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Qui est derrière les combats dans le Nord du Liban ?

Par Franklin Lamb

dimanche 27 mai 2007

Le dernier ouvrage de Franklin Lamb : The Price We Pay : A Quarter Century of Israel’s use of American Weapons against Lebanon (1978 – 2006) [Le prix que nous payons : Un quart de siècle d’utilisation d’armes américaines par Israël contre le Liban] est disponible sur Amazon.com.uk. Son ouvrage Hezbollah : A Brief Guide for Beginners [Le Hezbollah : Guide abrégé à l’usage des débutants] doit sortir au début de l’été. Le Dr. Lamb peut être contacté à l’adresse mél suivante : fplamb@gmail.com

Les cellules ‘terroristes’ islamistes sunnites créées par le Mouvement du Futur devaient servir de couverture aux projets anti-Hezbollah du Club Welch.

Le plan était que des actions de ces cellules, dont le Fatah al-Islam fait partie, pourraient être imputées à Al-Qa’ida, à la Syrie, ou à qui vous voudrez, mis à part au dit Club !

Le fait de porter un teeshirt élimé et pilé du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU [UNCHR], qui me restait de Bint Jbeil et de la guerre entre Israël et le Hizbollah (de juillet dernier) m’a probablement aidé.

C’est sans doute aussi le cas, j’imagine, de mon pull de la Croix Rouge et de mon keffiyéh à carreaux noirs et blancs, ainsi que du drapeau palestinien que je m’étais collé sur la poitrine, tandis qu’ayant rejoint un groupe d’humanitaires palestiniens, je me glissais dans le camp de réfugiés de Nahr al-Bared, en m’efforçant de ne pas trop me faire remarquer…

Nous avions pour mission de faciliter la livraison de nourriture, de couvertures et de matelas, mais j’étais également curieux de connaître la situation politique.

Qui était derrière ces événements, survenus si rapidement et si violemment, à la suite du soi-disant "casse" d’une banque ?

Un fric-frac qui, selon à qui vous vous adressiez, aurait permis aux bandits masqués de rafler 150 000 dollars, 1 500 dollars, ou… 150 dollars !??

Il semble que chaque média beyrouthin ait une source particulière d’"information venue de l’intérieur", selon la confession de son détenteur, et qu’il "connaisse" les véritables coupables, ceux qui tirent les ficelles…

Mais il faut dire que même nous, qui sommes particulièrement bouchés, nous avons compris, comme le conseillait souvent le regretté Rafiq Hariri, qu’"au Liban, il ne faut rien croire de ce qu’on vous dit, et ne croire qu’à moitié ce que vous voyez de vos propres yeux !"

Mes amis m’ont fait jurer et cracher que je me ferais passer pour un Canadien, et non pour l’Américain que je suis, au cas où des types d’Al-Qa’ida nous arrêteraient à l’intérieur du camp.

Mon impression, c’était qu’ils étaient moins préoccupés par ma sécurité que par la leur, au cas où ils seraient arrêtés avec moi ; mais ça n’allait pas être la première fois où je m’en remettrais à mes voisins nordiques pour m’extirper d’un traquenard potentiel causé par la nationalité américaine au Moyen-Orient, aussi décidai-je de me débarrasser de mon identité américaine.

Tandis que nous nous rapprochions de la redoute tenue par le Fatah al-Islam, nous avons été avertis que nous étions à la fois dans le collimateur des snipers de l’armée libanaise entourant le camp de Nahr al-Bared et dans celui des tireurs du Fatah al-Islam retranchés à l’intérieur, et que tout mouvement ou que tout manque de bol pourrait s’avérer fatal.

Après trois jours de bombardements et plus de cent morts, sans électricité et sans eau, Nahr al-Bared est empuanti par les cadavres brûlés et en décomposition, par les maisons calcinées dont l’intérieur continue à se consumer, par les égouts éventrés et par la fumée acre des obus de mortier et des obus de chars explosés.

Les chiffres donnés par la presse à propos de la population du camp, allant de 30 000 à 32 000 résidents, sont inexactes : 45 000 personnes y vivent ! Contrairement à certaines informations, il est toujours impossible d’y introduire de l’eau potable et du ravitaillement.

