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Par Sonja Karkar, fondatrice et présidente de Women for Palestine à Melbourne, Australie.

Qui donc sauvera la Palestine ?

Source : The Electronic Intifada

dimanche 22 juillet 2007

Ces quinze derniers jours, rien n’a pu arrêter l’entité sioniste dans sa course. Dans les territoires occupés, les Palestiniens ont une vie tout aussi amère et aussi terrifiante que jamais...

Actuellement, le gouvernement intérimaire du Hamas et le « gouvernement d’urgence » du Fatah éclipsent dans la presse les nouvelles sur les actes criminels perpétrés par l’entité sioniste dans la Bande de Gaza et sur la Rive Occidentale. Ces deux enclaves palestiniennes sont toujours sous occupation militaire sioniste : la première boycottée et isolée par les manigances politiques et l’autre collaborant apparemment avec l’occupant ; et c’est là que se noue la tragédie.

Ces quinze derniers jours, rien n’a pu arrêter l’entité sioniste dans sa course. Dans les territoires occupés, les Palestiniens ont une vie tout aussi amère et aussi terrifiante que jamais, avec toutefois une nouvelle dimension : ils ne savent plus à qui se fier. Ils ne savent plus s’il existe toujours une Organisation de Libération de la Palestine (OLP) viable qui prendrait fait et cause pour leur lutte contre les vols implacables de terres, les pratiques d’apartheid et les infractions violentes aux droits humains perpétrés par l’entité sioniste.

L’entité sioniste se pavane sur la scène mondiale comme si elle n’avait rien à voir avec le lamentable drame palestinien. Cet ennemi juré des Palestiniens - jamais disposé à négocier une véritable paix - est à présent recherché comme partenaire de négociation. Il n’a toutefois jamais accepté de négocier avec quelque dirigeant palestinien que ce soit sur un pied d’égalité et qui est plus est, n’a jamais cédé un pouce. Son désengagement tant vanté de Gaza n’a pas donné la liberté aux Palestiniens ; bien au contraire, ceux-ci se sont trouvés pris dans un étau extérieur. Sur la Rive Occidentale, l’entité sioniste a continué à étendre ses colonies sans relâche.

Les négociations n’ont jamais rapporté aux Palestiniens que la confiscation de leurs terres et de leurs droits de propriété et l’instauration de nouvelles restrictions à leur liberté. S’ils oubliaient cela dans le climat actuel ce serait vraiment le terme du statut final pour lequel tant d’eux ont donné leur vie et tant d’autres ont attendu une juste solution pendant des dizaines d’années. Si une telle parodie de justice devait se produire, les perspectives de paix seraient à jamais hors d’atteinte.

Ce serait bien d’imaginer que l’entité sioniste est simplement lassé d’occuper quatre millions de personnes depuis 40 ans. Néanmoins, l’économie sioniste est en plein boom et il y a une raison effrayante pour la croissance rapide de ce que l’entité sioniste appelle le secteur de la sécurité intérieure. Dans le journal The Guardian du 16 juin 2007, Naomi Klein dit que « l’entité sioniste a appris à faire de la guerre permanente une marque de fabrique, et prétend par ses expulsions, son occupation et l’enfermement du peuple palestinien, avoir pris une longueur d’avance d’un demi-siècle sur la « guerre globale contre le terrorisme ».
« Comment concilier cela avec les nouveaux développements politiques de nature à alléger les restrictions israéliennes sur la Rive Occidentale et à ouvrir la voie vers un Etat palestinien, personne ne le sait ». Pour l’entité sioniste, le chaos dans les territoires occupés a été extrêmement lucratif : il a pu ainsi expérimenter des méthodes toujours plus rigoureuses pour maîtriser la population au moyen de systèmes de surveillance high tech. La majorité des sioniste ne sont pas du tout émus par l’humanité qui frétille sous la redoutable gangue de « sécurité », du moment que la menace démographique est jugulée, voire éliminée.

Revenons une semaine en arrière au moment où le Premier ministre de l’entité sioniste, Olmert, et le Président palestinien, Abbas, ont rencontré d’autres dirigeants à Sharm el Sheikh afin d’examiner la marche à suivre pour les Palestiniens. Ils sont arrivés à l’habituelle condition : toutes « concessions » faites par l’entité sioniste dépendraient des progrès réalisés par Abbas pour mettre fin à la violence. Ce faisant, ils ignorent complètement le caractère violent de l’occupation sioniste et exigent en fait que les Palestiniens se soumettent à cette occupation avant d’obtenir quelque concession que ce soit de l’entité sioniste.

