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Opinion d’Outre-Manche

Blair, un politicien qui a échoué dans tout ce qu’il a jamais entrepris au Moyen-Orient

par Robert Fisk - News Net

mardi 3 juillet 2007

Pas la peine d’espèrer qu’un tel article soit écrit en France....


Je suppose que l’étonnement n’est pas le mot adapté. C’est le mot stupéfaction qui vient à l’esprit. Je ne pouvais tout simplement pas en croire mes oreilles lorsqu’à Beyrouth un appel téléphonique m’a appris que Lord Blair de Kut al-Amara [célèbre défaite britannique contre les forces ottomanes en 1915 - N.d.T] allait créer la « Palestine ». J’ai vérifié la date - non, ce n’était pas un 1er avril - mais je suis accablé par le fait que cet homme incapable et trompeur, ce menteur avéré, cet avocat véreux qui a le sang de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants arabes sur les mains pouvait réellement devenir « notre » délégué au Moyen-Orient.

Est-ce que ceci peut être vrai ? J’avais toujours endossé le fait que Balfour, Sykes et Picot étaient l’exemple même de l’immense prétention britannique en ce qui concerne le Moyen Orient. Mais Blair ? Que cet ex-premier ministre, cet individu qui a enfoncé son pays dans les sables d’Irak pouvait réellement imaginer avoir un rôle à jouer dans la région - lui dont l’inimaginable délégué, Lord Levy, a fait tant de voyages gardés secrets sans aucun résultat - allait maintenant se salir les mains (et, je crains, nos vies) dans la dernière guerre coloniale de la planète est tout simplement accablant.

Naturellement, il sera en en bons termes avec Mahmoud Abbas, essayera de marginaliser le Hamas, parlera sans fin au sujet des « modérés » ; et nous devrons l’écouter pontifier au sujet de la moralité, expliquant comment il est absolument et complètement confiant de faire ce qu’il faut pour apporter la paix au Moyen-Orient (rappelons que c’est le même homme qui a repoussé l’année dernière un cessez-le-feu au Liban afin de partager avec Georges Bush l’espoir ridicule d’une victoire israélienne sur le Hizbollah).

Pas une fois il n’a présenté d’excuses. Pas une fois il n’a déclaré être désolé de ce qu’il a fait en notre nom. Pourtant Lord Blair croit réellement - dans ce qui doit être un acte remarqué d’auto-indulgence pour un homme qui, concernant l’Irak, a cuisiné de fausses évidences sur « les armes de destruction massive » - qu’il peut faire le bien au Moyen-Orient.

Voici donc un homme totalement discrédité dans la région - un politicien qui a de façon remarquée échoué dans tout ce qu’il a jamais entrepris au Moyen-Orient - et à présent persuadé d’être la bonne personne pour conduire le Quartet jusqu’à la pièce montée « Palestine ».

Dans la course pour la vente aux enchères - par exemple faire accepter même moins que ce qu’Arafat avait accepté comme reste de la Palestine mandataire - on peut supposer que Blair a ses habitudes. Son mélange unique de cruauté et de malhonnêteté conviendra sans aucun doute aux dictateurs arabes locaux.

Et un soupçon me traverse l’esprit - en supposant toujours que cette histoire incoyable soit vraie - que Blair soit chargé d’aller à Damas et même à Téhéran dans sa chasse pour la « paix », mais en fait pour préparer le terrain à une stratégie américaine de retrait en Irak.

Mais la « Palestine » ?

Les Palestiniens ont tenu des élections - véritables, en béton, du genre réellement démocratique - et le Hamas a gagné. Mais Blair ne sera vraisemblablement pas en mesure de discuter avec le Hamas. Il ne devra parler qu’aux rigolos qui entourent Abbas, se mettre en pourparlers avec une administration décrite de façon si exacte cette semaine par mon vieux collègue Rami Khoury comme « un gouvernement de l’imagination ».

Les Américains évoquent - et ici je cite le porte-parole du département d’état, Sean McCormack - la possibilité d’un délégué qui pourrait travailler « avec les Palestiniens dans le système palestinien » afin de développer des institutions pour « un état bien géré ». Oh oui, je peux voir porquoi il faudra faire appel à Lord Blair. Il aime les états bien gérés, avec un bon nombre de « lois contre la terreur », plein de sécurité - bien que je suis toujours un peu embarrassé au sujet de ce qu’est censé être « le système palestinien ».

C’était James Wolfensohn qui était à l’origine « notre » délégué de Moyen-Orient, un ancien président de la Banque Mondiale qui a démissionné, totalement frustré, parce qu’il ne pouvait ni reconstruire Gaza ni agir pour un « processus de paix » qui était laminé par chaque nouvelle colonie juive et chaque fusée Qassam tirée vers Israël. Blair pense-t-il pouvoir faire mieux ? Quels mots mielleux allons-nous devoir entendre ?

Je parie qu’il ne mentionnera pas le mur israélien qui exproprie tant de terre palestinienne. Ce sera une « barrière de sécurité » ou une « clôture » (comme la célèbre « clôture » de Berlin qui a réellement été nommée « barrière de sécurité » par ces généreux flics est-allemands du temps des Vopo).

Il y aura des appels pour la retenue « de tous les côtés », des appels sans fin pour la « modération », mais aucun pour la justice (ce que demande tous les peuples du Moyen-Orient depuis plus d’un siècle).

Et Israël aime Lord Blair. En effet, l’utilisation tordue de la langue par Blair est susceptible de plaire à Ehud Olmert, dont le gouvernement continue à voler la terre arabe au profit des juifs, et des juifs seulement, pendant qu’il attend de trouver un Palestinien avec qui il pourra « négocier », Mahmoud Abbas ayant maintenant le prestige d’un lapin après que ses forces aient été écrasées dans Gaza.

À quelle « Palestine » Blair parlera-t-il ? À qui a un col et une cravate, naturellement, qui roule pour M. Abbas, et qui exigera toujours plus de « sécurité », des lois plus sévères, moins de démocratie.

[...] Nous avons eu notre dépanneur favori James Baker - qui a travaillé pour le père de George Bush jusqu’à ce que les Israéliens se soient lassés de lui - et avant cela nous avons eu toute une panoplie de généraux, de secrétaires des Nations Unies qui ont visité la région, froncé les sourcils et prévenu des conséquences graves à venir si la paix n’était pas bientôt instaurée.

Je me souviens d’un autre individu pompeux comme Blair, un certain Kurt Waldheim, qui - alors qu’il n’était plus le patron de l’ONU - a réellement cru pouvoir être un « délégué » pour la paix au Moyen-Orient, en dépit de sa courte carrière en temps de guerre comme responsable d’un service de renseignements pour le compte du groupe « E » de la Wehrmacht.

Ses visites - particulièrement au défunt Roi Hussein - n’ont rien donné, évidemment. Mais la capacité de Waldheim à tirer le rideau sur l’époque de la seconde guerre mondiale lui donne un point en commun avec Blair. Waldheim, immuablement, de façon tranchante, à plusieurs reprises, a refusé de reconnaître - au grand jamais - qu’il avait pu faire n’importe quoi de mal. Cela ne vous rappelle rien ?