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« Nous ne serons pas toujours faibles et nous détruirons le mur qui détruit nos vies »

Shawkat Mustapha Samha Maire de Jayyous en Cisjordanie - Entretien

Comité Action Palestine

jeudi 25 janvier 2007

- 

Si vous relisez l’Histoire ancienne, vous verrez que les juifs qui vivaient ici ont eu un Etat pendant 66 ans, pas plus. Les Palestiniens eux vivent ici depuis des milliers d’années. "

« Nous ne serons pas toujours faibles et nous détruirons le mur qui détruit nos vies »

déclare Shawkat Mustapha SAMHA, maire du village palestinien de Jayyous, dans une interview réalisée pour le CAP (Comité Action Palestine), le dimanche 5 novembre 2006.
Nous sommes 4 jours avant le massacre de Beit Hanoun. L’incursion israélienne a commencé depuis 3 jours, et déjà plus de 20 palestiniens ont été tués.
Jayyous est un gros village agricole de Cisjordanie situé à environ 50 km au nord-ouest de Jérusalem. En 2002, Israël a entrepris la construction du Mur de l’Apartheid qui prive les habitants de Jayyous de 80% de leurs terres.
En octobre 2005, Shérif Omar Khalid, un agriculteur de Jayyous, responsable du Comité de Défense de la Terre, était venu à Bordeaux, à l’invitation du CAP nous exposer la situation du village de Jayyous et nous parler du combat des villageois contre la politique israélienne de vol de la terre. (voir L’histoire de l’abri de jardin et La politique israélienne d’expropriation systématique ).
Le Mur a détruit le village de Jayyous et ses habitants. L’unique objectif de ce Mur est de les faire partir, de les obliger à abandonner cette terre qui est leur raison d’exister. Ce Mur est l’un des outils de la politique sioniste de vol de la terre et d’épuration ethnique de la Palestine. Plus qu’un outil, il en est aujourd’hui un symbole.
Présents à Jayyous pendant la première semaine de novembre 2006, nous avons pu voir tout cela. Nous avons pu écouter les habitants de Jayyous parler de la situation. Nous avons notamment recueilli les propos du maire de Jayyous que nous vous rapportons ici.
CONTEXTE
Jayyous est un gros village agricole de Cisjordanie situé à environ 50 km au nord-ouest de Jérusalem. Ses terres s’étendent de part et d’autre de la Ligne Verte, qui est la ligne d’armistice de 1949, franchie en 1967 par l’armée israélienne pour occuper toute la Cisjordanie. Le village lui-même se dresse sur les premières collines de Cisjordanie, à 6 km de la Ligne Verte. Il fait face à la plaine côtière et du village on peut apercevoir la Méditerranée. Ce village est un très ancien village et de nombreux édifices attestent d’une existence millénaire. Il compte actuellement environ 3 500 habitants et presque autant de Jayoussi exilés.
La superficie du village est de 14 500 dunums (1 450 ha), dont 2000 sont effectivement situés à l’ouest de la Ligne Verte. Mais parce qu’elles sont fertiles et richement dotées en ressources en eau, les terres de Jayyous, comme celles de tous les villages situés le long de la Ligne Verte, sont très convoitées par Israël. Depuis 1967, les confiscations ont commencé pour construire la colonie de Zufim, en vigueur d’anciennes lois ottomanes, ou bien issues du mandat britannique ou tout simplement pour « des raisons de sécurité ». Les confiscations les plus importantes (1 360 dunums) ont eu lieu en octobre 1988 sur ordre militaire. Depuis les agriculteurs de Jayyous se battent juridiquement pour conserver chaque arpent de terre.
En 2002, Israël a entrepris la construction du Mur de l’Apartheid. A Jayyous, il passe au pied du village, c’est-à-dire à 6 km de la Ligne Verte, ce qui signifie aussi que 80% des terres se trouvent à l’ouest du Mur. Des milliers d’oliviers et d’amandiers ont été arrachés, dont certains étaient millénaires.

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Shawkat Mustapha Samha
Maire de Jayyous en Cisjordanie
- Entretien -

Comité Action Palestine
publié le jeudi 25 janvier 2007.

