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Minoritaires à Ramallah, ses militants sont harcelés par les forces de sécurité fidèles à Abbas.

En Cisjordanie, la chasse aux militants du Hamas bat son plein

Par Delphine Matthieussent - source : Libération de ce jour.

mardi 25 septembre 2007

« J ’ai peur. Quand ça chauffe à Gaza, je reste cloîtré chez moi, parfois une semaine entière. Ou je vais passer une nuit ou deux en dehors de la ville, chez des amis, de la famille ou des collègues proches du Fatah », confie Aymen Daraghmeh. Membre du Hamas au Conseil législatif palestinien, il réside dans un appartement spacieux, dans un quartier résidentiel de ­Ramallah, en Cisjordanie.

Inquiétude. Depuis le coup de force du mouvement islamiste dans la bande de Gaza, le 15 juin, Aymen Daraghmeh a les yeux rivés sur les événements qui s’y déroulent. « Tout ce qui se passe à Gaza peut avoir des conséquences pour moi, ici à Ramallah. Cela a un effet boomerang direct », explique le député, membre d’une faction du mouvement islamiste ­opposée au coup de force de Gaza. Son inquiétude croît avec les manifestations quasi hebdomadaires de protestation organisées par le Fatah, le parti du président palestinien, Mahmoud Abbas, dans la bande de Gaza. Des dirigeants du Fatah y ont été récemment arrêtés. « S’ils ne les relâchent pas, il y aura des kidnappings ici. Des députés du Hamas ont déjà reçu des menaces », assure Aymen Daraghmeh, qui affirme être opposé à la répression des manifestations du Fatah dans la bande de Gaza.

Le nouveau gouvernement constitué par Mahmoud Abbas après la prise de pouvoir du Hamas à Gaza a proclamé l’état d’urgence. Il est toujours en vigueur en Cisjordanie, où le mouvement ­islamiste est pourtant considéré comme minoritaire. Craignant un possible effet de ­contagion, les services de sécurité palestiniens, fidèles au ­président Abbas, ont multiplié les arrestations de membres du ­Hamas et les fermetures ­d’associations, en ­majorité des ­organisations sociales liées au mouvement islamiste. Mahmoud Abbas a par ailleurs déclaré il­légaux les groupes armés échappant au contrôle du Fatah, notamment la force exécutive, créée par le Hamas après sa victoire aux ­élections législatives palestiniennes de janvier 2006.

Selon le mouvement islamiste, 650 de ses membres ont été arrêtés en Cisjordanie par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne depuis la mi-juin. Les organisations de défense des droits de l’homme ­palestiniennes estiment qu’une centaine de membres du Hamas sont détenus dans plusieurs centres d’interrogation en Cisjordanie. Plusieurs dizaines de cas de torture et de mauvais traitements ont été rapportés.
Torture. Nader E’bayat a été torturé pendant près de cinquante jours, de fin juin à mi-août, à Bethléem, dans un centre des services de sécurité du ­Fatah, qui le soupçonnaient d’être membre de la force exécutive du Hamas en Cisjordanie. Il dit, entre autres sévices qu’il aurait subis, avoir été privé de sommeil pendant plusieurs jours consécutifs, menotté dans des positions douloureuses et soumis à de longues périodes d’isolement dans un cachot. « Ils m’ont traité d’une façon monstrueuse. J’ai déjà été détenu plusieurs fois, dans des prisons palestiniennes et israéliennes. Mais je n’avais encore jamais subi ­cela, explique-t-il. Toutes les nuits, entre minuit et 4 heures du matin, ils m’interrogeaient. Ils tentaient de me faire avouer que j’avais participé à un complot du Hamas pour prendre le pouvoir en ­Cisjordanie », précise-t-il.
Début septembre, les services de sécurité ont expliqué avoir déjoué « un putsch » que le ­Hamas ­planifiait contre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Selon eux, ce projet de coup de force aurait été révélé par des membres de la force exécutive, arrêtés en Cisjordanie.
Nader E’bayat a ­finalement été relâché, faute de preuves. La commission indépendante palestinienne pour les droits des citoyens, une organisation établie en 1993 par Yasser Arafat, a joué un rôle actif dans ce dénouement. Dans un rapport sur les arrestations en Cisjordanie depuis la prise de pouvoir du Hamas, elle dénonce les détentions illégales, les mauvais traitements et parfois la torture pratiquée à l’encontre de membres du mouvement islamiste en Cisjordanie. Elle a également publié un rapport sur les arrestations politiques dans la bande de Gaza.

« Les arrestations politiques sont de retour sur la scène palestinienne. Qu’il s’agisse des arrestations opérées à Gaza par la force exécutive ou en Cisjordanie par la force préventive [service de sécurité du Fatah, ndlr], nous sommes dans le domaine de l’illégalité la plus totale car les milices n’ont aucune légitimité pour procéder à ces arrestations, estime Mu’ien Barghouti, un avocat membre de la commission. Concernant les violations des droits de l’homme, le Fatah et le Hamas font un triste match nul. La division de la société palestinienne n’a jamais été aussi importante, et les arrestations et les tortures ne font qu’accroître le fossé entre la bande de Gaza et la Cisjordanie », ajoute-t-il.