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Il fallait s’y attendre ! (ndlr)

Sur la défensive en Europe, la Russie passe à l’offensive au Moyen-Orient

par Emilie Sueur

lundi 19 février 2007

publié le lundi 19 février 2007

Le 10 février dernier, lors de la conférence pour la sécurité à Munich, le président russe, Vladimir Poutine, a fait souffler le vent de guerre froide sur la quarantaine de ministres de la Défense et des Affaires étrangères présents.

Le maître du Kremlin s’est en effet lancé dans une violente diatribe antiaméricaine, accusant les États-Unis de vouloir imposer un monde unipolaire et la politique américaine d’être à l’origine de nombreux désastres.

Alors que le concept de « guerre froide » a fait un retour en force dans les titres de la presse internationale, il semblerait plutôt que la politique russe relève d’une double stratégie. La première serait une réaction à la montée de l’influence américaine en Europe de l’Est. La seconde viserait à profiter des échecs américains au Moyen-Orient, pour accroître l’influence russe dans cette région.

Le discours de M. Poutine semble ainsi s’inscrire, d’abord, dans le cadre d’une tentative de la Russie de contenir sa perte d’influence en Europe de l’Est et l’avancée américaine conséquente.

Le dernier sujet d’accrochage entre Moscou et Washington concerne la volonté des Américains d’installer un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque, c’est-à-dire aux portes de la Russie. Washington assure que ce bouclier est dirigé contre des pays tels l’Iran ou la Corée du Nord et ne représente en rien une menace pour la Russie. La réponse russe a néanmoins pris la forme d’une menace, celle de sortir d’un traité américano-soviétique signé en 1986, qui prévoit l’élimination et l’interdiction permanente d’une classe entière de missiles balistiques américains et soviétiques.

À ce dernier point de fixation, il faut ajouter le basculement à l’Ouest de nombreuses anciennes républiques soviétiques, de l’Ukraine à la Géorgie, ainsi que le dossier du Kosovo, dont le statut devrait être prochainement discuté au Conseil de sécurité. À ce sujet, la République fédérale de Russie, qui redoute par-dessus tout un effet de contamination des revendications indépendantistes, a averti que « l’octroi de l’indépendance » au Kosovo aurait « les conséquences les plus négatives » pour les Balkans et « l’Europe dans son ensemble ». Sur la défensive en Europe, la Russie est aussi passée à l’offensive au Moyen-Orient. Il y a une semaine, le président russe a effectué une tournée moyen-orientale visant précisément les principaux alliés des États-Unis dans la région : la Jordanie, le Qatar et l’Arabie saoudite. Visite au cours de laquelle il a multiplié les attaques verbales contre Washington, notamment en ce qui concerne la gestion des conflits régionaux.

La visite de M. Poutine à Ryad est particulièrement intéressante car elle intervient alors que des divisions semblent apparaître au sein de l’establishment saoudien au sujet des relations entre le royaume et les États-Unis. Selon certains analystes, deux clans s’opposent désormais en Arabie saoudite. D’un côté, celui du prince Bandar ben Sultan, proche de l’Administration Bush, de l’autre, celui des « colombes », incarné par Turki al-Fayçal. Une occasion pour le chef du Kremlin d’avancer ses pions pour la gestion des dossiers régionaux, notamment iranien.

La Russie entretient en effet des relations proches avec la République islamique. En 1995, les deux parties ont signé un accord pour la construction d’une centrale nucléaire iranienne à Bouchehr, dont l’assemblage du réacteur par des experts russes devrait bientôt débuter. Parallèlement, un responsable russe a annoncé, en janvier dernier, que Moscou respectait le calendrier de ses ventes d’armements antiaériens à l’Iran et à la Syrie. De quoi irriter les États-Unis.

Sur le dossier israélo-palestinien, cher à Washington, Moscou tente également une percée. Juste avant son départ de Jordanie, le président russe a en effet rencontré Mahmoud Abbas, à qui il a réaffirmé son soutien.

Par rapport aux États-Unis, engoncés dans des positions de principe rigides, notamment concernant le Hamas, Moscou pourrait tirer les bénéfices de sa flexibilité. Tout en soulignant la nécessité pour le Hamas de reconnaître l’existence d’Israël, Moscou ne cesse de rappeler que le parti islamiste a été démocratiquement élu. Symbole de la différence d’approche entre Moscou et Washington, alors que Poutine appelait, la semaine dernière, à des avancées concrètes lors de la rencontre Abbas-Olmert prévue aujourd’hui, la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, pourtant à l’origine de ce sommet, indiquait que le rapprochement entre le président palestinien et le Hamas compliquait la donne.

L’Orient le Jour, 19 février 2007 http://www.lorientlejour.com/page.aspx ?page=article&id=334525