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Le « temps », plus grand ennemi des Palestiniens car chaque jour les rats grignotent ! (ndlr)

Entre le marteau et l’enclume

Par Khaled Abu Toameh

mardi 23 octobre 2007

De toutes parts il est demandé de prendre le temps de mieux préparer la future rencontre d’Annapolis.
En y regardant de près, on constate, une fois de plus, que ceux qui sont porteurs de cette demande, y compris certains pays arabes,bien que connaissant parfaitement le délabrement tragique de la situation, n’ont d’autre intérêt que le leur et que la quotidien d’un peuple martyrisé mais toujours debout ne constitue pas pour eux une préoccupation majeure !

Le peuple palestinien n’est probablement pas dupe et saura tôt ou tard faire le tri ; espérons que la méthode pour y parvenir ne soit pas trop sanglante.

M.F.


Peu de temps avant que le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, reçoive cette semaine la visite du Secrétaire d’Etat américain Condoleezza Rice à Ramallah pour parler de la très attendue conférence de paix à Annapolis dans le Maryland, ses collaborateurs lui ont remis une lettre qui venait d’arriver d’une prison israélienne.

La lettre, adressée à Abbas, avait été rédigée par Hussam Khader, un député du Fatah du camp de réfugiés de Balata près de Naplouse, qui purge une peine de sept ans de prison pour son rôle dans des « activités liées au terrorisme ».

Avant son arrestation par les FOI, en mars 2003, Khader, qui appartient à la jeune garde du Fatah, était connu comme l’une des personnes les plus ouvertement critiques de la corruption dans l’Autorité palestinienne.

Par ailleurs, Khader a toujours bénéficié d’un énorme soutien populaire parmi les activistes du Fatah, notamment en Cisjordanie, en raison de ses critiques publiques de la vieille garde du Fatah et de ses appels répétés pour une transparence et une responsabilisation.

Avant son arrestation, Khader avait déclaré dans une interview qu’il avait été averti par d’anciens collaborateurs de Yasser Arafat qu’ils le liquideraient s’il continuait à s’élever contre la corruption et la mauvaise gouvernance.

Dans sa lettre, qui, dit-on, aurait obtenu l’approbation de centaines de prisonniers du Fatah dans les geôles israéliennes, Khader a critiqué Abbas pour son choix de personnalités « non fiables » afin de négocier avec le camp sioniste avant et pendant la réunion parrainée par les Etats-Unis.

Le message de Khader à Abbas dit : « Avant d’aller négocier avec Israël, vous devriez faire le ménage à l’intérieur du Fatah, vous débarrasser de tous les symboles de la corruption et donner à la jeune génération un plus grand droit de regard dans les prises de décision. »

Faisant référence à la composition de l’équipe de négociation palestinienne qui est dirigée par l’ancien Premier Ministre de l’Autorité Palestinienne, Ahmed Qoreï (Abou Alaa), Khader écrit : « Il est inconcevable de voir les mêmes personnes qui ont échoué dans le passé et qui ont vendu des fausses promesses à notre peuple, mener aujourd’hui les négociations avec Israël. »

En demandant à Abbas d’organiser des élections internes au Fatah, Khader a également déconseillé au dirigeant de l’Autorité Palestinienne d’assister à la conférence avant de régler son différend avec le Hamas.

Cette dernière lettre est un signe des énormes remises en cause qu’affronte Abbas seulement quelques semaines avant la tenue de la conférence.

Non seulement, il a été ouvertement contesté par le Hamas au sujet de la conférence, mais maintenant les critiques émanent des membres de sa propre faction, ainsi que de nombreux autres Palestiniens de différentes affiliations politiques.

Le réel problème d’Abbas, disent ses critiques, c’est qu’il n’a pas encore absorbé le fait que le Fatah a perdu les élections de janvier 2006 face au Hamas et, que, plus tard, il a perdu le contrôle des plus de 1,5 million de Palestiniens dans la Bande de Gaza. Ils font valoir que, au lieu de tirer les conclusions de ces deux « catastrophes », Abbas continue de se comporter comme si rien de dramatique ne s’était passé.

Au cours des deux dernières années, il a, à plusieurs reprises, ignoré les demandes de réformes majeures qui feraient emerger des nouveaux leaders charismatiques dans les rangs du Fatah.

C’est pourquoi la décision prise par Mahmoud Abbas de nommer Qoreï à la tête de l’équipe de négociation a surpris non seulement les militants mécontents du Fatah, mais un grand nombre de Palestiniens.

Les jeunes membres du Fatah voient Qoreï comme une vieille horloge qui, avec plusieurs de ses collègues de la vieille garde, sont responsables des mauvaises performances et de la défaite de la faction lors des élections parlementaires de 2006.

D’autres Palestiniens tiennent Qoreï pour responsable de ce qu’ils considèrent comme l’échec des Accords d’Oslo, en disant qu’il aurait dû, à l’époque, conclure un meilleur accord avec Israël.

« Ahmed Qoreï appartient à une époque que de nombreux Palestiniens voudraient oublier », a déclaré un ancien représentant du Fatah.

