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Le piège dans « l’offre généreuse » d’Israël, à Jéricho

par Jeff Halper

samedi 11 août 2007

Sur le papier, les titres semblent prometteurs, même excitants.

Le premier ministre Ehud Olmert a dit au Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, lors de leur réunion à Jéricho, qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour la création d’un Etat palestinien « aussi vite que possible » sur « l’équivalent de 100% des territoires conquis en 1967. »

Les Palestiniens, selon le rapport, céderaient seulement 5% de la Cisjordanie dans un échange de territoire. En d’autres termes, Israel se retirerait de 95.6 % de l’ensemble de la Cisjordanie et de Gaza — bien qu’on ne sache pas si Olmert a inclus Jérusalem-Est dans ce calcul.

Cela ressemble à une autre « offre généreuse », une offre que les Palestiniens ne pourraient pas probablement refuser. « Le but est d’accomplir la vision du Président américain, George Bush, de deux pays pour deux peuples, vivant côte à côte en sécurité et en paix » sur la base de la Feuille de Route, a déclaré Olmert, en ajoutant « nous voulons réaliser cela aussi vite que possible. »

Qu’y a-t’il de mal dans ce plan ? Eh bien, le mal, comme nous le savons tous, se trouve dans les détails.

Ce qui est en question, ce n’est pas un Etat palestinien sur l’équivalent de 100% des territoires occupés (c’est-à-dire, comme nous devrions le noter, sur seulement 22% de la Palestine historique), mais, comme le précise la Feuille de Route, c’est un Etat palestinien viable et véritablement souverain - plus, devrions-nous ajouter, la résolution de la question des réfugiés qui ne peut pas être balayée sous la table.

Et là, quel est l’éventuel « piège » ?}

Quels sont les détails de souveraineté et de viabilité auxquels nous devrions prêter attention avant d’accueillir à bras ouverts cette nouvelle offre généreuse ?

Souveraineté

La base pour des négociations, dit Olmert, « continuera à être la feuille de Route, qui semble acceptable pour les deux camps. » C’est vrai en général mais avec quelques risques majeurs.

La phase II de la Feuille de Route est le cauchemar des Palestiniens, et ils ont constamment insisté pour qu’elle soit retirée. Cette phase prévoit la création d’un Etat palestinien « transitoire » avec « des frontières temporaires ».

Si tout est calme, craignent-ils, et qu’Israël peut affirmer qu’un Etat palestinien existe et que l’occupation est terminée, qui pourrait garantir que le processus de la Feuille de Route entame la phase III, celle où les détails épineux de statut final doivent être négociés et dont un véritable Etat palestinien émergerait ?

Leurs craintes sont justifiées — et cela peut être le « piège ».

Israël considère ses « 14 réserves » comme partie intégrale de la Feuille de Route [1].

La Réserve n° 5 déclare : « L’Etat provisoire aura des frontières provisoires et certains aspects de souveraineté, il sera complètement démilitarisé, il n’aura aucune autorité pour engager des alliances de défense et de coopération militaire. Israël controlera toutes les entrées et sorties des personnes et des marchandises, tout comme son espace aérien et son spectre électromagnétique. »

Relisez cela et essayez de concilier cette réserve avec la notion de souveraineté palestinienne. Tzipi Livni a travaillé pendant des mois sur ce qu’elle appelle « L’Initiative Iisraélienne pour une Solution à Deux Etats » basée précisément sur le remplacement de la Phase I de la Feuille de Route (qui exige le gel de la construction des colonies israéliennes) par cette problématique phase II. Rice a déclaré que l’Administration Bush travaillera en direction d’un Etat palestinien provisoire, laissant « les détails » à la prochaine administration.

Un Etat n’a aucune souveraineté sans frontières. En plus du problème posé par le côté provisoire, Olmert a-t’il l’intention d’accorder aux Palestiniens une frontière autonome avec la Jordanie ?

Si Israël insiste pour contrôler les frontières, ou si le Jourdain fait partie des 5% que les Palestiniens doivent céder, il n’y aura pas d’Etat palestinien même s’ils obtiennent l’ensemble du territoire

Viabilité

Israël peut, en effet, rendre 95% de la Cisjordanie mais continuer à garder un contrôle total sur un Bantustan palestinien sans économie viable.

S’il insiste pour contrôler les frontières, en refusant aux Palestiniens la libre circulation des marchandises et des personnes, l’Etat palestinien n’est pas viable.

Si les 5% que les Palestiniens doivent céder incluent un couloir à travers la Cisjordanie, ou si Israël insiste pour garder la colonie de Maaleh Adumim avec son couloir « E-1 » en direction de Jérusalem, détruisant ainsi la continuité territoriale d’un Etat palestinien, celui ci n’est pas viable.

S’il inclut un contrôle israélien sur toutes les toutes ressources en eau, il n’est pas viable

Si Jérusalem n’est pas entièrement intégré politiquement, géographiquement et économiquement dans l’Etat palestinien — et je parie que le coeur de Jérusalem-Est se retrouvera en dehors des 95% — alors il n’y aura pas d’Etat palestinien viable.

Selon la Banque Mondiale, Jérusalem représente jusqu’à 40% de l’économie palestinienne en raison du tourisme, leur plus importante industrie potentielle.

La différence entre un Etat palestinien véritablement souverain et viable et un Bantustan tient dans quelques points de pourcentage de territoire stratégique. Israël a établi sa domination sur les territoires dans des « faits sur le terrain », une matrice complexe de contrôle.

C’est seulement en prêtant une attention particulière aux détails que nous pourrons empêcher Olmert et Rice, soutenus par Bush et Blair, de concocter un régime d’Apartheid permanent sous couvert d’une solution à deux Etats.

Il serait extrêmement utile que l’Autorité Palestinienne soulève publiquement ses inquiétudes sur les questions de la souveraineté et de la viabilité au lieu de donner champ libre à Olmert dans lequel il peut présenter ses initiatives et faire ses effets de relations publiques qui ne font que mettre les Palestiniens sur la défensive.

L’absence d’une voix palestinienne forte et officielle n’est pas seulement incompréhensible, mais elle réduit la capacité de nous tous, les non-Palestiniens de préconiser efficacement une paix juste. Israël mise sur le refus des Palestiniens de ce qu’il présente, en effet, comme des offres très généreuses.

Les Palestiniens rejettent ces projets pour de bonnes et solides raisons mais ils ne les expriment jamais, laissant au public l’impression qu’Israël n’a vraiment pas « de partenaire pour la paix ». Cela doit changer, et de toute urgence.

Serait-il trop demander, en même temps, que l’Autorité palestinienne s’engage d’elle-même dans un projet proactif, mettant ainsi Israël sur la défensive ?

En attendant, nous, défenseurs israéliens d’une paix juste, ainsi que nos différents partenaires des sociétés civiles palestiniennes et internationales, continuerons à observer avec attention ce diable qui se cache dans les détails.

http://www.counterpunch.org/halper08082007.html

publié en français par ISM

Traduction : MG pour ISM (+ CL)

Jeff Halper est le Coordinateur du Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons (ICAHD).

note : CL, Afps


[1] Israël a émis 14 réserves à la feuille de route originelle, dès sa formulation, la vidant de sa substance