" Si vous relisez l’Histoire ancienne, vous verrez que les juifs qui vivaient ici ont eu un Etat pendant 66 ans, pas plus. Les Palestiniens eux vivent ici depuis des milliers d’années. "

« Nous ne serons pas toujours faibles et nous détruirons le mur qui détruit nos vies »
déclare Shawkat Mustapha SAMHA, maire du village palestinien de Jayyous, dans une interview réalisée pour le CAP (Comité Action Palestine), le dimanche 5 novembre 2006.
Nous sommes 4 jours avant le massacre de Beit Hanoun. L’incursion israélienne a commencé depuis 3 jours, et déjà plus de 20 palestiniens ont été tués.
Jayyous est un gros village agricole de Cisjordanie situé à environ 50 km au nord-ouest de Jérusalem. En 2002, Israël a entrepris la construction du Mur de l’Apartheid qui prive les habitants de Jayyous de 80% de leurs terres.
En octobre 2005, Shérif Omar Khalid, un agriculteur de Jayyous, responsable du Comité de Défense de la Terre, était venu à Bordeaux, à l’invitation du CAP nous exposer la situation du village de Jayyous et nous parler du combat des villageois contre la politique israélienne de vol de la terre. (voir L’histoire de l’abri de jardin et La politique israélienne d’expropriation systématique ).
Le Mur a détruit le village de Jayyous et ses habitants. L’unique objectif de ce Mur est de les faire partir, de les obliger à abandonner cette terre qui est leur raison d’exister. Ce Mur est l’un des outils de la politique sioniste de vol de la terre et d’épuration ethnique de la Palestine. Plus qu’un outil, il en est aujourd’hui un symbole.
Présents à Jayyous pendant la première semaine de novembre 2006, nous avons pu voir tout cela. Nous avons pu écouter les habitants de Jayyous parler de la situation. Nous avons notamment recueilli les propos du maire de Jayyous que nous vous rapportons ici.

Le village de Jayyous (photo CAP).
CONTEXTE
Jayyous est un gros village agricole de Cisjordanie situé à environ 50 km au nord-ouest de Jérusalem. Ses terres s’étendent de part et d’autre de la Ligne Verte, qui est la ligne d’armistice de 1949, franchie en 1967 par l’armée israélienne pour occuper toute la Cisjordanie. Le village lui-même se dresse sur les premières collines de Cisjordanie, à 6 km de la Ligne Verte. Il fait face à la plaine côtière et du village on peut apercevoir la Méditerranée. Ce village est un très ancien village et de nombreux édifices attestent d’une existence millénaire. Il compte actuellement environ 3 500 habitants et presque autant de Jayoussi exilés.
La superficie du village est de 14 500 dunums (1 450 ha), dont 2000 sont effectivement situés à l’ouest de la Ligne Verte. Mais parce qu’elles sont fertiles et richement dotées en ressources en eau, les terres de Jayyous, comme celles de tous les villages situés le long de la Ligne Verte, sont très convoitées par Israël. Depuis 1967, les confiscations ont commencé pour construire la colonie de Zufim, en vigueur d’anciennes lois ottomanes, ou bien issues du mandat britannique ou tout simplement pour « des raisons de sécurité ». Les confiscations les plus importantes (1 360 dunums) ont eu lieu en octobre 1988 sur ordre militaire. Depuis les agriculteurs de Jayyous se battent juridiquement pour conserver chaque arpent de terre.
En 2002, Israël a entrepris la construction du Mur de l’Apartheid. A Jayyous, il passe au pied du village, c’est-à-dire à 6 km de la Ligne Verte, ce qui signifie aussi que 80% des terres se trouvent à l’ouest du Mur. Des milliers d’oliviers et d’amandiers ont été arrachés, dont certains étaient millénaires.