« Il est l’un des nombreux anciens responsables du Fatah qui ont été jetés dehors par notre peuple et qui tentent maintenant de revenir par la fenêtre. Si vous voulez négocier avec Israël, vous devez disposer d’un mandat clair de la population. Dans son cas, je ne suis même pas sûr qu’il représente sa propre faction, le Fatah. »

Des informations non confirmées affirmaient cette semaine que Qoreï envisageait de quitter le poste de chef de l’équipe de négociation palestinienne suite aux fortes critiques.

Mais, même si celui-ci démissionne, Abbas fera encore l’objet d’attaques en raison de l’identité des autres membres de l’équipe, d’abord et avant tout, Yasser Abed Rabbo, un ancien ministre de l’Autorité Palestinienne et chef d’un petit groupe appelé FIDA, une faction du Front Démocratique pour la Libération de la Palestine.

Abed Rabbo n’appartient pas au Fatah, et en tant que tel, il ne bénéficie pas du soutien de la plupart des représentants de la faction.

D’autre part, il a fait l’objet de graves critiques en raison de son implication dans l’Initiative de Genève, un accord qui a été dénoncé par de nombreux Palestiniens comme une « capitulation » face à Israël, en grande partie parce qu’ils croient que cela compromettait le « Droit au Retour » des réfugiés palestiniens.

Les collaborateurs d’Abbas insistent sur le fait que les deux hommes - Qoreï et Abed Rabbo - ont été choisis en raison de leur longue expérience dans la conduite des négociations avec Israël. Quelles qu’en soient les raisons, il est évident que de nombreux Palestiniens auraient préféré voir de nouveaux visages les représenter à Annapolis.

En dépit des préparatifs en cours pour la conférence, des responsables de l’Autorité Palestinienne à Ramallah disent qu’ils préféreraient un report de la rencontre afin de donner à Israël et aux Palestiniens plus de temps pour parvenir à un accord sur toutes les questions essentielles : Jérusalem, les frontières et les réfugiés.

« À franchement parler, je ne vois pas comment nous pouvons parvenir à un accord sur toutes ces questions dans les semaines à venir », a déclaré un haut fonctionnaire de l’Autorité Palestinienne.

« Nous ne voulons pas travailler avec des deadlines, et nous préférerions que la conférence soit repoussée de quelques semaines ou mois. L’échec de la conférence aura de sérieuses répercussions sur toutes les parties. »

La pression sur Abbas n’émane pas seulement de Palestiniens, mais aussi des pays arabes. Les Egyptiens, les Saoudiens et les Jordaniens sont également en faveur d’un report de la conférence en raison de leur conviction que le fossé entre Israël et les Palestiniens est plus large que jamais.

Ces « modérés » Arabes craignent qu’un échec de la conférence ébranle leur pouvoir et joue en faveur du Hamas et d’autres éléments radicaux dans le monde arabe.

Consciente des défis croissants, Abbas a grimpé en haut d’un arbre pour expliquer publiquement ses attentes de la conférence à venir.

Dans une série d’interviews, il a clairement fait savoir qu’il n’accepterait rien de moins que 98% de la Cisjordanie, la Bande de Gaza et de Jérusalem Est. Il a également souligné qu’il n’y aurait pas de compromis sur le statut de Jérusalem et la question des réfugiés.

Cette semaine, il est venu avec une nouvelle condition : la libération de quelques 2000 Palestiniens des prisons israéliennes avant la conférence.
Et d’autres conditions comme celles-ci pourraient survenir alors que la date de la conférence approche.

Abbas espère que la libération des prisonniers allégerait la pression sur lui, renforcerait sa position auprès de ses administrés et persuaderait le public palestinien qu’Israël a de bonnes intentions.

Le pire cauchemar d’Abbas est un scénario dans lequel Israël et les Etats-Unis le tiendraient personnellement responsable de l’échec de la réunion d’Annapolis, comme cela a été le cas avec son prédécesseur, Yasser Arafat, à la suite du sommet raté de Camp David en 2000.

Comme l’a déclaré l’un de ses collaborateurs cette semaine, le Président Abbas est pris entre le marteau et l’enclume. D’une part, les Palestiniens le condamneront s’il ne leur apporte rien de moins que ce qu’il a promis. D’autre part, son refus de faire des concessions lors de la conférence sera utilisé par les Israéliens et les Américains pour le tenir personnellement responsable de l’échec du « processus de paix. »

Dans les circonstances actuelles où même le contrôle d’Abbas sur la Cisjordanie est incertain, il est fort improbable qu’il soit en mesure de trouver un accord historique sur des questions extrêmement sensibles comme Jérusalem, les réfugiés et les frontières.

Certains Palestiniens sont convaincus que s’il n’y avait pas la présence de l’armée israélienne en Cisjordanie, Abbas et le Fatah auraient succombé au Hamas il y a bien longtemps.

Avec le renforcement réussi de la mainmise du Hamas sur la Bande de Gaza et de plus en plus de gens déçus par le Fatah en Cisjordanie, il n’est pas sérieusement possible de dire qu’ Abbas a reçu un mandat clair de son peuple pour parvenir à un accord.

Source : http://www.jpost.com/  Traduction : MG pour ISM