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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 55)

Aujourd’hui : Le « colonialisme collectif, à visage humain » déferle sur l’Afrique

Notre rubrique géopolitique

dimanche 7 octobre 2007

STRASBOURG, le 07 octobre 2007

Pour sa première intervention aux Nations Unies le 25 septembre, le président Nicolas Sarkozy a appelé « tous les hommes de bonne volonté » à construire, avec la France, un « nouvel ordre mondial », plus équitable. Au nom de la France, il a lancé un appel solennel à l’organisation des Nations Unies pour qu’elle « se donne les moyens d’assurer à tous les hommes à travers le monde l’accès aux ressources vitales de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation, des médicaments et de la connaissance » (Le Monde du 27/09/07).

Le discours du président français a provoqué des applaudissements dans l’enceinte des Nations Unies. Personne ne peut être contre ces propositions humanistes. Déjà en 1991, la chute de l’URSS avait donné l’occasion aux Etats-Unis de mettre en place un « nouvel ordre mondial » enrobé d’humanisme. L’installation du « nouvel ordre » avait commencé par le démantèlement de la Yougoslavie, le bombardement de la Serbie, le déploiement des forces de l’OTAN en Europe de l’Est et en Asie centrale, suivis de l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak et de leurs centaines de milliers de morts et de destructions massives. Quelle différence entre le « nouvel ordre mondial » prôné par Sarkozy et celui installé par Bush ?

Comme le « grand frère américain », s’appuyant sur la résolution 1778 du Conseil de sécurité, adoptée le 25 septembre 2007, la France s’applique à mettre en place un « nouvel ordre mondial » musclé en Afrique. En effet, elle s’est chargée de l’organisation d’une « présence militaire multinationale » à l’Est du Tchad et au Nord du Centrafrique ! Mais les pays européens sont réticents à l’idée de mettre des soldats à la disposition de la France dont l’objectif non avoué est de protéger son « pré carré » en Afrique. Au Tchad, « l’armée française est intervenue à plusieurs reprises en 2006 pour bloquer des attaques de rebelles menaçant la capitale, N’Djamena. En Centrafrique, elle a combattu fin 2006 pour reprendre la ville de Birao, tombée aux mains de rebelles armés » (Le Monde du 25/09/07).

Le « nouvel ordre mondial » proposé par Sarkozy ressemble fort à celui de Georges Bush qui n’a pas hésité à demander aux Nation Unies à poursuivre les objectifs de ses fondateurs, à savoir : « libérer les peuples de la tyrannie et de la violence ». Assurément, pensait-il à ses « exploits libérateurs » irakien et afghan !?

Devant la réticence des pays européens (la Suède, la Pologne, la Belgique, l’Espagne, l’Autriche, la Roumanie et la Grèce) les officiels français ont répété que « la priorité était de soulager les souffrance des civils affectés par la guerre » (LM du 25/09/07). En Afghanistan et en Irak aussi, les Américains ont prétendu mettre fin à la « souffrance » des populations, en répandant la « démocratie ». On connaît la suite. Dans un entretien accordé au Monde, le ministre soudanais des affaires étrangères a exprime son inquiétude quant à la présence française à proximité du Darfour où la France dispose déjà de deux bases.

En Afrique centrale, la tension reste très vive. Hormis le Tchad, le Centrafrique et le Darfour (au Soudan), la guerre de guérilla touche un quatrième pays : le Niger, troisième exportateur mondial de minerai d’uranium. Une vaste région, riche en matières premières (pétrole et uranium), indispensables à l’économie occidentale et à l’industrie d’armement. Tous les grands pays industrialisés, avides de matières premières, et fabricants d’armes sont présents : les Etats-Unis, la France, la Russie, la Chine, etc.

Chassé par la porte, le colonialisme d’antan revient collectivement, par la fenêtre « humanitaire » pour installer un « nouvel ordre mondial » qui sent la pourriture !

Sous prétexte de mettre fin à la « souffrance » de la population, c’est le pillage des richesses et la dictature colonialiste, la censure de la presse, la chasse aux démocrates et autres « fouineurs » et « curieux » qui s’installent inlassablement. « Un journaliste de RFI est incarcéré à Niamey (…) Un homme d’affaires Touareg, Aboubakeur Karda, est détenu à Niamey (…) pour avoir servi d’intermédiaire dans la libération, contre rançon, d’un ingénieur chinois (…) Un réalisateur indépendant français, François Bergeron, est détenu depuis un mois à la gendarmerie de Niamey » (LM du 06/10/07).

A l’instar des Américains, la France et ses « amis » africains se targuent de former des « gens bien », alors que les opposants ou rebelles constituent des « trafiquants » ou des « bandits ». Que représente la rébellion des Touaregs, pour Mamadou Tandja, le président du Niger ? « Ce ne sont pas des rebelles mais de vulgaires trafiquants (…) Voilà que ces bandits se proclament « rebelles » et se font appeler « MNJ* » » (LM du 06/10/07).

Ainsi va le monde des colonialistes myopes qui, pour s’imposer dans une région, recourent toujours à un « nouvel ordre mondial » en noir et blanc, composé, d’un côté, de « gens civilisés », seuls sensibles à la « souffrance » de la population (des matières premières) et, de l’autre côté, de « bandits » qui osent défier le « nouvel ordre colonialiste à visage humain ».

Après le bourbier irakien, serons-nous témoins d’un bourbier africain ? Tous les ingrédients sont déjà prêts.

Le comité de rédaction

* Mouvement des Nigériens pour la justice