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L’Autorité Palestinienne sur la voie de sa dissolution (?)

Caelum Moffatt - MIFTAH

mardi 1er avril 2008

mardi 1er avril 2008 - Caelum Moffatt - MIFTAH

L’émotion est à son comble et l’humeur est mauvaise parmi les Palestiniens dont la masse est de plus en plus épuisée et découragée. A la fin du mois de mars, quatre mois se seront écoulés depuis le sommet d’Annapolis et quatre mois depuis que le Président Mahmoud Abbas et le Premier Ministre israélien, Ehud Olmert, sont convenus, devant la communauté internationale, de se rencontrer régulièrement, de mettre en œuvre la première étape de la feuille de route et de travailler à un accord de paix pour janvier 2009.

Il y a-t-il eu des progrès ? Il semble que les Palestiniens aient renoncé à croire au mot « progrès » et à toutes ses implications, longtemps avant Annapolis. Certains analystes et universitaires font remonter les problèmes actuels aux Accords d’Oslo de 1993 et à leur échec. Pourquoi l’Autorité palestinienne - organe intérimaire établi en vertu des Accords d’Oslo qui devait être étayé par un Etat après cinq ans - représente-t-elle toujours le peuple palestinien dans les territoires occupés ? Est-elle véritablement représentative ? Le terme « AP » masque-t-il simplement le fait qu’Israël, en tant que puissance occupante, contrôle essentiellement tout ? Bien que dotée d’ « autorité » en théorie, il est indéniable que l’AP n’est pas toujours traitée ni respectée en tant que telle.

L’absence de progrès significatifs en direction de la paix, depuis la création de l’AP il y a quinze ans, aggrave la confusion. La désintégration rapide de la situation humanitaire, les restrictions entravant les déplacements et les accès, l’escalade de la violence, les divisions internes des Palestiniens et les intrusions omniprésentes de l’occupation israélienne n’ont jamais été plus visibles ou néfastes. Bref, jamais la situation sur le terrain n’a fait de la solution des deux États une gageure aussi chimérique. .

Après le Sommet d’Annapolis, Israël a pris des mesures s’inscrivant dans le droit fil de sa manière générale d’opérer dans les territoires palestiniens occupés depuis des années. Israël sape systématiquement l’AP et, par conséquent, le processus de paix dans son ensemble.

La feuille de route, supposément réactivée à Annapolis, oblige Israël à cesser d’étendre ses colonies. Toutefois, ces quatre derniers mois, Israël a exproprié des milliers de dounams de terres palestiniennes et accordé des permis de construire pour plus de 1.500 logements dans les colonies de Pisgat Zeev, Givat Zeev et Har Homa, quelque 7.000 à Ein Yayul, près de Walaja, et 3.500 en projet entre Jérusalem-Est et la colonie de Ma’aleh Adumim.

Bien qu’Israël prétende que ces colonies [illégales d’après le droit international] se trouvent dans le district de Jérusalem et ne devraient par conséquent pas relever de ses engagements au titre de la feuille de route, c’est à Jérusalem-Est que les Palestiniens veulent établir leur capitale. En outre, Israël persiste à approuver les projets de construction dans les blocs de colonies en Cisjordanie, sans parler des avant-postes établis au gré des colons.

Pendant ce temps, la feuille de route charge l’AP de démanteler l’infrastructure « terroriste » de la Cisjordanie. L’AP a donné suite à cette instruction en établissant une force de sécurité qui n’est pas capable de fonctionner indépendamment des forces israéliennes toujours actives dans la région. La présence de ces forces présente le danger de faire croire aux locaux que les raids israéliens sont organisés de connivence avec l’AP. Pas plus tard que la semaine dernière, des soldats israéliens sont entrés à Bethléem et ont tué quatre militants palestiniens.

L’un d’eux était le commandant du Jihad islamique, Muhammed Shehadeh, que les Israéliens recherchaient depuis huit ans. Comme les Palestiniens contestaient le bien fondé d’une telle opération dans le contexte des entretiens entre l’Egypte et le Hamas pour un cessez-le-feu avec Israël, le fils de Muhammed Shehadeh a dit qu’Israël se contente de « ridiculiser » l’AP, prouve qu’elle est sans pouvoir et incapable de maintenir le contrôle et c’est ainsi que l’AP pousse les gens dans les bras de groupes tels que le Hamas et le Hezbollah.

Les dernières semaines, le sabotage de l’AP s’est aggravé. Après le bombardement israélien de la Bande de Gaza, qui a duré cinq jours et qui a tué approximativement 130 Palestiniens, le Président Abbas a annoncé qu’il suspendrait les entretiens de paix avec Israël en signe de solidarité avec la Bande côtière. Apparemment, sous la pression internationale, à savoir celle de la Secrétaire d’État étasunienne, Condoleezza Rice, la présidence a été obligée d’adoucir le ton un jour plus tard et Abbas a annoncé que les entretiens de paix devaient se poursuivre.

