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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N°44)

Aujourd’hui : La myopie des colonialistes

Notre rubrique géopolitique

dimanche 22 juillet 2007

Strasbourg, le 22 juillet 2007

En composant avec l’occupant, Mahmoud Abbas a perdu toute légitimité à représenter les aspirations du peuple palestinien.

La conquête relativement facile de l’Afghanistan et de l’Irak, deux pays stratégiques, devait jeter, pour mille ans, les bases de la « Pax americana » dans la région. A peine cinq ans plus tard, l’incendie afghan déborde les frontières et se propage au Pakistan, où, pour asseoir son autorité, le général- président Pervez Musharraf, se détournant de l’opposition laïque, signait le 5 septembre 2006 un « accord de paix » avec ses islamistes.

Il n’en fallait pas plus pour que les talibans afghans et pakistanais se renforcent, étendant leurs tentacules de part et d’autre de la frontière. Il en a fallu des dizaines de militaires occidentaux, tués dans des attentats en Afghanistan, puis du retour des talibans, pour que l’administration Bush impose un changement de stratégie à Pervez Musharraf. L’écrasement de la révolte de la « mosquée Rouge » marque le virage pris par le gouvernement pakistanais, qui se tourne en même temps vers son ex-ennemi, le Parti du peuple pakistanais (PPP), l’opposition laïque conduite par Benazir Bhutto.

Il est à souligner que la politique de complaisance vis à vis des islamistes, avait eu l’assentiment de l’administration Bush qui « comprenait » les contraintes stratégiques du gouvernement pakistanais. Suite à l’échec patent de ladite politique, voici la nouvelle position de l’équipe Bush envers Pervez Musharraf : « Nous le pressons d’aller plus loin et nous apportons notre plein soutien à ce qu’il envisage » (Stephen Hadley, conseiller à la sécurité nationale de Bush- Le Monde du 17/07/07). Une remarque : Qui dirige la politique pakistanaise : Bush ou Musharraf ?

La nouvelle politique devrait sauver du naufrage le gouvernement Musharraf, éviter la « talibanisation » du Pakistan et maintenir ce dernier sous la férule des Etats-Unis. Pourquoi la nouvelle politique sera-t-elle plus favorable au couple Bush- Musharraf que la première ? N’est-il pas déjà trop tard ?

La situation n’est guère meilleure en Irak où Hayden, le chef de la CIA, estime l’instabilité irréversible (Le Monde du 14/07/07).

Empêtrés dans une « guerre asymétrique » à l’échelle régionale, les Etats-Unis ne contrôlent plus à cent pour cent la situation : ils ne contrôlent plus rien en Irak. Les talibans étendent leur emprise au Sud de l’Afghanistan. Les talibans pakistanais défient Musharraf en dehors du Waziristan, le Hezbollah est maître du Sud- Liban comme le Hamas dans la bande de Gaza.

La situation est-elle contrôlable en Cisjordanie ? Actuellement, c’est la lune de miel entre l’équipe de Mahmoud Abbas et l’occupant israélien. « Bush a annoncé une aide de 80 millions de dollars en versement direct » (Le Monde du 18/07/07). C’est encore la myopie qui prévaut en Palestine. Car on connaît généralement la destination de cette somme « en versement direct » : elle servira à « engraisser » l’entourage de Mahmoud Abbas, à alimenter leurs comptes à l’étranger, à les équiper en voitures haut de gamme et en villas. De son côté, Mahmoud Abbas a promis de désarmer des membres des « Brigades des martyres d’Al-Aqsa », proches du Fatah (Le Monde du 17/07/07). Le comble, alors que 39 des 74 élus du Hamas croupissent dans les prisons israéliennes, le Parlement palestinien, dominé par le Hamas, sera remplacé par un « Conseil central de l’OLP », aux ordres de M. Abbas, donc des Israéliens.

Force est de constater que Mahmoud Abbas a cessé de se battre contre l’occupant et, pire, il collabore avec lui, en désarmant une partie de ses combattants ; actions « récompensées », par les Etats-Unis au moyen d’une « prime » dérisoire.

Le fossé ne cesse de se creuser entre l’Autorité palestinienne, devenue un élément supplétif de l’occupant, et le peuple palestinien qui continue de souffrir. Le journal YEDIOT AHARONOT, tirant la sonnette d’alarme à Jérusalem- Est, écrit : « Pensons à l’absence criante d’infrastructures publiques, à l’interdiction de toute planification urbaine, au manque de routes, de trottoirs, de terrains de jeux, de permanences sanitaires, sans parler du taux de chômage et des restrictions imposées à la libre circulation des Arabes de Jérusalem » (Courrier international du 12 au 18/07/07). Rappelons qu’aux législatives de janvier 2006 à Jérusalem- Est, le Hamas a obtenu 42%des voix contre 36% pour le Fatah.

Souvenons-nous de l’intervention américaine en Iran de 1953 : elle nous fournit un exemple éclatant de la myopie des colonialistes en politique étrangère. En écrasant le mouvement nationaliste et laïc du Dr. Mossadegh, les Etats-Unis n’ont-ils pas favorisé l’émergence, en 1979, des islamistes iraniens menés par Khomeiny ? En 2007, en neutralisant puis en discréditant le Fatah de Mahmoud Abbas, les américano- israéliens déroulent un tapis rouge devant les fondamentalistes du Hamas en Palestine.

Autre manifestation de la myopie colonialiste : pour sortir de l’impasse, les Américains proposent de réunir les protagonistes « reconnaissant le droit d’Israël à exister » (Le Monde du 18/07/07). Là encore, il y aura un nombre très restreint de pays ou d’organisations, du reste peu influents, qui pourront participer à la « réunion » (qui n’est pas une « conférence ») sur la Palestine. Voici ce qu’en pensent les pays arabes « amis » : ils doutent qu’Israël soit capable de faire des propositions sérieuses sur la question des réfugiés, sur le choix de Jérusalem- Est comme capitale de l’Etat palestinien, ou sur le retour aux frontières de 1967 (Le Monde du 18/07/07).

La même myopie s’observe au Liban. Vu le discrédit américain, c’est à l’initiative française que le dialogue a repris entre les différentes composantes de la société. Là encore, la majorité et ses soutiens franco- américains demandent à l’opposition de faire des concessions. Sauf à reconnaître le vrai poids de l’opposition, les conférences pour résoudre la crise libanaise, seront vouées à l’échec.

Une fois de plus, les guerres d’Irak, d’Afghanistan, du Liban et le conflit palestinien ont montré que - malgré leurs cohortes d’historiens et de géopoliticiens, formés dans les meilleures universités- les colonialistes ne voient guère plus loin que le bout de leur nez. Ce qui les intéresse, c’est le très court terme, en attendant le changement des rapports de force par la voie militaire, que ce soit en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Palestine, au Liban ou ailleurs

Le comité de rédaction