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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N°53)

Aujourd-hui : Pourquoi l’Iran dérange-t-il l’Occident ?

Notre rubrique géopolitique

mercredi 19 septembre 2007

STRASBOURG, le 19 septembre 2007

L’Histoire nous apprend que c’est la puissance militaire d’un pays, en phase avec la technologie de son époque, qui garantit l’existence et la souveraineté (politique et territoriale) d’un Etat. Il suffit de se rappeler l’invasion des pays européens par l’armée nazie, les guerres de Corée, du Vietnam et les récentes guerres d’Afghanistan et d’Irak, pour se rappeler qu’un pays se fait envahir s’il n’arrive pas à défendre ses frontières.

Il existe des pays (Egypte, Arabie saoudite, Jordanie, Koweït, etc.) qui disposent de leur souveraineté territoriale- pays non occupés par une armée étrangère- mais, du fait de leur soumission politique à une puissance étrangère (Etats-Unis), manquent de souveraineté politique. De plus, l’armée américaine possède des bases militaires en Arabie saoudite et au Koweït et, dans ces conditions, il est difficile de parler de « souveraineté territoriale » desdits pays.

Il existe une troisième catégorie de pays (Iran, Syrie) qui disposent de leur souveraineté territoriale et de leur souveraineté politique (même si une partie du territoire syrien reste occupée, ou annexée, par l’armée israélienne).

L’Iran, vieux pays de 25 siècles d’âge, a connu, depuis le 16e siècle, deux défaites majeures face aux Empires ottoman et russe. La prospérité de la Perse et les revendications territoriales, incitèrent les Ottomans à attaquer les Séfévides du Chah Ismä’il, vaincu à Tchaldirän. Au cours d’une guerre longue et meurtrière, opposant l’Empire Russe à l’Empire Perse, ce dernier capitula, en signant le traité (honteux pour les Iraniens) de Torkmânchâï en 1823. Téhéran céda au tsar ses provinces caucasiennes du Daghestan, d’Arménie, de Géorgie, d’Azerbaïdjan du Nord. Ces deux guerres, perdues suite au retard technologique de l’armée iranienne, ont marqué la mémoire collective de la nation. De plus, en 1907, les Empires russe et britannique partagèrent l’Iran en trois zones d’influence : le Nord aux Russe, le Sud aux Britanniques et une zone centrale neutre.

La révolution constitutionnelle de 1906, première révolution asiatique, devait permettre à l’Iran de retrouver sa souveraineté territoriale et politique, prélude indispensable à son développement technologique. C’était sans compter avec les colonialistes britanniques qui, en 1921, fomentèrent un coup d’état par l’intermédiaire d’un militaire nommé Reza Khan. Celui-ci fonda plus tard la dynastie des Pahlavi. On connaît la suite : En 1953, l’Iran connut un deuxième coup d’état d’inspiration américaine, qui renversa le gouvernement légitime du Dr. Mossadegh, ramenant au pouvoir Mohammad Reza Chah, le fils du fondateur de la dynastie.

Depuis les années 1970, l’Histoire a souri deux fois à l’Iran :

- La première fois après la défaite américaine au Vietnam. Affaibli, l’Empire américain n’avait pas les moyens de faire face à la montée de la vague révolutionnaire en Iran, aboutissant au renversement le régime dictatorial du Chah en 1979.

L’un des objectifs majeurs de la Révolution de 1979 était d’assurer définitivement la souveraineté du pays, en mettant un terme à l’ingérence des colonialistes occidentaux. On peut (et on le doit) être en désaccord total avec un Etat théocratique, aux pratiques médiévales, qui ne respecte pas les libertés démocratiques et les droits de l’Homme en général. C’est aux démocrates iraniens et internationaux de dénoncer les atteintes à la démocratie en Iran et non pas aux colonialistes. Mais force est de reconnaître que l’Etat souverain iranien n’a pas oublié les leçons de l’Histoire ; pour assurer la souveraineté du pays, il développe la technologie (surtout militaire) et n’hésite pas à défier les colonialistes occidentaux, cachés sous la burka de la « communauté internationale ».

- La deuxième fois, l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak a débarrassé l’Iran de ses ennemis, les talibans et Saddam Hussein. A son tour, la guerre d’Irak a affaibli et discrédité les Etats-Unis, incapables d’intervenir en Iran. Il est à souligner que l’échec américain a affaibli les régimes « amis » des Etats-Unis et renforcé les mouvements anticolonialistes, soutien régionaux de l’Iran.

Question : quelle est la nature de la tension existante entre l’Occident, d’une part et l’Iran, d’autre part ? Il serait faux de croire que la question nucléaire constitue le cœur de la tension Occident- Iran. Si l’Iran dérange c’est parce qu’il ne plie pas l’échine devant l’Occident. Son potentiel nucléaire ou militaire dérange, car il devient encore plus difficile d’imposer la « pax americana » à l’Iran et à toute la région. L’Iran est devenu la colonne vertébrale de la lutte anticolonialiste et antisioniste de la région et « casser l’Iran » reviendrait à décapiter l’opposition anticolonialiste du Moyen-Orient. C’est pourquoi, tout en critiquant le régime iranien, il est du devoir des démocrates du monde entier de soutenir le rôle international et anticolonialiste de l’Iran face à l’Occident.

Il faut souligner que l’Iran n’a pas besoin de fabriquer la bombe atomique. Les pays détenteurs de la bombe (Etats-Unis, Pakistan, Russie…) ne peuvent pas l’utiliser pour sortir de l’impasses irakienne, afghane ou tchétchène, dans laquelle ils se trouvent. Que peut faire la puissance nucléaire russe pour dissuader les Etats-Unis d’installer ses missiles antimissiles en Pologne ? Par contre, le seuil nucléaire (dissuasion sans la bombe) permettra à l’Iran de dissuader les colonialistes de s’aventurer en Iran.

Face à l’affaiblissement des Etats-Unis et à l’intransigeance de l’Iran, tout porte à croire qu’en matière nucléaire et suite à des marchandages en coulisse, la « communauté internationale » aurait accepté les conditions de l’Iran. Pour le président iranien : « la question du dossier nucléaire iranien est close ». D’ailleurs, il est à remarquer que le dossier iranien a « glissé » du Conseil de sécurité vers l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique). L’enrichissement de l’Uranium n’est pas interdit par le traité de non prolifération.

Les menaces françaises contre l’Iran arrivent tard sur le « marché des menaces ». Même si, dans un coup de folie, les Occidentaux décidaient de bombarder l’Iran, il faudrait qu’ils en assument les conséquences : blocage du Détroit d’Ormuz, pénurie d’hydrocarbures sur le marché donc, danger de marasme économique mondial, extension du chaos à toute la région, sortie de l’Iran de l’AIEA et fabrication de la bombe. C’est cela que veulent les Occidentaux ?

Le comité de rédaction

NB : L’emploi du terme « occidental » est un raccourci, désignant les colonialistes occidentaux.