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Publié le dimanche 18 novembre 2007

Ecrire est si dérisoire en ce moment mais au moins ça protège de la folie

par Majed Bamia, palestinien

lundi 19 novembre 2007

Et aux blessures succèdent les blessures. Quand nous ne nous respectons plus nous mêmes, quand nous crachons sur nos propres symboles, quand nous renions notre propre histoire, quand nous versons notre propre sang, que reste-t-il à faire pour nos ennemis ? Il leur suffit de regarder et de se réjouir.

Heureusement que tu n’es plus là pour voir cette honte s’abattre sur nous, venus s’ajouter à nos souffrances. N’ont ils pas honte, rien donc ne les arrêtera, il n’y a donc aucune ligne rouge, rien rien qui puisse nous rassembler de nouveau. Heureusement que tu n’es plus là pour voir le drapeau palestinien enlevé par des mains palestiniennes ; Heureusement que tu n’es pas là pour voir que l’occupation au lieu de devenir un rempart contre la division est devenu un pont entre nous et le néant puisque nous nous acharnons à couper nos propres ailes.
Il y a trois ans tu nous as quittés, au moment où nous avions le plus besoin de toi. Mais tu pensais surement que ton souvenir suffirait à nous rassembler. Tu pensais surement que ta demande d’être enterré à Jérusalem, cette capitale du cœur, suffirait pour ne pas nous faire oublier l’essentiel. Mais tu es parti et nous avons tout oublié, et nous t’avons oublié.

Tu incarnais notre unité en dépit des divisions. Tu incarnais notre liberté en dépit de l’occupation. Tu incarnais nos rêves au milieu du cauchemar. Que faire maintenant que tu n’es plus là. Nous aurions pu nous retrouver pour nous consoler. Décider ensemble que notre histoire commune qu’un homme a porté sur ses épaules pendant un demi-siècle pouvait lui survivre. Clamer haut et fort que le mouvement national palestinien ne pouvait mourir avec son chef, et qu’il était notre devoir, vis à vis de nos martyrs, et des vivants, de ne pas cesser notre lutte pour nos droits, notre liberté et notre retour.

Mais nous avons préféré proclamer des Etats virtuels sur des bouts de terre assiégés, morcelés, ensanglantés. Notre quête de liberté n’a jamais été une question exclusivement territoriale, elle fut partie prenante d’un projet, d’un rêve qui portait ce doux nom de Palestine, ni Gaza ni Cisjordanie.

Et ce drapeau que plus personne ne soulève, fut un temps pas très lointains où nos martyrs n’acceptaient que cet habit pour rejoindre les leurs. Et il y avait un symbole que nous aimions critiquée et contesté mais qui avait su garder notre respect, notre confiance et notre affection.
Aujourd’hui ce symbole revivait en nous, devait nous sortir de nos divisions, de notre oubli, de notre honte. Mais des mains assassines en ont décidé autrement. Ces mains n’ont pas assassiné une dizaine de personnes et blessés des centaines. Ils ont participé à l’assassinat de notre projet national. Nous ne devons pas les laisser faire, plus un drapeau ne doit être enlevé sans conséquences, plus une balle tirée, plus un symbole bafoué.

Je ne peux que te dire que tu me manques, que tu nous manques. Ces quelques balles tirées le jour où nous commémorions ton martyre, montrent à quel point nous avons pu t’oublier, à quel point nous nous sommes oubliés et à quel point cet oubli est coupable et suicidaire. Je me souviens d’un grand homme qui nous avait prévenu : nous sommes sortis hors de la géographie ne nous laissez pas sortir hors du temps. Il est temps de dire aux nôtres qu’aucune géographie ne mérite que l’on sorte de l’histoire, et qu’un territoire, sans un peuple avec une identité, des rêves communs et un projet, même peuplé demeure désert.
Je sais que tu ne reposes pas en paix, Arafat. Hier nous pouvions blâmer l’occupation pour ton emprisonnement, ta mort et ton exil sur ta propre terre. Aujourd’hui nous n’avons que nous mêmes à blâmer pour cette mort collective que nous nous infligeons et que nous t’infligeons.

Majed Bamia, palestinien