Certaines parties du camp sont détruites, à des degrés divers, allant de 15 à 70 %. Tirs d’armes légères, ce matin, et cet après-midi. Tirs de l’artillerie lourde, au rythme de dix à dix-huit obus par minute, de 4 h 30 à 10 heures du matin, mardi dernier.

L’armée libanaise n’autorise pas le Croissant Rouge [palestinien] à évacuer des civils parce qu’elle n’a pas confiance en ses infirmiers : seule la Croix Rouge libanaise est autorisée à le faire. Il est possible d’entrer dans le camp de Bared par derrière (par le côté est).

L’armée confisque les appareils photo des journalistes qu’elle arrive à choper.

Le gouvernement libanais contrôle l’information et ne veut pas que l’étendue des dégâts soit connu – pas encore…
Il y a encore des corps sous les décombres.

40 % de la population du camp ont été évacués. Les autres ne veulent pas partir, de peur de se faire descendre, ou de perdre leur maison pour la cinquième fois – voire plus, pour certains d’entre eux.

Il n’y a plus de jus, et les batteries des portables sont en train de flancher. Des parents qui ont réussi à fuir exhortent leurs familles à rester sur place, car il n’y a pas assez de matelas au camp de Beddawi.
Les évacués de Bared s’entassent jusqu’à vingt-cinq par classe dans les écoles de Beddawi… il y en a près de trois mille, dans une seule de ces écoles.

L’aide de l’ONU commence à arriver à Badawi, mais les employés n’arrivent toujours pas à l’acheminer dans le camp de Bared, en raison de l’attaque d’un de leurs convois, mardi dernier.

J’ai rencontré Abul Rahman Hallab, le patron d’une célèbre confiserie industrielle de Tripoli. Je l’ai aidé à décharger 5 000 paniers repas pour des évacués de Bared réfugiés dans le camp de Beddawi. C’est un Libanais ; il n’est pas Palestinien.

Les habitants du camp disent tous que le Fatah al-Islam est venu en septembre – octobre 2006, et que ses membres n’ont aucun parent dans le camp.
Ils sont originaires d’Arabie saoudite, du Pakistan, d’Algérie, d’Irak, de Tunisie, et d’autres pays encore. Il n’y a pratiquement pas de Palestiniens chez eux, mis à part quelques glandouilleurs. La plupart des gens disent qu’ils sont payés par la bande à Hariri.

Des rumeurs selon lesquelles le Fatah al-Islam aiderait les gens, dans le camp de Bared, sont immédiatement démenties. "Ils ne font rien d’autre que prier", m’a dit une femme "et le reste du temps, ils sont à l’entraînement militaire… Ils sont encore plus dévots que les chiites : il faut le faire !", a-t-elle conclu.

La population du camp de Beddawi était de 15 000 personnes ; ce matin, il y en a 28 000. Quatre corps sont arrivés, ce matin, à l’hôpital Safad, l’unique hôpital à être tenu par le Croissant Rouge palestinien au Nord Liban.

On m’a dit que l’armée sera obligée de détruire toutes les maisons du camp de Bared, si elle veut éliminer le Fatah al-Islam.

Je vais sans doute rester dans le camp de Bard, cette nuit, avec des humanitaires. Certains disent que les types du FAI vont tous se sacrifier, mais d’autres disent qu’une reddition pourrait être négociée.

Je vais essayer de voir ce que je peux faire avec une ONG norvégienne. Je ne suis pas certain qu’il y a vraiment quelqu’un d’intéressé, dans le gouvernement libanais.

Il y a tout juste une minute, un membre du FAI est rentré dans le bureau médical que j’utilise, dans l’Hôpital Safad ; il m’a dit qu’ils voulaient un cessez-le-feu permanent et qu’ils ne voulaient pas que de nouvelles victimes soient tuées ou blessées.

Ils prétendent n’avoir aucun problème avec l’armée libanaise.

Bon. Maintenant, parlons un peu du contexte de Nahr al-Bard.

