « tracent, à la place, une route qui ne permettra pas l’établissement d’un état palestinien ». Alon note que quand, en 2005, James Wolfensohn avait négocié un accord signé par Israël et l’Autorité palestinienne, qui avait pour but de faciliter les restrictions sur les voyages des Palestiniens dans les territoires occupés, à la place, les FDI ont facilité les déplacements pour les colons ; pour les Palestiniens, le nombre de checkpoints était doublé. D’après Alon, les FDI sont en train de « mener une politique d’apartheid », qui vide Hébron des Arabes, et de judaïsation (son expression) de la vallée du Jourdain, tout en coopérant ouvertement avec les colons pour rendre la solution des deux états impossible.

L’affirmation que c’est uniquement la violence et le réjectionnisme palestiniens qui ont contraint Israël à rester dans les territoires est une invention. Comme je l’argumentais dans la LRB (16 août 2007), l’histoire assidûment propagée de la poursuite de la paix par Israël et sa recherche d’un partenaire palestinien « pour la paix » a été créé pour gagner du temps pour établir « des faits (accomplis) sur le terrain » : des colonies qui détruiraient la continuité territoriale et démographique et l’intégrité de la terre et de la vie palestiniennes de manière à rendre impossible l’établissement d’un état palestinien. En cela, les dirigeants d’Israël ont si bien réussi que Olmert - qui prétend s’être finalement rendu compte que sans la solution des deux états, Israël deviendra une entité d’apartheid incapable de survivre - n’a pas été capable de mettre en application même les plus petits changements qu’il avait promis à Annapolis. L’expansion des colonies et du système d’autoroutes « Jews-only » en Cisjordanie continue sans désemparer.

Le prix qu’Israël et les Juifs partout – sans parler du peuple palestinien – pourrait avoir à payer pour ce « succès » est pénible à envisager.

London Review of Books, le 10 avril 2008

Henry Siegman est directeur du Projet US/Moyen-Orient et professeur pour la recherche au programme Moyen-Orient de Sir Joseph Hotung à la SOAS. Il a été un membre associé important du Conseil des Relations étrangères de 1994 à 2006.