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L’Autorité Palestinienne Abbas-Fayad : un coup d’Etat pour la stratégie néoconservatrice ?

par Michel Warchawski

mercredi 25 juillet 2007

La stratégie néoconservatrice qui a pour objectif d’imposer l’hégémonie US sur l’ensemble du monde s’étend sur plusieurs phases. La première est de tenter et d’imposer un gouvernement dévoué aux intérêts de Washington, à travers une combinaison de pressions économiques, diplomatiques et militaires. Ces guerres et campagnes sont conduites sous la bannière de la « démocratisation » mais, rapidement, ces prétentions démocratiques sont remplacées par de purs coups d’Etats qui n’essaient pas de cacher leur unique objectif : imposer un gouvernement fidèle aux Etats-Unis d’Amérique.

Dans la plupart des cas, cette phase se termine par un échec flagrant, et les USA passent à la seconde : déstabilisation sauvage, politique de chaos et même démantèlement de l’Etat, comme nous le voyons en Afghanistan et en Iraq, et d’une manière moins radicale, également au Liban, après le fiasco de l’attaque israélienne il y a exactement un an.

En raison d’un rapport des forces favorable à Washington, le mouvement national palestinien est à l’évidence le laboratoire de cette stratégie USA/Israël, et il est par conséquent nécessaire d’analyser la chronologie de l’offensive néoconservatrice dans cette arène.

Cette offensive était déjà planifiée vers la fin des années 1980 par un groupe de réflexion comprenant un nombre relativement restreint de néocons israéliens et US qui opéraient en totale symbiose, sous la direction de Benjamin Netanyahu et de ses proches conseillers américains. L’objectif de cette stratégie était de reprendre les réalisations (limitées) du mouvement national palestinien, tant au niveau de la reconnaissance que de l’autonomie politique. La stratégie de « reconquête » a été lancée quand le processus de décolonisation - dans les territoires occupés palestiniens - semblait être à son maximum. Cependant, en réalité, le processus d’Oslo qui incarnait cette très partielle décolonisation a été mis en œuvre au même moment où le monde passait de la longue vague de décolonisation (1945-1990) à une autre période de re-colonisation. Le processus d’Oslo était le tout dernier moment de l’ère de décolonisation, mais sa faiblesse structurelle et son échec rapide montrent bien qu’il était déjà trop tard : la « reconquête globale » était déjà sur les rails.

Après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, Netanyahu (Premier ministre israélien de 1996 à 1998) a lancé une campagne internationale pour délégitimer le mouvement national palestinien et son dirigeant, Yasser Arafat, (la « campagne du terrorisme »), puis Ehud Barak (Premier ministre en 1999 et 2000) a saboté le processus politique négocié puis engagé la reconquête militaire, laquelle sera menée à son terme de la plus violente et sanglante façon par Ariel Sharon (Premier ministre de 2000 à 2004).

C’est seulement après avoir réussi dans la destruction du mouvement national palestinien et de ses institutions dans les territoires occupés palestiniens que la direction israélienne a essayé d’imposer une direction palestinienne qui serait dévouée à ses intérêts et à ses plans, avec Mahmud Abbas (Abu Mazen) à sa tête. Les liens historiques forts d’Abu Mazen avec le mouvement national palestinien (il a été l’un des fondateurs du Fatah) et sa personnalité faible faisaient qu’il était peu sûr comme réel collaborateur, malgré sa tendance à faire d’énormes compromis (qui souvent ont frisé la pure collaboration). De fait, au début il a refusé de suivre les conseils (les ordres) israélo-américains pour provoquer une guerre civile, et il a essayé de trouver un compromis entre affaiblir la capacité de résistance des Palestiniens et maintenir l’intégrité de la société palestinienne et du mouvement national.

En raison des hésitations d’Abu Mazen, Washington a décidé alors de passer à la phase 2, et de jouer la carte du coup d’Etat par le biais de son homme de main à la direction palestinienne, l’ancien chef de la Sécurité préventive à Gaza, Mohammad Dahlan. La tentative de coup d’Etat par Dahlan a été, cependant, un total fiasco : en moins de 6 jours, il a été défait par les milices du Hamas, qui étaient soutenues par la grande majorité de la population de la bande de Gaza. Dahlan et ses bandes ont été obligés de fuir de la bande de Gaza qui s’est trouvée immédiatement punie par un état de siège renforcé, qui menace ainsi toute une population de famine.

L’échec de Dahlan a contraint Washington à faire plus de pressions sur Abbas, lequel a maintenant acquiescé pour collaborer aux représailles contre les habitants de Gaza et à la répression contre les militants et les institutions du Hamas en Cisjordanie. Mahmoud Abbas est en train de perdre ce qui lui restait de légitimité, en acceptant d’instaurer un gouvernement d’urgence contre le gouvernement d’union nationale démocratiquement élu par le parlement palestinien, en acceptant les armes et l’argent de Washington pour combattre le mouvement politique le plus important à Gaza comme en Cisjordanie, en jouant le jeu des Israéliens d’une libération sélective des prisonniers politiques, mais par-dessus tout, en coopérant avec le plan de séparation entre un « Hamastan » à Gaza et un « Fatahstan » présumé en Cisjordanie.

Il pourrait y laisser sa vie aussi : la population palestinienne garde un sentiment patriotique fort et n’aime certainement pas les collaborateurs. Actuellement, Abu Mazen est perçu par beaucoup comme tel.

Michel Warschawski est journaliste et écrivain. Fondateur du Centre d’information alternative (AIC) en Israël, il est l’un des représentants du courant radical antisioniste en Israël. Parmi ses livres : « Sur la frontière » (Stock - 2002), « A tombeau ouvert - la crise de la société israélienne » (La Fabrique - 2003), « A contre chœur » (Textuel - 2003).