Comme les autres camps palestiniens au Liban, il est habité par des Palestiniens qui ont été chassés de chez eux, de leurs terres et de leurs propriétés personnelles dans les années 1947-1948, afin de dégager la piste pour des juifs venus d’Europe et d’ailleurs, avant le 15 mai 1948, date de la création de l’Etat d’Israël.

Des 16 camps de réfugiés mis sur pied pour accueillir plus de 100 000 réfugiés ayant traversé la frontière libanaise, depuis la Palestine, durant la Nakba, il en reste 12, officiellement.

Le camp de Tall Az-Za’tar a été épuré ethniquement par les forces de la Phalange chrétienne, au début de la guerre civile libanaise de 1975 – 1990.

Les camps de Nabatiéh, Diwâniyéh et Jisr al-Basha, détruits par les attaques israéliennes ou par celles des milices libanaises, n’ont jamais été reconstruits.

Les camps restants sont les suivants (ils abritent plus de la moitié des 433 276 réfugiés palestiniens au Liban) :
Beddawi, Burj Al-Barajna, Jal El-Bahr, Sabra et Chatilla, Ain Al-Helwéh, Nahr Al-Bared, Rashidiyyéh, Burj Al-Shamali, El-Buss, Wawel, Miyéh Miyéh et Mar Elias.

Nahr al-Bard est situé à 50 kilomètres au Nord de Tripoli, près de la magnifique côte méditerranéenne ; il abrite plus de 32 000 réfugiés, dont beaucoup ont été chassés de la région du Lac de Hulé, en Palestine, notamment de la ville de Safad.

Comme tous les camps de réfugiés palestiniens officiels au Liban, et comme plusieurs autres camps "non-officiels", Nahr al-Bared est affecté par de graves problèmes, dont l’inadaptation de l’infrastructure, la surpopulation, la pauvreté et le chômage.

Avec plus de 25 %, Nahr al-Bared connaît le plus fort taux de réfugiés palestiniens, dans l’absolu, vivant dans des conditions de pauvreté extrême et officiellement enregistrés par l’Onu comme des cas de "détresse particulière".

Les habitants de ce camp, come tous les Palestiniens au Liban, font l’objet d’une discrimination abjecte, et ils ne sont même pas officiellement recensés.
On leur dénie la citoyenneté et ils sont interdits des 70 professions et commerces les plus rémunérateurs (cela inclut les McDonald et KFC, dans le centre de Beyrouth), et ils ne peuvent avoir de biens immobiliers.

Les Palestiniens, au Liban, n’ont pratiquement pas de droits sociaux ou civiques, et ils n’ont qu’un accès limité à l’enseignement public. Ils ne sont pas éligibles aux services sociaux de l’Etat.

En conséquence, beaucoup d’entre eux dépendent entièrement de l’UNRWA, qui est l’unique pourvoyeur des besoins vitaux de leurs familles.

Rien d’étonnant à ce que des sympathies, sinon des affiliations formelles, existent dans les douze camps officiellement reconnus, ainsi que dans les sept camps dérogatoires.

Des formations portant des noms tels Fatah al-Islam, Jund as-Sham (Soldats de Damas), ‘Abnâ’ al-Shuhadâ’ (Les Fils des Martyrs), ‘Içbat al-Ançâr, qui s’est transformée en ‘Içbat al-Nûr (La Communauté des Lumières), et bien d’autres encore.

Etant donné les débâcles de l’administration Bush en Iran et en Afghanistan, et étant donné les encouragements qu’elle a prodigués à Israël dans sa destruction du Liban, l’été dernier, la situation libanaise rappelle, par certains côtés, le début des années 1980, où des groupes se formèrent pour résister à l’invasion et à l’occupation israéliennes qui avaient reçu le feu vert de Washington.

Mais au lieu d’être chiites et pro-Hezbollah, les groupes d’aujourd’hui sont très majoritairement sunnites et anti-Hezbollah.

De ce fait même, ils sont habilités à recevoir des aides américaines, acheminées par des financeurs saoudiens ligués à une administration Bush déterminée à financer des groupes islamistes sunnites afin d’affaiblir le Hezbollah.

