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MA PRESENCE AU SALON DU LIVRE

Quelques clarifications qui s’imposent

par Michel Warchawski

mercredi 12 mars 2008

Michel Warschawski
publié le mardi 11 mars 2008.

Le Salon du Livre de Paris, dont Israël est cette fois l’invité d’(e dés)honneur, a provoqué pas mal de discussions, d’hésitations, de prises de positions, et, en ce qui me concerne, de confusions et de volte-face. Je m’en excuse à l’avance.

J’ai pour vieille habitude de refuser de dialoguer, d’argumenter ou de répondre à ceux qui font de l’extrémisme en-soi une stratégie, préférant l’invective et la dénonciation à la politique, c’est-à-dire à l’action visant à renforcer ce à quoi nous croyons et dédions notre vie, et à affaiblir les positions de nos ennemis. Ceux-là mènent l’essentiel de leur combat non pas contre l’ennemi commun (dans notre cas, le colonialisme sioniste et ses crimes) mais contre ceux qui se battent pour les mêmes valeurs que celles qu’ils prétendent défendre. Débattre ou dialoguer avec de tels individus nous détourne de nos taches en nous forçant à mener une guerre défensive sur la sincérité de nos opinions et de nos combats. Au lieu d’agir et de réfléchir, nous sommes sommés de nous justifier et de nous défendre.

J’avoue que dans le cas du Salon du Livre, j’ai dévié de mes vieilles bonnes habitudes, et je le regrette, ne serait-ce que pour le temps perdu qui aurait pu et du être utilise à dénoncer le Salon, ses organisateurs et la mystification-négationiste des « 60 ans sans Naqba ».

En effet, venant de la part d’un ami (Ilan Pappe) avec qui j’ai partagé et continue à partager tant de combats, l’appel au boycott du Salon, m’a sérieusement perturbé, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas des nombreux mails reçus (de Françaises et de Français) me traitant de « collabo » au cas où j’aurais le malheur de ne pas suivre la ligne défendue par Ilan :

ces mails – je vais m’en expliquer plus loin – ont justement eu l’effet contraire.

La position d’Ilan, ainsi que d’autres amis dont les prises de positions politiques m’ont souvent inspiré (Tareq Ramadan et Tariq Ali), m’a conduit à publier un court texte dans lequel j’annonçais que je ne viendrais pas au Salon (où je devais participer à une conférence sur les Nouveaux Historiens), tout en soulignant que je respectais tout à fait le choix de ceux qui avaient décidé d’y être pour le dénoncer. La présence de Shimon Peres – personne que, à cause de son hypocrisie sans fin, j’abhorre encore plus que les autres politiciens de mon pays – à l’ouverture du Salon m’a encore renforcé dans mon choix de ne pas mettre les pieds à ce salon.

Ceci dit, il est important de clarifier deux choses.

a) Le refus (boycott) de mon ami Aaron Shabtai de faire partie de la délégation israélienne allait de soi : il était appelé à représenter Israël et à être une caution morale d’une délégation dont le but est de glorifier cet Etat ; ce sont ceux à qui on demande de faire partie de ce festival qui doivent décider s’ils/elles le boycottent ou non. Nous, nous ne faisons pas partie du Salon, qui n’est pour nous qu’une tribune et un haut-parleur pour exprimer notre opposition et notre colère ;

b) On me cite quand j’ai affirmé récemment qu’« il fallait boycotter Israël », pour en tirer la fausse conclusion que j’appelle à boycotter le Salon. Stupidité ou mauvaise foi ? Le Salon n’est pas Israël, mais un événement qui peut ou non servir de plateforme pour dénoncer Israël.

Si le festival de Cannes était consacré à Israël, nous serions bien stupides d’appeler les réalisateurs progressistes (Israéliens ou autres) à refuser d’y présenter… leurs œuvres critiques d’Israël. Le choix doit être celui de l’efficacité politique : où peut-on faire le plus de mal au discours-unique, à l’intérieur ou en se retirant, et ça se discute chaque fois dans des conditions différentes. L’abstention étant d’ailleurs toujours le pire des choix, et c’est bien ce que proposent les partisans du boycott qui, au lieu de perdre leur temps (et le nôtre) dans ces polémiques internes, auraient mieux fait de préparer des manifestations contre la célébration d’un Etat qui viole le droit international et commet, quotidiennement, des crimes de guerre.

Ce sont d’abord mes amis Arabes (et particulièrement Palestiniens) qui m’ont fait repenser ma position, et c’est l’excellente et claire déclaration de l’Union Juive Française pour la Paix qui m’a convaincu que je me trompais : un combat se mène dans ce Salon, et on n’a pas le droit de déserter ce combat.

Quand je dis que les menaces d’être accusé de « collaboration » ont eu l’effet contraire à ce qu’elles semblaient vouloir obtenir, ce n’est pas seulement parce que je hais le chantage et que quand on me menace j’ai l’habitude de faire le contraire, mais parce qu’en n’allant pas au Salon je risquais d’apporter de l’eau au moulin de ces personnages qui auraient pu dire « contrairement à Warschawski, ceux qui sont allés au Salon (pour le dénoncer) sont des collabos » : non je n’ai pas le droit de me désolidariser de mes amis de La Fabrique ou de La Découverte, de l’UJFP, de Dominique Vidal, d’Amira Hass et bien d’autres qui n’ont de leçon à recevoir de personne pour leur engagement aux côtés du peuple palestinien.

Je regrette d’avoir crée une certaine confusion et surtout d’avoir déçu, par ma prise de position originelle, beaucoup de mes amis arabes et français. Je n’ai, pour circonstances atténuantes que l’hyper activisme que nous impose, en Israël, la politique sanglante de notre gouvernement, et qui ne nous laisse que très peu de temps pour réfléchir, dans le calme et la sérénité.

http://www.ujfp.org/modules/news/article.php ?storyid=365

Michel Warschawski