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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 50)

Aujourd’hui : Le « djihad froid »

Notre rubrique géopolitique

jeudi 13 septembre 2007

Strasbourg, le 13 septembre 2007

Sans rival sur la scène mondiale depuis l’effondrement de l’Union soviétique, les colonialistes occidentaux menés par les Etats-Unis, ont vu leur langue se délier. L’ingérence, les menaces, intimer des ordres, font désormais partie du langage courant de la diplomatie des chancelleries occidentales. Devant les ambassadeurs de France à l’Elysée le 27 août, les propos de Nicolas Sarkozy : « un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable » sonnent comme une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain. A leur tour, Bernard Kouchner et Hillary Clinton somment le premier ministre irakien de démissionner. G. Bush donne des ordres à Musharraf, bombarde Waziristan, au nord du Pakistan, et menace de bombarder les installations nucléaires iraniennes. Aucun pays n’est épargné.

Loin de se laisser intimider, les mouvements de résistance de ces pays tout comme l’Iran et la Syrie profèrent à leur tour des menaces contre l’ingérence et les menaces occidentales. Dans de telles conditions, il est parfois difficile de faire la part de la réalité et des discours.

Heureusement, il y a l’étude des rapports de force qui permet de distinguer ce qui, entre discours et réalité, correspond à l’environnement qui est le nôtre. Ainsi, en ce qui concerne la position française, avant la conférence de Celle- Saint- Cloud (Yvelines) qui a réuni les principaux partis politiques libanais, « une place particulière a été accordée à l’Iran (…) L’émissaire français s’est rendu à Téhéran à deux reprises » (Le Monde du 14/07/07).

Cette « place particulière accordée à l’Iran » par la France, montre que l’actuel président de la République continue d’honorer les accords avec l’Iran, négociés par Jacques Chirac. Donc, pour lui, pas de modification du poids et de l’influence de l’Iran dans cette partie du monde.

Comme nous l’avions indiqué dans l’un de nos communiqués, au Moyen-Orient, les rapports de force changent lentement, mais sûrement. L’une des manifestations de cette évolution est l’accord qui vient d’être signé entre l’Iran et l’AIEA (l’Agence internationale de l’énergie atomique). En effet, l’AIEA a reconnu que, concernant le plutonium, « les déclarations passées de l’Iran sont conformes aux conclusions de l’agence, et ce point est ainsi réglé » (LM du 29/08/07). Soit dit en passant, le plutonium entre dans la fabrication de la bombe atomique. Or, l’accord entre l’AIEA et l’Iran ne pouvait être signé sans l’assentiment préalable des puissances occidentales en conflit avec l’Iran.

Sans vouloir débattre de l’aspect technique du conflit en cours, la signature de cet accord, et d’autres accords sur le nucléaire, est une des conséquences de l’échec américain en Irak, son affaiblissement en Afghanistan et la montée concomitante de l’influence iranienne et des insurgés islamiques dans la région. C’est dans le contexte du rapprochement franco-américain qu’il faut situer les propos de Nicolas Sarkozy, lorsqu’il dit : « un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable ». C’est aussi sous cet aspect qu’il faut analyser le déploiement des avions de combat français à Kandahar en Afghanistan, sur une base sous commandement américain. Face aux Etats-Unis, la France a définitivement perdu son autonomie au Moyen-Orient.

Le retour français dans le giron atlantique sert à ressouder les rangs des puissances occidentales, afin de faire face aux perspectives de l’échec cuisant américain, qui laisserait un « vide », nuisible aux intérêts colonialistes. Pour G.W.Bush, l’alternative est la suivante : les « terroristes » contrôleraient une « part clé des ressources énergétiques » et pourraient « prendre en otage » l’économie mondiale (LM du 30/08/07). Effectivement, l’enjeu c’est le contrôle des richesses de la région par des peuples et nations de la région, spoliés et volés, depuis deux siècles, par les grandes puissances occidentales.

Voyant venir le fiasco américain en Irak, et afin d’associer la classe politique américaine à sa cause, G.W.Bush agite le spectre d’un « holocauste nucléaire » iranien. Ses gesticulations n’impressionnent plus personne. Selon Philippe Bolopion, journaliste, les interventions du président américain ont bénéficié d’une couverture de presse plus réduite et résolument sceptique (LM du 30/08/07). Même les ténors républicains, représentants politiques des multinationales, « ont également appelé l’administration Bush à reconsidérer sa politique » (LM du 30/08/07). Le reflux de l’influence de l’administration Bush continue bel et bien.

La résistance anti- américaine au Moyen-Orient est d’une importance historique. Même si elle est conduite par des insurgés islamiques, à cent lieux des Lumières, elle est de même nature que les révolutions française et bolchevique : accompagner le passage des sociétés féodales, soumises aux colonialistes occidentaux, à une société bourgeoise, capitaliste. Ce fait est complètement ignoré des « géopoliticiens savants » et analystes Occidentaux. Des tonnes de livres traitent des « terroristes islamistes », de leurs sources de financement, d’armement et du caractère arriéré de leur projet de société. Rien sur les conséquences de la victoire desdits insurgés sur la marche de l’Histoire au Moyen-Orient et dans le monde.

La myopie des colonialistes les pousse à jouer sur les contradictions chiites- sunnites. Les médias parlent du soutien apporté par l’Arabie saoudite aux insurgés sunnites irakiens ou libanais. Or, l’actuelle vague révolutionnaire touche indifféremment les deux communautés religieuses, qui ont deux ennemis communs : les régimes dictatoriaux et proaméricains de la région et leurs soutiens occidentaux, en particulier américain. C’est contre eux que l’aide saoudienne finira par se retourner.

En attendant, « l’état de tension internationale prolongée, due à une politique d’hostilité entre deux adversaires, qui ne va pas jusqu’au conflit armé » (définition de la « guerre froide »- Grand Larousse universel) persiste entre l’Iran, d’une part et l’Occident, d’autre part. Après des menaces proférées contre l’Iran, le président iranien réplique à son tour : « la question du dossier nucléaire iranien est close », en dénonçant N. Sarkozy de manquer d’« expérience » (LM du 30/08/07). Il s’agit d’un « djihad froid », mené par la république islamique contre ses adversaires « impies ».

Les Occidentaux et l’Iran sont complémentaires. Les uns ont besoin des autres. Pour sauver leurs intérêts, les Occidentaux sont obligés de tenir compte de la position de l’Iran et de s’entendre avec lui. Mais, seule la victoire de la résistance anticolonialiste fera comprendre aux Occidentaux qu’il est temps de changer de comportement, en respectant les cultures et la souveraineté des nations de la région martyrisée du Moyen-Orient.

Le comité de rédaction