Une autre insulte vient s’ajouter à l’endroit de l’AP dans le sens que le ministère israélien des affaires étrangères appuie les Israéliens qui réclament une action en justice contre l’AP afin d’obtenir un dédommagement pour les dégâts causés par les commandos suicide palestiniens. Le porte-parole du Ministère des Affaires étrangères, Arye Mekel, a dit que la motion était recevable car l’AP n’est pas protégée par l’immunité accordée aux États poursuivis en justice devant les tribunaux d’un autre pays. Pourquoi ? Parce qu’Israël ne reconnait pas l’Autorité palestinienne en tant qu’organe étatique.

Selon l’ancien Ministre du Plan de l’AP, Ghassan Khatib, les Palestiniens sont dans le flou - « ils ne se trouvent pas clairement dans une situation d’occupation contre laquelle on s’attendrait à ce qu’ils résistent et combattent, et en outre leur Autorité intérimaire ne les conduit pas vers la fin de l’occupation et la création d’un État palestinien indépendant ». Les Palestiniens mènent une lutte difficile pour leur souveraineté sous la conduite d’un organe incapable de s’exécuter ou d’assurer leur avenir à cause des obstacles internes et extérieurs environnants.

Selon l’agence de presse Ma’an, des rumeurs circulent selon lesquelles le Président Abbas mettrait fin au processus de paix. Bien que la présidence palestinienne qualifie cette nouvelle de spéculative, certains sont allés plus loin, tel le Dr Ali Jarbawi qui demande que l’AP soit complètement démantelée.

L’idée n’est pas neuve ; elle a en fait été avancée par des universitaires et des analystes depuis le siège israélien de 2002 enfermant Yasser Arafat dans la Muqata’a [le complexe présidentiel] pendant l’intifada d’Al Aqsa. Cet événement démasqua le caractère véritable de la relation entre Israël et l’AP de façon très claire : l’occupant faisant le siège de son « partenaire de paix » sous occupation.

Si la solution des deux États souffre ostensiblement du maintien de l’AP, quelle est l’alternative ? La disparition de l’AP ne serait-elle pas interprétée comme une défaite ? Les partisans de la dissolution répondent que pour qu’il y ait défaite, il faut qu’elle soit précédée d’une bataille et comme Israël contrôle tout, il est faux de croire naïvement qu’il existe un tel affrontement. D’après ce paradigme, l’AP remettrait officiellement les « clés » de la Cisjordanie à Israël et aux Nations unies, l’absolvant de ses responsabilités et acceptant le statut d’occupation.

Israël serait forcé de faire face à ses responsabilités de puissance occupante en vertu des directives du droit international fixées par les Conventions de Genève sans avoir le luxe d’exploiter l’AP en tant que « entrepreneur administratif ou sous-traitant en sécurité » [expression utilisée par notre organisation dans un document de 2004 traitant de cette question]. Israël pourrait bien entendu rejeter cette demande et refuser de reconnaître ses obligations, auquel cas la question serait transférée aux Nations unies. Les parties en jeu ne pourraient pas ignorer ni négliger cette déclaration d’objectif car elles risqueraient de s’attirer une vague de condamnations dans tout le monde arabe.

On espère qu’en approuvant une motion pour la dissolution de l’AP, les Palestiniens adopteront peut-être indirectement la méthode la plus efficace pour s’opposer à l’occupation israélienne. En se soumettant ouvertement à la volonté d’Israël et en acceptant à contrecœur l’occupation, ils mettront Israël devant le choix de la solution d’un seul État [dont les ramifications sont potentiellement désastreuses pour Israël comme le Premier Ministre Olmert l’a dit lui-même].

Israël étant incapable d’empêcher la communauté internationale de faire des comparaisons avec le régime d’apartheid d’Afrique du Sud, la solution d’un seul État l’obligerait à décider de « prendre ou laisser » soit d’accepter l’occupation et d’incorporer les territoires occupés dans son État, détruisant ainsi le rêve d’un État juif tout en faisant courir aux juifs le risque de devenir minoritaires ; soit de mettre en œuvre sérieusement une solution dans laquelle un État indépendant pourrait être créé. C’est le plan sur lequel le Dr Jarbawi insiste. Israël ne s’intéressera à la solution des deux États que si sa « judéité est menacée » et la dissolution de l’AP ne serait pas un moyen vers une fin, mais une étape nécessaire pour « atteindre » la fin.