Ce projet est devenu une obsession, pour la Maison Blanche, à la suite de la défaite israélienne de juillet 2006.

Pour comprendre ce qui est en train de se passer, avec le Fatah al-Islam, dans le camp de Nahr al-Bared, une présentation de l’étonnante, mais néanmoins discrète "Fondation Welch" est nécessaire

Ce Club porte le nom de son parrain, David Welch, un conseiller de la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice : c’est l’homme ad hoc de l’administration Bush ; il est supervisé par Elliott Abrams.

Les membres clés du Club Welch (alias : "le Club"), sont notamment :

• Le vétéran de la guerre civile libanaise, le chef de guerre et féodal Walid Jumblatt, du parti druze (Parti Social Progressiste [sans doute par antiphrase, comme l’Océan Pacifique, le plus dangereux de tous… ndt], ou PSP) ;

• Un autre vétéran de la guerre civile, le chef de guerre terroriste (qui a fait onze ans de tôle pour des massacres perpétrés entre autres contre ses coreligionnaires chrétiens) Samir Geagea.
Chef du parti extrémiste de la Phalange et de ses Forces Libanaises (les FL), groupe qui dirigea le massacre organisé par Israël dans les camps de Sabra et Chatilla (bien que ces massacres eussent été perpétrés sous le commandement d’Elie Hobeika, jadis mentor de Geagea, Geagea n’a pas participé à ce massacre de quelque 1 700 civils, palestiniens et libanais, perpétré en septembre 1982) ;

• Le shaïkh saoudien milliardaire et président du Club, Saad Hariri, chef du Mouvement (sunnite) du Futur (Future Movement – FM).

Cela fait aujourd’hui plus d’un an que le Mouvement du Futur (de Hariri) met sur pied des cellules terroristes islamistes sunnites (le PSP et la LF avaient déjà leur propre milice, depuis la guerre civile, et en dépit des Accords de Taëf, exigeant de ces milices qu’elles rendent leurs armes, elles sont aujourd’hui réarmées jusqu’aux dents et impatientes d’en découdre ; c’est la raison pour laquelle elles font tout pour provoquer le Hezbollah…)

Les cellules ‘terroristes’ islamistes sunnites créées par le Mouvement du Futur devaient servir de couverture aux projets anti-Hezbollah du Club Welch.
Le plan était que des actions de ces cellules, dont le Fatah al-Islam fait partie, pourraient être imputées à Al-Qa’ida, à la Syrie, ou à qui vous voudrez, mis à part ledit Club !

Pour alimenter en hommes ces nouvelles milices, le Mouvement du Futur a racolé des rescapés d’anciennes formations extrémistes dans les camps de réfugiés palestiniens, qui avaient été écrasés, marginalisés et réduits durant l’occupation syrienne du Liban.

Chaque combattant s’est vu allouer une solde mensuelle de 700 dollars, ce qui n’est pas mal du tout, aujourd’hui, pour le Liban…

La première milice du Club Welch à avoir été fondée et organisée par le Mouvement du Futur, est connue, localement, sous le nom de Jund al-Sham (Soldats de Sham, "Sham" », en arabe, désignant la grande région englobant la Syrie, le Liban, la Palestine et la Jordanie) : elle a été créée dans le camp de réfugiés palestiniens de Ain al-Helwéh, près de Sidon (Saïda), les quartiers alentours appartenant à Bahia Hariri, la sœur de feu Rafiq Hariri et la tata de Saad, laquelle est, par ailleurs, députée au Parlement libanais).

La seconde fut Fatah al-Islam (ce nom a été intelligemment choisi : il allie Fatah, qui fait penser au mouvement palestinien, et Islam, qui renvoie plutôt à Al-Qa’ida).
Le Mouvement du Futur a mis sur pied cette cellule du Club Welch dans le camp de Nahr al-Bared, situé au nord de Tripoli, pour d’évidentes raisons d’équilibrage géographique.

Jusqu’à il y a seulement trois jours de cela, le Fatah al-Islam avait environ 400 combattants bien payés. Aujourd’hui, ils peuvent en avoir plus, ou moins, et des volontaires ont pu se joindre à eux.