Un coup d’œil rapide aux réalités sur le terrain dans les territoires occupés montre exactement pourquoi Abbas éprouverait les mêmes difficultés à réussir que son prédécesseur Arafat. Au moment précis où ces dirigeants parlaient et souriaient pour les caméras de la presse mondiale, les tanks israéliens avançaient dans la Bande de Gaza, soutenus par des hélicoptères Apache et des avions de combat F-16, tandis que quelque 80 jeeps militaires sionistes pénétraient dans la ville de Naplouse sur la Rive Occidentale. A Gaza, 14 Palestiniens étaient tués et beaucoup d’autres blessés ; à Naplouse, quelque 30 Palestiniens étaient arrêtés après que des soldats sionistes avaient commencé à tirer au hasard et à faire sauter les portes des maisons pendant leurs perquisitions à la recherche de militants.

Apparemment, cette violence sioniste n’a pas besoin d’être contenue, violence que les Palestiniens vivent au quotidien. Les arrestations sont constantes et nombreuses. Les prisons sionistes débordent des plus de 11.000 détenus qu’elles contiennent, dont des femmes et des enfants. Les Palestiniens peuvent être détenus pendant 18 jours sans inculpation et sans pouvoir avertir leurs proches ; ils n’ont pas droit à un procès équitable et beaucoup sont torturés.

La libération des 250 prisonniers du Fatah offerte par Olmert en guise de geste de bonne volonté au « gouvernement d’urgence » d’Abbas prend des allures de parodie. Abbas risque de se trouver dans la même position qu’Arafat quand celui-ci s’est vu confier la responsabilité du maintien de l’ordre chez son propre peuple après Oslo. La force de police d’Arafat a alors été constamment en butte à des arrestations et des attaques de la part de l’armée d’occupation. L’entité sioniste s’efforçait délibérément et manifestement de démanteler l’administration Arafat. Emasculé, Arafat a été incapable d’empêcher que la résistance palestinienne prenne les armes contre l’occupation, et l’entité sioniste a pris les choses en mains en punissant les Palestiniens.

La semaine dernière, l’entité sioniste ne s’est même pas embarrassé d’attendre qu’Abbas stabilise la situation sur la Rive Occidentale. Son armée a décidé de mettre de « l’ordre » arbitrairement en faisant des descentes chez les gens et en arrêtant ceux qu’elle soupçonnait de résistance armée. Aussi longtemps que les Palestiniens vivront sous une occupation aussi belligérante, Abbas, ou n’importe qui d’autre, aura du mal à organiser une bonne gouvernance car toutes ses tentatives seront immanquablement sapées par l’entité sioniste.

S’il faut à Abbas un rappel plus récent de l’impossibilité de normaliser la gouvernance de son peuple dans les conditions imposées par l’entité sioniste, il ne doit pas aller plus loin que le cessez-le-feu qu’il avait annoncé avec l’ancien premier ministre israélien Sharon en 2005 pour relancer les négociations de la « Feuille de route » du Président américain Bush et pour l’établissement d’un Etat palestinien. Abbas était tenu de mettre fin à la violence et de supprimer toute résistance armée à Israël ; Sharon avait accepté de terminer les « opérations ». Eh bien, l’entité sioniste n’arrêta même pas ses attaques et continua à s’emparer de terres palestiniennes.

Cette semaine-là, le gouvernement sioniste annonça la construction de 400 logements dans la nouvelle colonie juive illégale, proche de la tombe de Rachel à Bethlehem, juste après que la Cour suprême sioniste eut décidé de permettre la poursuite de la construction du mur d’apartheid, contre l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ). Des semaines plus tard, l’entité sioniste annonça la construction de 3500 nouveaux logements dans la plus grande colonie illégale- celle de Ma’ale Adumim - coupant ainsi Jérusalem de la Rive Occidentale. Pour compléter le tableau : chacun de ces logements et chaque adjonction au mur empiètent sur des terres palestiniennes et accroissent le nombre des sans-abri palestiniens. Les Palestiniens doivent assister à la destruction de leurs maisons, de leurs récoltes, au déracinement de leurs arbres ; ils doivent voir leur terre rasée et tout cela sans jamais recevoir un sou de dédommagement.