Olivier millénaire arraché par les Israéliens (photo CAP).
Ce Mur a détruit le village de Jayyous, il a détruit la vie des habitants. L’unique objectif de ce Mur est de les faire partir, de les faire abandonner cette terre qui est leur raison d’exister. Ce Mur est un des outils de la politique sioniste de vol de la terre et d’épuration ethnique de la Palestine. Plus qu’un outil, il en est aujourd’hui un symbole.
Présents à Jayyous pendant la première semaine de novembre 2006, nous avons pu voir tout cela. Nous avons pu voir le Mur et l’unique passage qui permet à certains agriculteurs autorisés de rejoindre leurs terres situées à l’Ouest du Mur. Nous avons pu voir la zone d’extension de la colonie de Zufim établie sur les terres confisquées. Cette nouvelle colonie devrait comprendre 1 000 unités d’habitations, soit 10 fois plus que la « colonie-mère ».
Nous avons pu écouter les habitants de Jayyous parler de la situation. Nous avons notamment recueilli les propos du maire de Jayyous que nous vous rapportons ici.
Pour plus de détails, voir le site de l’association Les Amis de Jayyous. Vous pouvez aussi venir assiter à nos soirées témoignage.
INTERVIEW
Mr SAMHA nous souhaite la bienvenue.
Tous les Palestiniens sont contents que des invités viennent en Cisjordanie se rendre compte des conditions de vie si difficiles sous occupation.
En fait, les médias israéliens ne disent pas la vérité. Pendant la période nassérienne - Nasser est décédé en 1967- les Israéliens, les Américains et les Européens disaient que Nasser et les pays arabes voulaient jeter les juifs à la mer. C’était un gros mensonge. Nous n’avons jamais voulu faire ça. La réalité, c’est le mur et vous avez vu combien il endommage nos vies. La réalité c’est que les israéliens veulent nous jeter dans le désert.
Le mur a été construit pour voler toujours plus de terres aux palestiniens
A Jayyous, la plupart des habitants sont agriculteurs Ils tirent leurs revenus du travail de la terre, de leurs cultures - des légumes, des agrumes, des arbres fruitiers - et ceci parce qu’ils y travaillent nuit et jour. Comme tous les agriculteurs sur terre, nous aimons notre terre, nous aimons travailler sur nos terres. Et nous en vivions bien jusqu’à ce qu’ils construisent le mur. En fait ce mur n’endommage pas seulement notre terre, il endommage notre vie.
J’ai été enseignant pendant 32 ans. Tous les soirs, après l’école, j’allais dans mon jardin, sur ma ferme. Vous pouviez voir alors tous les habitants de Jayyous, tous vos voisins, dans leur jardin. Et ainsi ils obtenaient des revenus supplémentaires. Leur vie était bonne avec leur famille. J’ai 5 filles et 4 fils, je pouvais envoyer mes filles à l’Université. Maintenant, depuis le mur, je ne peux pas les envoyer à l’école, et je ne parle pas de l’Université.
Quand Israël a commencé à construire le mur, ils ont dit que c’était pour la sécurité. Réellement, vous l’avez vu, le mur : il est à 6 km à l’intérieur des terres de Jayyous. Si c’est la sécurité qu’ils veulent, ils auraient pu construire le mur sur la ligne verte, sur la frontière entre la Cisjordanie et le côté ouest. En réalité, ce mur ils ne le veulent pas pour la sécurité, mais pour confisquer de plus en plus de notre terre.
Rien que pour sa construction ce mur a conduit à la confiscation sur la commune de Jayyous de 600 dunums (60 ha) qui étaient plantés d’environ 4 000 oliviers et amandiers. A l’ouest du mur, il y a 8 600 dunums plantés d’environ 30 000 arbres : agrumes et autres, 20 000 oliviers et amandiers, avec 1 020 serres et 6 puits. Nous irriguions nos arbres et légumes avec cette eau, et en ramenions au village car elle était de très bonne qualité. Mais, depuis la construction du mur, ce n’est plus possible.
Depuis, à Jayyous, nous devons utiliser l’eau du puits d’Azzoun, puits situé à moins de 300 mètres d’une décharge utilisée par les colons depuis plus de 25 ans. Cette eau est très chargée en métaux lourds. Les analyses réalisées à l’université Al Nadja de Naplouse révèlent que la qualité de cette eau est mauvaise. Beaucoup de gens sont malades, il y a de nombreux cancers. Beaucoup disent que c’est à cause de l’eau. Par le biais de l’Autorité palestinienne et le service des Eaux, nous avons déposé une demande d’autorisation afin de ramener l’eau des puits situés à l’ouest du mur. Le gouvernement israélien a demandé une licence, un permis... Nous avons envoyé des cartes. Mais depuis 6 mois, nous n’avons aucune réponse. Nous espérons bien qu’un jour ou l’autre, nous pourrons récupérer cette eau.
Pour cultiver sa terre il faut obtenir un permis des israéliens qui ne l’accordent qu’à 20% de la population
Les habitants de Jayyous ont perdu leurs fermes, leurs terres, leur travail. Ils restent là, ils ne travaillent pas, car ils ne peuvent pas non plus aller travailler en Israël. Celui qui veut travailler, se rendre sur sa ferme, doit obtenir un permis de la part des autorités israéliennes.. A Jayyous, 85% des habitants sont agriculteurs et seulement 20% des habitants de Jayyous ont un permis.