Bien que rationnelle en théorie, cette manœuvre hardie présente le risque de certains écarts et de conséquences imprévisibles. Qui se substituerait au vide laissé par l’AP ? Le gouvernement israélien ne trouverait-il pas un autre partenaire malléable ? Un des principaux obstacles à la paix est l’actuelle division entre le Fatah et le Hamas et leur réticence à régler leurs problèmes. Un accord avec le Hamas se ferait aux dépens des Palestiniens modérés, tandis qu’une paix avec les modérés ne peut être conclue tant que le Hamas continue à menacer la sécurité d’Israël. On croyait initialement l’influence du Hamas en diminution, mais elle est apparemment presque égale à celle du Fatah. Selon un sondage effectué par le Centre palestinien pour la recherche sur la politique et les sondages, le Premier Ministre de fait du Hamas, Ismail Haniyeh, récolterait 47% des voix lors d’élections présidentielles, contre 46% pour Abbas.

Cela étant dit, la dissolution de l’AP pourrait conduire à un affrontement total, soit entre le Hamas et le Fatah, soit entre les familles tribales réparties en Cisjordanie, ou encore aboutir à une troisième Intifada contre les Israéliens. Ce qui empêcherait une guerre civile totale entre Palestiniens est qu’en l’absence de l’AP, les groupes ne se battraient pas pour obtenir une position d’autorité nationale, ce qui a souvent été le cas. Pour ce qui est de trouver un autre partenaire complaisant à Israël, si le but de la cause était reconnu et compris, on pourrait espérer que le Hamas et le Fatah seraient unis sous l’occupation et utiliseraient leur influence pour prévenir l’installation d’un « allié » israélien dans les territoires occupés.

Qui plus est, il y a entre 200.000 et 250.000 personnes employées par l’Autorité palestinienne à dans des domaines divers allant de l’administration à la sécurité. Les partisans de la dissolution établissent des parallèles avec la deuxième intifada au cours de laquelle les gens se sont montrés prêts à sacrifier leurs emplois pour le bien commun. Ces partisans disent que c’est ce qui se passera en cas de dissolution.

L’enquête ci-dessus signale que 55% des Palestiniens sont insatisfaits du gouvernement de l’AP et croient qu’il faudrait le renverser. En 2006, le même débat au sujet de l’AP avait atteint son point culminant. Le Hamas, qui venait de gagner les élections législatives, a reconnu que le démantèlement de l’AP pourrait être la seule riposte à la façon dont Israël traitait celle-ci. En outre, le porte-parole de l’OLP, Ghassan Al Masri, se demandait « Pourquoi Israël, en sa capacité de force d’occupation, n’assumerait pas les dépenses de nos systèmes d’éducation, de santé et de prévoyance sociale ? ». Même l’actuel Premier Ministre palestinien, Salam Fayyad, avait dit à l’époque que « l’AP ne joue presque aucun rôle dans le processus politique. L’existence de l’AP libère Israël de ses responsabilités de force d’occupation ». Ces commentaires ont peut-être été dictés par leur opposition à la victoire du Hamas ou leur crainte de perdre leur position.

Toutefois, maintenant qu’une AP à base Fatah a été restaurée en Cisjordanie, ils éprouvent la même crainte devant leur avenir. L’opinion semble à présent centrée davantage sur le négociateur de l’AP, Saeb Erakat, qui dit que le débat sur l’AP devrait se concentrer sur « la manière de réactiver nos institutions » en les restaurant, les préservant, les réformant, en les redéfinissant et en les dynamisant.

En 2006, il y avait des options faisables. Depuis, il y a eu des élections démocratiques dont le résultat n’a toutefois pas été respecté par la communauté internationale ; l’essai d’un gouvernement d’unité a échoué. Les luttes intestines entre factions palestiniennes ont atteint un degré alarmant, aucune partie ne donnant signe de renoncer au pouvoir ; la revitalisation et la réforme de l’AP ont été limitées et l’intervention accrue d’une tierce partie n’a pas donné de résultats tangibles, ni réussi à faire pression sur Israël pour qu’il accepte un accord de paix.

Yossi Belin, membre de la Knesset, dit que les Palestiniens devraient attendre jusqu’en janvier 2009 [date limite projetée pour un accord de paix] avant de faire quoi que ce soit - cela va sans dire. Tous les efforts devraient tendre à profiter du fait que le Président étasunien, George Bush, et le Premier Ministre Olmert ont besoin de sauver leurs réputations au plan intérieur. Toutefois, si rien ne se produit à la suite de cet accord de paix, il faudra explorer une autre voie. A ce stade, la théorie de la dissolution devrait être sérieusement envisagée comme alternative à un processus de paix bloqué