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Les rapaces

mercredi 23 février 2005

Emirats arabes unis

( Mercredi, 23 février 2005 )

Une récente rencontre sans précédent à Jérusalem entre un haut responsable de l’émirat de Dubaï et les dirigeants israéliens, dont le Premier ministre Ariel Sharon, a suscité des remous dans les Emirats arabes unis.
Mohammad al-Abbar, qui avait été reçu la semaine dernière à Ramallah par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avait aussi brièvement rencontré à Jérusalem M. Sharon et s’était entretenu avec le « numéro deux » du gouvernement israélien, Shimon Peres, selon des sources officielles israéliennes.
Il avait proposé au gouvernement israélien d’acheter les maisons des colonies juives de la bande de Gaza qui doivent être évacuées cette année, mais s’était heurté à un refus de M. Sharon, selon ces mêmes sources.
Mais M. Abbar n’est pas seulement un milliardaire qui dirige la plus grande société immobilière de Dubaï, Emaar. C’est aussi le directeur du département du développement économique de Dubaï et, à ce titre, l’un des plus hauts responsables de cet émirat, l’un des sept qui forment la fédération des Emirats arabes unis.
« Lorsque Abbar ose diriger une politique étrangère qui lui est propre cela devient totalement inacceptable », pouvait-on lire lundi dans Al-Ittihad, quotidien officiel du gouvernement de l’émirat d’Abou Dhabi, la capitale fédérale.
« Il a voulu embarrasser l’Etat des Emirats par des contacts privés (avec) les Israéliens, ce qui est irresponsable et inacceptable », poursuivait l’article, ajoutant que « c’est la première fois dans l’histoire de notre pays, éclatante de blancheur, qu’un individu ose, par un tel contact avec Israël, dépasser la politique annoncée publiquement ».
L’auteur du commentaire demandait même implicitement des sanctions contre le président d’Emaar.
Mercredi, une association privée, mais qui semble refléter les positions fédérales, le « Comité national émirati pour la lutte contre la normalisation avec l’ennemi israélien », créé en novembre 2000 par des personnalités émiraties après le début de l’Intifada, a également sévèrement condamné l’initiative de M. Abbar.
« Cette initiative, totalement injustifiée, est contraire au droit international et à la loi fédérale émiratie », a affirmé ce comité dans un communiqué.
Malgré des appels répétés de l’AFP, Emaar et le bureau de M. Abbar n’ont pas souhaité faire de commentaires.
Emaar avait annoncé vendredi la création d’une nouvelle compagnie, Emaar Palestine, dans les territoires de l’Autorité palestinienne, précisant que cette initiative avait été prise conformément aux directives du prince héritier et homme fort de Dubaï, cheikh Mohammad ben Rached Al-Maktoum, également ministre de la Défense des Emirats.
Les autorités de Dubaï n’avaient toujours pas réagi officiellement mercredi, pas plus que les autorités fédérales.
Le point le plus important consiste à savoir si M. Abbar est allé trop loin ou s’il a simplement appliqué les instructions qui lui ont été données.
Selon « une source émiratie de haut rang » à Abou Dhabi citée mardi par le quotidien arabe Asharq Al-Awsat, « en entreprenant des contacts avec des responsables israéliens, il (Abbar) a dépassé le cadre du mandat que lui ont fixé les autorités émiraties ».
M. Abbar « n’était mandaté ni par les autorités locales de Dubaï, ni par les autorités fédérales pour mener de tels entretiens » avec le gouvernement israélien, a ajouté ce responsable anonyme.
Pour Moustapha Al-Ani, analyste au Centre de Recherches du Golfe, basé à Dubaï, l’initiative de M. Abbar restera sans effet sur une éventuelle normalisation entre les Emirats et Israël.
En juin, des médias israéliens avaient rapporté qu’Israël négociait l’ouverture d’un bureau de liaison à Abou Dhabi. Une source émiratie avait alors rejeté ces informations comme de « la propagande israélienne ».
« La politique étrangère des Emirats relève de la compétence exclusive du gouvernement fédéral », explique M. Ani. Or, pour Abou Dhabi, « c’est l’établissement d’une paix juste et globale qui favorisera une telle normalisation, et non le contraire », conclut-il. - ( Avec AFP-Dubai )