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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 31)
Fondamentalisme islamiste : pourquoi ?
Notre rubrique géopolitique
samedi 5 mai 2007
Strasbourg, le 5 mai 2007
Historiquement, l’évolution démocratique à l’ouest de l’Europe commence en 1789, avec la révolution française.
Simultanément, les prémisses de cette évolution démocratique (passage de la société féodale à la société bourgeoise) s’observent également en Orient, en particulier, en Perse.
Au même moment, très exactement à partir de 1809, la Grande– Bretagne et la Russie apparaissent sur la scène de l’Asie centrale et « le Grand jeu » pour la possession de cette région du monde commence entre l’Empire russe situé au nord et l’Empire anglo-indien ancré au sud.
L’expansion russe avait pour objectif l’affaiblissement et la destruction des trois Etats musulmans à la lisière sud de l’Empire russe : la Turquie, l’Iran et l’Afghanistan, tandis que- une fois achevé la conquête de l’Inde- l’essentiel de la politique coloniale britannique était axé sur la préservation du « plus brillant joyau de la couronne ».
Dans ce « jeu » macabre, les Russes ont arraché des régions entières à la Perse et, avec les Britanniques, ils ont régulièrement piétiné la souveraineté des pays de la région (et continuent à le faire).
Pour lord Curzon, vice-roi britannique des Indes de 1899 à 1906 : « Turkestan, Afghanistan, Transcaspienne, Perse- pour beaucoup de gens, de tels noms évoquent seulement un mystérieux lointain (…). Pour moi, je l’avoue, il s’agit là des pièces d’un échiquier sur lequel se dispute la partie pour la domination du monde »(1).
L’ingérence des Empires russe et britannique dans les affaires intérieures des pays de la région a eu pour effet de renforcer les forces réactionnaires locales, et de retarder de ce fait le développement naturel des sociétés concernées.
Malgré les pressions et les ingérences extérieures, la première révolution démocratique en Asie a eu lieu en Perse en 1906. Elle fut dirigée contre la dynastie féodale Qadjar et ses suppôts russes et suivie de la proclamation de la « monarchie constitutionnelle ». Celle-ci se maintint jusqu’au 21 février 1921, date à laquelle elle fut renversée par un coup d’Etat militaire fomenté par les Britanniques. Le général Rezâ Khan qui dirigeait le coup d’Etat, fonda en octobre1925 la dynastie des Pahlavi.
Les dirigeants politiques des mouvements démocratiques et « souverainistes » représentant la « bourgeoisie nationale », étaient essentiellement des hommes de lettres cultivés, généralement laïcs. En s’engageant dans les mouvements révolutionnaires, ils s’inspiraient de l’exemple de la révolution française.
L’ingérence incessante, directe et souvent violente des puissances occidentales dans les affaires intérieures des pays orientaux a eu pour conséquence d’en « radicaliser » le mouvement démocratique, qui, de « social démocrate » au départ, évolua massivement vers le communisme à partir de 1917.
L’histoire de l’Iran, pays musulman au sous-sol très riche, bénéficiant au surplus d’une position stratégique, toujours convoité par les puissances occidentales, est édifiante à cet égard.
De 1917 à 1960 la « bourgeoisie nationale » iranienne comporte trois courants : le « parti Toudeh (extrême gauche) », le « Front national du Dr. Mossadegh (droite nationaliste et laïque) » et le « Mouvement de la libération de l’Iran du Dr. Bazargan » (musulmans démocrates). Mis à part quelques courants insuffisamment représentatifs, le clergé chiite fondamentaliste était absent du mouvement démocratique national et se ralliait souvent à la réaction locale (le régime des Pahlavi) pour combattre le mouvement démocratique.
En 1951 le Dr. Mossadegh, leader du « Front national » arriva à la tête du gouvernement, où il se maintint jusqu’au 19 août 1953, date à laquelle un coup d’Etat militaire fomenté par la CIA le renversa. Le Chah d’Iran, qui avait été évincé, reprit le pouvoir, instaurant une tyrannie soutenue par les Etats-Unis.
L’écrasement du mouvement démocratique et laïc par la réaction locale, soutenue par le gouvernement américain, ouvra la voie aux fondamentalistes chiites, aile droite extrémiste de la « bourgeoisie nationale ». Celle-ci prit le pouvoir en 1979.
La situation diffère sensiblement dans les pays arabes de la région. La bourgeoisie laïque de ces pays a accédé au pouvoir dans les années 1950-1960, par des coups d’Etat militaires. Le discrédit auquel ses régimes eurent à faire face, aggravé par les défaites militaires subies lors des affrontements avec l’armée israélienne, prépara la voie à l’émergence de l’extrême droite représentée par les « islamistes fondamentalistes », dont l’objectif est la rupture radicale avec l’occident.
Quant à l’Irak, avant le 9 avril 2003, date de la chute du régime de Saddam Hussein, le peuple irakien avait le choix entre un régime tyrannique et la promesse d’une vie meilleure. Depuis le 9 avril 2003, le peuple irakien a le choix entre l’occupation brutale de son pays par les colonialistes américano-britanniques et la résistance afin de retrouver sa dignité et la souveraineté de son pays. En Irak, la faillite de la dictature du parti Baas (laïc) et la présence des colonialistes occidentaux (chrétiens) offre un terrain favorable sur lequel prospère le fondamentalisme islamiste, sunnite et chiite. Dans l’espoir de devenir la principale force du nouvel Etat irakien, les dirigeants chiites collaborent pleinement avec les occupants. De plus, ils caressent le rêve de les remplacer, une fois qu’ils auront lâché pacifiquement l’Irak (deuxième réserve mondiale de pétrole). Il ne peut s’agir que d’un rêve !
La Palestine est le seul endroit où les représentants laïcs et fondamentalistes de la « bourgeoisie nationale » luttent main dans la main pour la souveraineté de leur pays. Pour combien de temps ?
La sentence de lord Curzon est toujours d’actualité. Pour demeurer une puissance planétaire, les Etats-Unis (soutenus par leurs alliés inconditionnels Britanniques et Israéliens) doivent dominer militairement l’Asie centrale, le Proche et le Moyen-Orient. Il s’en suit que les nations de cette région résistent- comme elles l’ont toujours fait- à la domination des colonialistes occidentaux, jusqu’à retrouver pleinement leur souveraineté nationale. Cela se fera-t-il sans les fondamentalistes ? On peut en douter. Comme on peut douter du changement de politique étrangère des chancelleries des pays colonialistes (grands et petits, anciens ou nouveaux), menés par le tandem américano-britannique : politique régie par la volonté de domination de cette vaste région qui regroupe le Proche et le Moyen-Orient. La paix n’y sera, malheureusement encore pour longtemps, qu’un mirage.
Le comité de rédaction
(1) : « Le royaume de l’insolence- Michel Barry- Flammarion ».
Publié dans les Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) du lundi 15 mars 2004.