Les chefs se sont vu allouer de luxurieux appartements avec vue sur la mer, à Tripoli, dans lesquels ils ont stocké des armes et des vivres quand ils n’étaient pas à Nahr al-Bared.
Devinez à qui appartiennent ces appartements ?

D’après des membres tant du Fatah al-Islam que du Jund al-Sham, leurs formations agissaient sur les directives du président du ‘Club’, un certain Saad Hariri.

Alors, qu’est-ce qui a cloché ? Pourquoi ce casse d’une banque, et pourquoi ce massacre dans le camp de Nahr al-Bared ?

D’après des activistes du Fatah al-Islam, l’administration Bush a pris peur, avec des gens comme Seymour Hersh rôdant dans le coin, tandis que la discipline était en chute libre, à la Maison Blanche en proie à la guerre irakienne.

De plus, les services de renseignements du Hezbollah savaient tout des activités du Club, et le Hezbollah était en mesure de dénoncer les deux groupes supposés désireux de déclencher une guerre civile entre sunnites et chiites, que le Hezbollah s’est juré de rendre impossible.

Les choses ont commencé à très mal tourner, pour le Club, la semaine passée.

Le Mouvement du Futur a "bloqué" la solde des combattants du Fatah al-Islam en gelant le compte bancaire, géré par une banque appartenant à la famille Hariri.

Le Fatah al-Islam a essayé de négocier au moins une "indemnité de licenciement", sans succès, et ses hommes se sont sentis trahis (il faut garder à l’esprit que beaucoup de ces combattants sont des adolescents aisément frustrés et aussi le fait que leur solde leur permet de faire vivre tous les membres de leur famille).

Des membres de cette milice ont donc détruit la banque éditrice de leurs chéquiers désormais dépourvus de la moindre utilité.

Manifestement, ils furent doublement ulcéré en apprenant que le Mouvement du Futur réclame, dans les médias, des dédommagements bien plus importants que la somme qu’ils ont effectivement raflée et que le Club va pressurer sa compagnie d’assurance, et réaliser, en réalité, un profit énorme.

Les Forces de la Sécurité Intérieure libanaise (recrutées récemment pour assurer le service d’ordre du Club et du Mouvement du Futur) ont pris d’assaut les appartements du Fatah al-Islam dans la ville de Tripoli. Leurs hommes n’avaient pas beaucoup de chances de s’imposer, et elles durent faire appel à l’armée libanaise.

Dans l’heure qui suivit, le Fatah al-Islam se vengeait en attaquant des positions de l’armée libanaise, des checkpoints et des soldats libanais sans armes car hors service, en civil, et en perpétrant des tueries outrageantes, coupant notamment la tête à quatre personnes.

Si, jusqu’ici, le Fatah al-Islam n’a pas exercé de représailles contre les Forces de la Sécurité Intérieure à Tripoli, c’est parce que ces FSI sont pro-Hariri et aussi parce que certains de leurs hommes sont des amis, et puis il y a aussi le fait que le Fatah al-Islam espérait toujours être payé par Hariri.

C’est pourquoi, en lieu et place, le Fatah al-Islam s’en est pris à l’armée libanaise.

Le cabinet Siniora se réunit et demande à l’armée libanaise de pénétrer dans les camps de réfugiés et de réduire au silence (de plus d’une manière) le Fatah al-Islam.

Etant donné que l’entrée des camps est interdite à l’armée libanaise par un accord conclu avec la Ligue Arabe en 1969, l’armée refuse, après avoir réalisé l’ampleur du complot ourdi à son encontre par le Club Welch.

L’armée libanaise sait qu’il suffirait qu’elle pénètre dans un seul camp de réfugiés palestinien par la force pour que cela ouvre un front contre elle dans les douze camps de réfugiés palestiniens du Liban à la fois, et que la déchirerait, suivant des lignes de failles confessionnelles.

L’armée est ulcérée par les Forces de Sécurité Intérieure du Club, qui ne sont pas coordonnées avec elle, comme l’exigeait pourtant la loi libanaise, et qui ne l’ont même pas informée de l’ « opération de lavage du linge sale en famille » menée par les Forces de la Sécurité Intérieure contre les coffres-forts du Fatah al-Islam, à Tripoli.

