Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Azmi, mon frère : ILS ONT PEUR

Lettre ouverte à Azmi Bishara

Azmi, mon frère : ILS ONT PEUR

par Juliano Mer Khamis

mercredi 2 mai 2007

Théâtre de la Liberté - Jénine

publié le mardi 1er mai 2007.

Azmi, mon frère : ILS ONT PEUR. Leurs chefs et leurs soldats terrifiés ont peur. Je les rencontre fréquemment dans le camp de réfugiés de Jénine où ils tirent sur les enfants qui osent jeter un coup d’œil du haut de leurs fenêtres ou du coin de la rue.

Azmi, mon frère,

Vous avez eu le bon sens de voir ce qui se préparait : les forces de sécurité coopérant avec le système judiciaire d’Israël avaient décidé d’agir contre ce qu’elles appellent la « menace stratégique », les citoyens palestiniens d’Israël, et de se débarrasser de leurs dirigeants. Ils veulent nous ramener aux temps de la loi martiale - de la peur, des autorisations, des cellules lugubres des forces de sécurité - à l’époque où, seuls, les collaborateurs pouvaient au moins prétendre à certains de leurs droits.

A l’intérieur des frontières de 1967, Israël n’emploie pas encore les méthodes qu’il pratique dans les Territoires occupés. Il n’exécute pas les gens sans procès, ne tolère pas les arrestations massives, ne provoque pas la famine ou ne détruit pas les infrastructures. Aujourd’hui, en tant que « seule démocratie du Moyen-Orient, Israël prétend fonctionner par des moyens justes et légaux.

Mais « la loi », ce sont les forces de sécurité et la police ; les conseillers juridiques au gouvernement et dans le système judiciaire ne travaillent que pour elles. Votre condamnation a été prononcée avant même qu’ils aient porté contre vous leurs accusations et vous n’avez aucun moyen de prouver votre innocence face à ces criminels de guerre. Ils parlent une langue différente de la nôtre - à leurs yeux, quiconque est contre la guerre et aspire à une coexistence pacifique entre les deux nations est classé comme criminel, et il est persécuté. Vous ne pouvez pas mener un combat politique depuis la barre des témoins.

Ils ne vous laisseront pas soutenir que vous vous battez pour les deux nations. Dans leurs tribunaux d’Etat policier, ils vous attacheront une corde autour du cou.

L’échec qui les ronge de l’armée israélienne contre la résistance libanaise les rend fous. Face à un tel establishment, vaincu et cruel, il faut agir judicieusement, intelligemment. Après tout, il est plus judicieux pour un combattant pour la liberté qui se retrouve isolé par une unité militaire de se replier, ou de s’échapper, et d’attendre le moment plus propice pour revenir au combat - et ici, je ne parle pas du combat par les armes, mais du « combat » par la réflexion et l’écriture.
Azmi, mon frère : ILS ONT PEUR.

Leurs chefs et leurs soldats terrifiés ont peur. Je les rencontre fréquemment dans le camp de réfugiés de Jénine où ils tirent sur les enfants qui osent jeter un coup d’œil du haut de leurs fenêtres ou du coin de la rue.

Apparemment, vous représentez une « menace stratégique » pour l’ « Etat juif ». Il semble que votre vision d’un « Etat pour tous ses citoyens » est une menace pour l’existence même d’Israël, un pays qui a été créé par la force, la maîtrise et la discrimination d’une autre nation. Les idées d’égalité ou de coexistence que votre parti Balad incarne privent le gouvernement d’Israël des principaux arguments idéologiques qu’il utilise pour justifier sa violence, son despotisme, son apartheid, son racisme, ses barrières et ses murs.

Azmi, mon frère, vous ne vous êtes pas enfui !

Vous avez su exploiter intelligemment la situation et les circonstances et vous êtes parvenu à échapper au peloton d’exécution auquel le « système judiciaire » voulait vous condamner. Comme un soldat aguerri, vous avez su éviter les balles des forces de sécurité et passer dans la clandestinité. Et ça ne fait aucune différence que vous soyez dans les cavernes de la Galilée ou au Qatar, à Dubaï ou au Caire.

Beaucoup vont vous presser de rentrer.

Beaucoup d’autres se réjouiraient de vous voir croupir dans les cellules de la police de sécurité. Il y en a d’autres qui se sacrifieraient pour vous - votre courage dissimulant leur faiblesse et leur peur. Toutes sortes de détracteurs vont pousser comme des champignons après la pluie, affirmant qu’un chef ne doit pas abandonner sa troupe. Ils diront que vous êtes un lâche et bien d’autres choses encore. Faites fi de leurs commentaires sur « le courage et le sacrifice ».

N’écoutez pas vos adversaires politiques en Israël, qui voudraient vous voir pendu haut et court à Town Square. Continuez votre combat depuis l’étranger comme tant d’autres combattants illustres. Qu’est l’exil sinon un sacrifice !

Et soyez assuré que le jour viendra où vous pourrez revenir, porté sur les épaules de vos camarades.

Nous avons toujours fait l’éloge des combattants pour la liberté qui ont réussi à échapper aux cachots des forces de sécurité. Nous nous réjouissons quand des guérilleros sont libérés de derrière les barreaux de leur prison par leurs camarades. Nous applaudissons à vos succès contre ce gouvernement de marionnettes et à la révélation que vous avez faite de leurs vrais visages.

Vous ne vous êtes pas échappé d’une arrestation. Vous avez réussi à éviter d’être exécuté sans procès - une « élimination ciblée » dans le jargon local. Soyez béni pour cela !

Bien à vous

Juliano Mer Khamis
Théâtre de la Liberté - camp de réfugiés de Jénine
juliano@thefreedomtheatre.org
Directeur culturel et directeur du théâtre. Il vit à Haïfa (Israël) comme acteur et directeur de « Les Enfants d’Arna ». il s’est impliqué dans le projet d’Arna à Jénine (1992-1997).
Voir aussi : Nouvelles du Théatre de la liberté de Jénine

Juliano Mer Khamis
Dimanche 29 avril 2007 - The Alternative Informatin Center - traduction : JPP