Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > « Si j’étais un Egyptien, j’y mettrais une bombe... (...)

Coup de gueule

« Si j’étais un Egyptien, j’y mettrais une bombe... »

par Helena Zacharias

vendredi 9 mars 2007

Le massacre d’une civilisation millénaire, patrimoine de l’humanité, au profit de quelques passagers de la vie, avides, corrompus, bouffis d’orgueil et de suffisance et finalement indignes des responsabilités qu’ils exercent de façon tyrannique et moyennageuse..........grace aux libéralités sonnantes et trébuchantes d’un autre « inculte » d’outre-atlantique. Lamentable !

Michel Flament

Message d’Helena Zacharias, responsable du service dessin au Centre
Franco-égyptien d’Etude des Temples de Karnak.

Bonjour à tous, ceci est un message d’information à faire passer au plus de gens possible autour de vous. Je travaille à la mission française
archéologique des temples de Karnak, en Egypte, et je suis comme mes
collègues le témoin impuissant des actes de la dictature

Le gouvernement égyptien a commencé depuis quelques temps un projet de ré-aménagement touristique de tous les sites archéologiques du pays, projet financé entièrement par le gouvernement américain. Le gouvernement américain donne chaque année à l’Egypte une somme colossale de dollars, quelques milliards, afin qu’elle se taise dans les négociations politiques sur le Proche-Orient. Saviez-vous par exemple, que c’est le gouvernement américain qui a restauré toutes les vieilles mosquées du Caire ? Et tout ce que nous ne savons pas...

En ce qui concerne le gigantesque projet de site-management
touristique, c’est l’armée égyptienne qui est chargée d’effectuer les
travaux, destructions comme constructions. Déjà plusieurs sites ont été
ré-aménagés, tels qu’Edfou et Dendera. C’est joli, certes, mais des
quartiers entiers d’habitations sont rasés afin de construire d’immenses
places dallées de marbre, vraie fournaise durant l’été égyptien, et, au
pourtour, des souks et des cafétérias. Nous n’avions qu’échos lointains de ces travaux, jusqu’au jour où les pelleteuses ont débarqué à Louqsor. Les travaux sont menés par le gouverneur de la ville, ancien général d’armée, Samir Farag, avec qui il est impossible de communiquer. Nous avons cessé de ous battre, car nous avons réalisé notre impuissance face à cette terrible machine de corruption qu’est le gouvernement égyptien. La corruption met des sas entre les différents éléments de la hiérarchie, ce qui fait qu’il est impossible de remonter aux personnes responsables. Saviez-vous, pour exemple, que le ticket d’entrée du temple de Karnak est de 50 livres( 7 euros), qu’il y a en moyenne 8000 à 11000 entrées par jour, et que pas un seul centime ne va à l’entretien du temple ni à la paye des employés, tout part directement au Caire dans les poches du gouvernement. Un ouvrier du
temple est payé un euro par jour...

Toute la ville de Louqsor est donc en chantier. Devant la gare, il y a
un panneau de présentation des travaux où il est inscrit : « We will make
Luxor as an open air museum ». Certes, certains réaménagements sont jolis.

Mise en exergue des ravissantes mosquées, belles places, réfection de la gare et de sa rue principale, mais cela aurait du s’arrêter là ! Ce qu’il est prévu est de transformer toute la ville en centre commercial, souks,
restaurants et hôtels, dont tous les bénéfices iront au gouverneur. Les
habitants de la ville vont être relogés dans une nouvelle cité dans le
désert, près de l’aéroport « New Theba », dans des blocs en béton, loin de tout.

La deuxième catastrophe est l’ouverture de la chaussée de sphinxes entre le temple de Karnak et le temple de Louqsor, sur 4 km. La ville moderne est construite dessus. Qu’à cela ne tienne, ils détruisent les maisons qui les gênent. Ils ouvrent une voie large de 27 mètres, rasant sur le passage maisons, églises, mosquées, hopital, espaces verts et... écoles !!! Pour onstruire le long de cette voie des boutiques (encore), et effectuer des rajets payants en calèche pour ces [...] de touristes. Les pauvres sphinxes exhumés ressemblent plus à des moignons de patates rongés par les sels, qu’à quelque chose de figuratif. Le gouvernement met un fric fou pour construire des belles places dallées de marbre, de belles rues aux façades rénovées où passent les trajets des touristes, et il n’y a qu’à passer une rue derrière le décor, c’est le ghetto, pas toujours l’eau courante, et les ruelles boueuses et insalubres. Nous avons plusieurs fois entendu des membres du
gouvernorat local traiter ces gens de « déchets à nettoyer »... La pauvreté les horripile, les pauvres gens sont traités comme de la merde à nettoyer parce que devant les touristes, pour l’image du pays, ça fait « sale » et pas présentable, alors on cache la misère comme on dit, derrière des façades repeintes(dont les Egyptiens payent la peinture à travers leurs factures ’électricité). Mais la pauvreté est maintenue par le gouvernement, qui empêche la privatisation d’entreprises (tout appartient à Moubarak, qui est propriétaire de toutes les usines) et la création d’emplois, par peur d’émergence de fortunes privées qui déstabiliseraient le gouvernement et risqueraient de donner les moyens de renverser cette dictature. Mais un fric olossal est dépensé pour créer hôtels et souks, aménager les lieux touristiques, dont je vous le rappelle les revenus vont dans les poches directement du gouvernement, et on ne met pas les moyens pour éradiquer la
pauvreté et l’insalubrité des conditions de vie.

