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Il faut appeler un chat : « un chat » et c’est ce que fait sans fard ni inutiles précautions oratoires Hamira Haas.(ndlr)

Les protestations dérisoires de l’Autorité Palestinienne

Par Amira Hass > amira@haaretz.co.il

jeudi 20 mars 2008

Les principaux représentants de l’Autorité Palestinienne peuvent à juste titre dire que la construction des colonies se poursuit en dépit des protestations et des condamnations de chacun – pas seulement les leurs. L’Europe proteste, La Paix Maintenant proteste, les Nations Unies protestent, et même Condoleezza Rice proteste de temps en temps, sans parler de l’élite littéraire d’Israël. L’expansion des colonies continue, en même temps que le nombre de routes fermées aux Palestiniens.

Les responsables de l’Autorité Palestinienne diront que les tactiques opposées aux négociations et aux protestations – les roquettes Qassam, les opérations de guérilla et les attentats suicide – n’ont aidé en rien et qu’elles n’ont fait que fournir à Israël plus d’excuses pour confisquer la terre.

L’évacuation des colonies de la Bande de Gaza, il faut le répéter, fut une démarche brillante d’Israël pour accélérer la séparation politique entre la Cisjordanie et Gaza, et qui a tout le temps été déguisée en « début du retrait ».

Les condamnations émises par le camp de l’Autorité Palestinienne n’ont qu’un but intérieur. C’est une façon de dire au public palestinien que ses représentants sont dans le même bateau que la population affaiblie qui souffre sous occupation, comme la lutte armée est destinée à montrer au public palestinien quelle organisation sait réellement comment se venger. Les condamnations de l’Autorité Palestinienne ne font la preuve que de leur ridicule et de leur impuissance réelle. Elles signalent tant à Israël qu’aux Palestiniens que peu importe le nombre de nouvelles maisons pour colons qui seront construites, un partenaire palestinienne prendra toujours place dans la comédie du « processus de paix ».

Les négociations et la lutte armée ne sont pas les seuls moyens de combattre l’occupation. La question de pourquoi les Palestiniens n’ont pas adopté la résistance non violente du Mahatma Gandhi devrait être posée aux dirigeants de l’Autorité Palestinienne – pas aux millions de Palestiniens qui, chaque jour, mènent une lutte sans arme contre des méthodes d’oppression sophistiquées et perfectionnées.

La protestation retentirait d’une façon complètement différente si les protestataires organisaient une révolte publique calculée contre les tactiques d’annexion d’Israël.

Ce ne sont pas les occasions qui manquent.

Des centaines de barrages en béton bloquent la sortie des villages. L’Autorité Palestinienne pourrait envoyer un bulldozer en enlever un chaque jour. Des responsables pourraient les accompagner : Mahmoud Abbas, ou quelqu’un de son bureau, des chefs des organismes de sécurité, des membres du comité central de l’OLP, des représentants du Fatah, des ministres et des directeurs généraux.

Il y a des routes interdites aux voitures palestiniennes. Les responsables de l’Autorité Palestinienne et des habitants de Cisjordanie pourraient former un long convoi de voitures et conduire sur ces routes. De nombreux Israéliens seraient heureux de se joindre à eux.

La construction et le développement sont interdits en Zone C. Le Bureau palestinien de la planification pourrait ordonner aux ministres palestiniens concernés d’installer des lignes électriques, de préparer l’infrastructure pour relier les villages au réseau d’eau, de creuser des citernes pour collecter l’eau de pluie, de construire des écoles, des cliniques et des maisons. Peut-être même de creuser des puits. Toutes choses que les autorités israéliennes d’occupation interdisent sur 60% de la Cisjordanie. Là aussi, un nombre important d’Israéliens opposés à l’occupation les rejoindraient.

L’Administration civile arrivera pour tout détruire. Alors on reconstruit.

Les officiels qui accompagneront les travaux seront arrêtés. Encore mieux. Est-ce que seuls les habitants de Bil’in doivent être arrêtés pour leur lutte sans arme contre l’occupation ?

Il est possible de trouver des centaines d’autres mesures de la sorte, qui pourraient remplacer le plan gouvernemental palestinien officiel et forcer la direction à quitter son « illusion d’un Etat », et la ramener à la bataille pour la libération. Bien sûr, ces mesures seules ne peuvent pas mettre un terme à la colonisation, mais elles ont le potentiel de mettre fin au statu quo qui convient tellement à Israël : expansion des colonies, négociations sans fin, protestations et tirs. Il y a ici un potentiel pour changer les relations rompues entre le peuple et ses représentants, pour créer un nouveau type de diplomatie palestinienne.

Mais il est également vrai qu’une telle vision n’a aucune chance. L’actuelle direction de l’Autorité Palestinienne et de l’Organisation de Libération de la Palestine s’est habituée à vivre comme une nomenclature. Elle confond les intérêts de son propre peuple avec son statut cérémonial relativement confortable, un statut qui est sa récompense pour accepter de participer au spectacle de respectabilité écrit d’avance par les Américains et les Européens au bénéfice d’Israël.

Source : Haaretz  Traduction : MR pour ISM