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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 43)

Aujourd’hui : En Orient : la révolte des mosquées

Notre rubrique géopolitique

lundi 16 juillet 2007

Strasbourg, le 16 juillet 2007

Quoi que fassent les Etats-Unis, la situation se retourne contre eux

Après l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques, les Etats-Unis, soutenus par leurs alliés pakistanais et saoudiens, ont mis en place une stratégie visant à les en déloger et à prendre leur place.

Pour former des combattants fanatisés et djihadistes anti-communistes, des écoles coraniques, financées par des wahhabites saoudiens, se sont multipliées au Pakistan. Les Américains et leurs alliés n’étaient sûrement pas conscients que l’humanité venait de changer d’époque et que les pays arabo-musulmans entraient de plein pied dans une nouvelle phase de la « révolution bourgeoise démocratique » (voir le communiqué 33).

Contrairement aux précédentes révolutions, française et bolchevique anti-cléricales, cette nouvelle phase de la révolution est conduite par le clergé musulman, chiite et sunnite, ayant l’islam pour idéologie. Phénomène social, il puise ses références dans les « sciences » de l’antiquité, inspirées par Aristote : le monde constitué de quatre éléments (la terre, le feu, l’eau et le vent), créé en sept jours, par un dieu qui créa d’abord l’homme, puis la femme, tels quels depuis leur création, sans aucune évolution.

Cette idéologie, prodiguée aux croyants et acceptée par ces derniers, est battue en brèche par les sciences modernes (le darwinisme, la biologie, la géologie, l’anthropologie, la physique, l’astronomie, etc.). Peu leur importe. Cette idéologie, foncièrement médiévale, est portée par une classe sociale qui conduit une politique anticolonialiste, en phase toutefois avec l’Histoire. Elle est accessible aux masses peu cultivées et leur permet d’accéder au « Paradis » (la justice sociale, la richesse, le progrès et la prospérité) en cas de victoire sur le colonialisme et ses suppôts locaux !

Commencé en 1979 avec la victoire de la révolution islamique en Iran, ce nouveau type de « révolution bourgeoise démocratique », utilise la mosquée, lieu de rassemblement des croyants, comme un lieu de contestation et de mobilisation des fidèles ; certains d’entre eux s’y engageant dans la voie du « djihad » anticolonialiste. Par ailleurs, vu l’incompétence de gouvernements corrompus, la mosquée est devenue un lieu de redistribution de la richesse nationale : les pauvres y trouvent nourriture, habits, soins et réconfort. La république islamique d’Iran a posé ses fondations dans les mosquées. Le FIS d’Algérie des années 1980, les frères musulmans, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais se sont développés en investissant les mosquées.

Formés dans les écoles coraniques, les Talibans ont participé activement à la lutte anticolonialiste. Avec les autres tendances de la résistance anticolonialiste, ils ont réussi à chasser les Soviétiques et, dans un deuxième temps, à prendre le pouvoir en Afghanistan.

Du point de vue des services de renseignements pakistanais (ISI), l’Afghanistan des Talibans devait servir de « profondeur stratégique » au Pakistan, puissance nucléaire, aux velléités de puissance régionale. L’Afghanistan ne s’est pas transformé en « profondeur stratégique » du Pakistan. C’est le contraire qui s’est produit. En effet, étroitement liées à la talibanisation des Afghans des camps de réfugiés, les Pachtounes de la zone frontalière et une fraction des services de renseignements ont suivi la talibanisation, encourageant la société et le gouvernement à instaurer la charia au Pakistan.

Par la suite, les Talibans, se détournant de leurs mentors américains et pakistanais, ont été chassés du pouvoir par l’intervention américaine. Mais, face à l’incurie du gouvernement mis en place par l’occupant américain, les Talibans sont de retour et étendent leur contrôle sur l’Afghanistan. L’avenir s’assombrit pour les colonialistes occidentaux.

Maintenant, c’est le Pakistan qui sert de « profondeur stratégique » aux Talibans qui, avec le soutien de leurs congénères pakistanais, y ont installé des camps d’entraînement et, avec l’aide d’une fraction des services de renseignement, s’y approvisionnent en armes, en munition et en soldats. Parallèlement, sous l’effet du développement des sentiments anti-américains au Moyen-Orient, la résistance au régime proaméricain de Pervez Musharraf se développe au Pakistan. Les islamistes, anti-occidentaux, semblent représenter le gros des bataillons des mécontents, n’hésitant pas à organiser des attentats contre le président pakistanais. L’affaire de la « mosquée Rouge », qui agite en ce moment le Pakistan, s’inscrit dans la talibanisation rampante du Pakistan. C’est la première fois qu’en plein cœur d’Islamabad, les fondamentalistes lancent un défi armé au régime de Pervez Musharraf.

L’écrasement des révoltés de la « mosquée Rouge » marque le souhait des Américano-pakistanais de reprendre la situation en main : leur objectif serait, primo, l’assèchement des ressources des Talibans afghans et, secundo, l’affaiblissement des islamistes pakistanais qui représentent un sérieux danger pour le pouvoir pakistanais et son allié américain.

Force est de constater que, quoi que fassent les Etats-Unis, la situation se retourne contre eux. Actuellement, une zone de tension intense, voire révolutionnaire, s’étend de la frontière chinoise jusqu’aux confins de l’Afrique de l’Ouest. L’« état d’alerte » a été déclaré au Maroc le 6 juillet (Le Monde du 10/07/07). Aux Etats-Unis même, la tension entre le Congrès et l’administration Bush s’exacerbe. « Le Congrès accentue sa pression sur Georges Bush pour un retrait d’Irak » (Le Monde du 11/07/07). C’est le chaos à Bagdad et à Washington.

Les forces pakistanaises peuvent facilement reprendre le contrôle de ce qu’on a appelé la « mosquée Rouge ». Mais des centaines, voire des milliers de « mosquées Rouges » risquent d’en prendre le relais, aussi bien au Pakistan que dans le monde arabo-musulman.

Le comité de rédaction