Quant aux abords du temple de Karnak, la place n’est que poussière et
chaos. Ils rasent tous les arbres, agrandissent le parking, développent un centre commercial monstrueux, et ont commencé à détruire les pâtés de maisons des égyptiens situées sur le pourtour de la place, y compris une cole. C’est horrible, l’armée a expulsé de force les femmes et les enfants en pleurs qui hurlaient, vidé leurs maisons, et ceux qui ont chouiné sont à l’heure actuelle en prison. Dans chacune de ces belles maisons en briques crues, vivaient trois à quatre familles. Pour chaque maison détruite, ils donnent un appartement en dehors de la ville dans le désert, dans des blocs en béton, avec une seule chambre, une cuisine et une salle de bain.

Et tout ça pour... Pour élargir la place devant le temple et construire un
souk pour les touristes. Au début, nous courrions d’un trou à l’autre, sous les pelleteuses, dénonçant les antiquités broyées par les engins, ce qui avait effet de stopper momentanément les destructions. Nous effectuions lors des fouilles de sauvetage. Mais ils ont vite compris que travailler de nuit et mettre la terre et les débris d’antiquités directement dans les bennes des camions maintenaient la cadence des travaux. Il faut savoir que toute la ville de Louqsor est construite sur l’ancienne Thèbes de l’antiquité. Nous avons vu des scènes où des femmes et des enfants s’interposaient devant les pelleteuses pour les arrêter, et la police les emmener de force.

Nous avons alerté en mai dernier l’UNESCO, qui s’est déplacée et a fait
un rapport, mais n’a malheureusement pas pu entraver ce projet dont les implications financières et politiques sont énormes. Nous avons eu par ailleurs un très grand soutien de la mission archéologique américaine du Chicago Institute, basée elle aussi à Louqsor, qui a eu le courage de ’impliquer et de nous suivre dans nos démarches d’appels au secours.

Mais rien n’y a fait. Sur la rive Ouest, les magnifiques villages de
brique crue sont détruits à l’heure actuelle à grands coups de pelleteuses, car la plupart des maisons sont construites sur des tombes. Ces tombes constitueront un revenu supplémentaire au gouvernement. Ils vont transformer a rive Ouest en « Paraon-land », avec des trajets balisés et gardés par la olice, dont les itinéraires forcés conduiront les touristes à dépenser le lus d’argent possible. Les malheureux habitants seront eux aussi relogés dans des blocs en bétons ans le désert, au nord, très loin de leurs champs.

A Louqsor, que ce soit sur la rive Est( la ville) ou la rive Ouest (la
campagne), les gens vivent en majeure partie du tourisme. Les expulser dans le désert les condamne.

Si j’étais un égyptien dont on avait ainsi détruit la maison, incapable de
crier sous peine d’être emmené et torturé, j’attendrai patiemment que les aménagements touristiques soient terminés, et je mettrai une bombe. C’est ce qui s’est passé l’année dernière à Sharm el cheikh, pour cette même raison, le gouvernement avait expulsé les bédouins de leurs boutiques pour en onstruire de nouvelles dont le profit va au gouvernement, avait dressé un ur isolant les habitants de la station balnéaire qui les faisait vivre,
même scénario, et c’est ce qui arrivera encore.

Parce que l’Egypte est un beau pays, parce que nous, étrangers, venons y rencontrer l’héritage d’une merveilleuse civilisation et nous en imprégner, parce que nous sommes en quête d’authentique et de traditionnel, parce que es maisons en briques crues nous émerveillent autant que les ruines haraoniques, parce que nous avons un coeur et une conscience, parce que nous aimons et respectons ces gens qui n’ont rien et nous reçoivent en nous offrant tout, ne cautionnons pas ces monstruosités. On ne doit pas détruire des écoles pour construire des hôtels pour les touristes !

La seule chose que vous pouvez faire est de diffuser ce message, afin de sensibiliser le monde.

hedeza@hotmail.com