Curieusement, le Hamas avait en fait accepté un cessez-le-feu (ou hudna) qu’il a tenu pendant 18 mois tandis que d’autres groupes de militants le respectaient également, mais cela n’a rien changé : l’entité sioniste a refusé de conclure un cessez-le-feu avec le Hamas et a continué à assassiner ses dirigeants alors que le Hamas s’en tenait résolument au cessez-le-feu. C’est le Hamas qui tendait le rameau d’olivier et l’entité sioniste qui le rejetait. Vu ces antécédents, aucun parti palestinien ne peut faire confiance aux promesses et aux ouvertures actuelles de l’entité sioniste. Celui-ci a constamment donné la preuve de son complet dédain pour des négociations de paix avec les Palestiniens.

Le danger qu’il y a à coopérer avec Israël alors qu’il continue à violer le droit international et à ignorer les avis consultatifs de la Cour internationale de justice (CIJ) est que ce faisant, l’on « normalise » en fait les efforts colonialistes de ce pays et que l’on compromet les négociations relatives à tout statut final. L’ONU et les Etats-Unis ont dit à plusieurs reprises à l’entité sioniste d’arrêter l’installation de colons, mais il n’en n’a eu cure et n’a pas été mis en demeure de donner suite à ces injonctions. Qui plus est, l’entité sioniste n’est pas admonesté ni prié de rendre des comptes.

Les tentatives de l’ONU visant à traiter le mur comme une question humanitaire plutôt que politique allègent aussi la pression sur Israël. On ne parle guère de démanteler le mur comme le conseillait la CIJ ; on discute amplement de son tracé sans se rendre compte que le mur devient ainsi « normalisé ». Dans tous les discours officiels on a évité d’insister sur le fait que le mur viole le droit international : il est devenu opportun d’ignorer la règle du droit, spécialement chez ceux qui devraient en assurer le respect. Sans garde-fous instaurés et respectés par tous, l’entité sioniste fera toujours ce qu’il voudra et il est évident, à en juger par l’immobilisme dont l’entité sioniste a fait preuve par le passé, qu’il ne suffira pas d’attendre qu’il coopère.

La situation est à présent tellement catastrophique que les Palestiniens et leurs partisans sont en train de trouver d’autres moyens pour obliger l’entité sioniste à obtempérer. Il y a déjà un mouvement croissant en faveur de boycotts et de sanctions à l’échelle mondiale malgré de virulentes campagnes d’intimidation à l’égard de ceux qui sont prêts à de telles actions non violentes. Cette forme de résistance est très forte : c’est véritablement la seule façon efficace de mettre fin au boom économique de l’entité sioniste surtout au plan de la sécurité intérieure qui se répercute si fortement sur les Palestiniens vivant sous occupation. Il ne s’agit pas du tout de minimiser la courageuse résistance non violente contre le mur d’apartheid et d’autre violations perpétrées par Israël dans les communautés touchées dans toute la Rive Occidentale.

L’expérience pratique des Palestiniens - qui subissent les effets insidieux du mur sur leurs vies personnelles et leur société - les a mobilisés comme ni l’Autorité palestinienne, ni l’OLP n’ont pu le faire. Les Palestiniens refusent pas simplement le tracé du mur mais toute « normalisation » de sa présence. (L’opinion de la CIJ et claire à ce sujet : le mur doit être démantelé). Avec leurs protestations non violentes, mais déterminées, ils contestent sa légitimité lors de manifestations qui sont à peine mentionnées dans les médias occidentaux quand elles ne sont pas passées sous silence. En réponse, l’entité sioniste utilise des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc, des passages à tabac et opère des arrestations. Voilà qui devrait faire la une des journaux et non pas la question de savoir si Abbas ou le Hamas sont les partenaires adéquats pour la « paix ».

Les désaccords qui ont causé tant d’amertume au plan intérieur menacent le cadre de la libération nationale. Il n’est pas utile pour Abbas d’exiger que le mouvement Hamas soit isolé, d’autant plus que le Hamas demande le retour au gouvernement d’unité. Le fait qu’Abbas profite de l’ingérence de l’entité sioniste dans les affaires palestiniennes ne le sert pas. Les interrogateurs du Shin Bet ont proposé de libérer des membres du parlement palestinien et des officiels gouvernementaux appartenant principalement au Hamas uniquement s’ils démissionnaient de leur poste. Ceux-ci ont refusé. Selon la Loi fondamentale palestinienne, c’est le Conseil législatif qui doit approuver tout nouveau Cabinet ou premier Ministre (article 78) et comme la plupart des membres du parlement sont dans les prisons israéliennes, il n’est pas possible d’obtenir un quorum pour « légitimer » le gouvernement d’urgence d’Abbas.