Aujourd’hui, il y a du tirage entre l’armée libanaise et le Club Welch. Certains n’hésitent pas à parler de "putsch militaire".

Le Club veut diriger le Parlement, et il est prêt à tout faire afin de ne pas ‘perdre’ le Liban. Il conserve 70 sièges au Parlement, alors que l’opposition, dirigé par le Hezbollah, n’en détient que 58. Il a un Premier ministre à sa botte, en la personne de Fouad Siniora.

Il a tenté de prendre le contrôle de la présidence de la République. Ayant échoué, il l’a donc marginalisée.

L’an dernier, il a essayé de contrôler la Commission Constitutionnelle du Parlement, une commission qui audite la politique du gouvernement, les lois, et qui surveille ses actions.

Le Club ayant échoué à le contrôler, il a tout simplement aboli la Commission constitutionnelle. Cette commission clé n’existe par conséquent plus, au sein du gouvernement libanais.

Le Club Welch a commis une erreur fatale quand il a tenté d’influencer l’armée libanaise pour l’amener à désarmer la résistance libanaise sous la houlette du Hezbollah.

L’armée ayant refusé, de manière particulièrement avisée, le Club s’est consulté avec l’administration Bush afin de pousser Israël à intensifier considérablement ses représailles à l’enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah et de « briser les règlements » concernant les réponses historiquement plus limitées et de tenter de détruire le Hezbollah, durant la guerre de juillet 2006.

Aujourd’hui, le Club Welch voit dans l’armée libanaise un sérieux problème. L’administration Bush est en train d’essayer de la saper et de la marginaliser afin d’éliminer un des deux derniers obstacles sur la voie de la mise en œuvre de l’agenda israélien au Liban.

Si elle est affaiblie, l’armée ne pourra plus protéger les plus de 70 % de chrétiens libanais qui soutiennent le Mouvement Patriotique Libre [MPL] du Général Aoun.

Ce MPL est constitué principalement de civils libanais bien formés, non armés et appartenant aux classes moyennes La seule protection dont ils bénéficient est celle de l’armée libanaise, qui contribue au maintien de leur présence sur la scène politique.

L’autre type de chrétiens vivant au Liban, c’est la minorité d’environ 15 % des chrétiens, qui sont associés aux Forces Libanaises de Geagea, qui ne sont rien d’autre qu’une milice.

Si le Club parvient à affaiblir encore plus l’armée qu’actuellement, cette minorité phalangiste deviendra la seule force relativement puissante sur la scène chrétienne, et elle deviendra, de fait, l’"armée" dudit Club.

Une autre raison, pour le Club, de vouloir affaiblir l’armée libanaise, est le fait que l’armée libanaise est nationaliste et qu’elle constitue une soupape de sécurité permettant au Liban de garantir le droit aux retour des Palestiniens en Palestine, la nation libanaise et la culture de la résistance sous la direction du Hezbollah, avec lequel elle entretient d’excellentes relations.

Pour sa part, le Club Welch veut garder quelques Palestiniens au Liban pour avoir de la main-d’œuvre à bas prix, et expédier la majorité des autres vers les pays qui voudront d’eux (et qui seront payés confortablement, pour ce faire, par les contribuables américains) et permettre au maximum à quelques milliers d’entre eux de retourner en Palestine afin de clore la question du "droit au retour", tout en signant un traité avec Israël du type de celui paraphé le 17 mai 1983, grâce auquel Israël financera les membres du Club et se verra attribuer la plus grande partie des richesses hydriques du Liban ainsi qu’une part léonine de la souveraineté libanaise.

Bref : il faut réduire au silence le Fatah al-Islam, quel qu’en soit le prix. Ce qu’il a à dire, au cas où il parviendrait à l’articuler, est un poison mortel pour le Club et ses sponsors. Nous assisterons donc à la destruction vraisemblable du Fatah al-Islam durant les jours à venir.

Le Hezbollah observe tout ça, et il soutient l’armée libanaise.

Source : http://www.counterpunch.org/  Traduction : Marcel Charbonnier