Il vaudrait bien mieux qu’Abbas incite tant le Fatah que le Hamas à se rapprocher, affichant ainsi leur solidarité et donnant au peuple le sentiment qu’ils résistent aux exigences arrogantes de l’entité sioniste . Risquer la désintégration du programme national palestinien pour quelques miettes ne satisfera jamais les Palestiniens : il n’y a certes pas de raison de croire que la coopération avec l’entité sioniste rapprochera en quoi que soit la négociation du statut final. Olmert a déjà retiré son offre de « paix » à Abbas qui prévoyait le retrait de certains barrages routiers sur la Rive Occidentale.
Quiconque assume la responsabilité d’un gouvernement doit encourager l’unité et reconnaître le potentiel humain de chaque Palestinien indépendamment de son affiliation religieuse ou politique. Le premier sauveur de la Palestine est son peuple lui-même. Si les Palestiniens sont incroyablement résilients c’est du fait de leur loyauté familiale et communautaire, d’une histoire millénaire, de leur attachement profond à la terre et de leur aptitude à supporter leurs difficultés. Le véritable leadership doit faire fond sur cette loyauté et ne pas la diviser. Cela signifie qu’il faut travailler avec la population dans une campagne de désobéissance civile non violente contre les abus inhumains de l’entité sioniste . Inutile de s’enfoncer dans des séries de négociations inextricables qui n’ont jamais concrétisé la moindre promesse pour le peuple palestinien et qui ont amené Israël à se retrancher dans son occupation et à resserrer son contrôle.

La désobéissance civile non violente en Palestine permettra aux Palestiniens de la Diaspora et à leurs partisans d’accroître leurs protestations encore plus efficacement et d’en inspirer d’autres à s’impliquer. Nous avons déjà vu combien les gens ont été horrifiés de la brutalité israélienne pendant sa guerre du Liban. Répétés un peu trop souvent les slogans : « guerre à la terreur », « victime », « sécurité de l’entité sioniste » et « droit de l’entité sioniste à l’existence » commencent à se retourner contre ceux qui propagent la « vulnérabilité » d’Israël ; on se demande quel est le revers de la médaille. Dans beaucoup d’endroits et par le biais de différents médias, les gens commencent à écouter l’histoire des Palestiniens, d’autant plus qu’ils doutent de plus en plus de l’honnêteté et des motifs de leurs dirigeants.

Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver ce qui peut sauver la Palestine. Il y a des Palestiniens à Beit Hanina, Beit Surik, Biddu, Dahya, Ram, Saffa, Beil’in, Hébron, Budrus... - la liste n’est pas exhaustive - qui protestent non violemment et de façon créative contre le mur, contre les vols de terre et les destructions perpétrés par l’entité sioniste, les déracinements d’arbres et les démolitions de maisons. Ces mouvements populaires devraient en inspirer d’autres à tous les niveaux de la société jusqu’à ce que les responsables au gouvernement n’aient d’autre choix que de les écouter et de changer de conduite. Le plus petit groupe engagé peut avoir un effet profond sur d’autres et c’est ce qui se passe dans le monde entier. Des églises ont commencé à désinvestir en zone sioniste ; des syndicats et des universités ont entrepris des boycotts ; des médecins, des membres de parlements, des écrivains et des acteurs ont signé des pétitions ; des ambassadeurs à la retraite, des hommes d’Etat et même un ancien président des Etats-Unis s’expriment . Il y a aussi des Israéliens qui refusent d’accepter les politiques et les pratiques de leur gouvernement et qui disent « pas en notre nom ».

Le mouvement est plus qu’un frémissement. Le réveil n’est pas toujours immédiat, mais il a finalement un « effet de papillon », c’est-à-dire que le battement des ailes du papillon se répercutera sur des événements qui semblent incroyablement éloignés dans le temps et dans l’espace. C’est déjà le cas. Nous pouvons le sentir ici, dans l’Australie lointaine. On ne peut qu’espérer que ceci aidera les Palestiniens qui luttent pour leur libération. Si les dirigeants ne peuvent pas le faire, alors le peuple lui-même et tous ceux, dans le monde entier, qui croient dans la justice et la paix peuvent trouver le moyen de sauver la Palestine, et avant longtemps.

Sonja Karkar est la fondatrice et la présidente de Women for Palestine à Melbourne, Australie.

11 juillet 2007 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : amg