Quand les permis ont commencé à être octroyés, un officier israélien est venu de Qadoumim et a commencé à distribuer les permis. Imaginez qu’ils ont établi des permis pour des morts, pour des personnes très âgées, et même pour des bébés. Quelqu’un a fait la remarque suivante : « prenez ce permis et allez le mettre au cimetière ». Maintenant tous ceux qui veulent un permis doivent aller le demander à Qadoumin. Mais actuellement, lorsque le permis arrive à échéance, il est très difficile d’obtenir son renouvellement parce qu’ils ne veulent pas que nous allions sur nos terres.
Par exemple, je n’ai pas de permis, ni aucun membre de ma famille. Les israéliens m’ont dit que ce n’était pas possible pour raison de sécurité. Je n’ai pas pu récolter mes oliviers, je ne peux même pas voir mon verger d’agrumes. Une amie française, qui travaille pour la Croix Rouge, est allée à Quaddoumi (siège de la division militaire israélienne en charge de la région) pour demander un permis en mon nom. On lui a répondu « non, il n’aura pas de permis ». Pourquoi ? Parce que je suis palestinien, je crois... « Etre palestinien est un crime » renchérit Sharif.
Un ami de Genève m’a dit : « si je vais à l’aéroport de Tel Aviv depuis Genève, je mets 4 heures, si tu veux aller à Naplouse (40 km), il te faut plus de 4 heures à cause des check points ».
Si nous voulons aller sur nos terres, nous avons besoin d’un permis. Tous ceux qui ont un permis doivent utiliser les « portes ». Quand ils y arrivent à la porte, ils sont confrontés aux soldats : vous avez pu voir ce que leur font subir les soldats. Un vieil homme de plus de 85 ans doit soulever sa chemise, se retourner pour inspection. Si quelqu’un veut passer et qu’il est seul, les soldats lui disent de s’asseoir et de d’attendre qu’un deuxième arrive. Si quelqu’un a un tracteur et veut ramener des caisses de fruits ou de légumes de sa ferme, il doit d’abord toutes les décharger.
Et si un étranger arrive à Tel Aviv et dit qu’il vient à Jayyous, et non en Israël, les autorités israéliennes gardent ses papiers d’identité jusqu’au soir.
La vie des Palestiniens sous occupation est devenue insupportable. Pourquoi ?
Vous voyez nos difficultés de vie en Cisjordanie. A Gaza, la vie est encore plus misérable. Vous entendez et vous lisez dans les medias que chaque jour l’armée tue des Palestiniens. Pourquoi ? Pour rien. Parce qu’ils sont palestiniens. Plus de 10 000 Palestiniens sont en prison, des femmes et des enfants de moins de 13 ans. Ils n’ont jamais rien fait. Nos fils, à Abou Azem et moi ont été mis plusieurs fois en prison. Pourquoi ? Parce qu’ils sont musulmans ? Etre Palestiniens et musulmans, c’est être extrémistes ? Pourquoi nous tuent-ils, pourquoi mettent-ils nos fils en prison et rendent-ils notre vie si difficile ? Nous avons entendu dire que Sharon est un homme de paix, et aussi qu’ Olmert est un homme de paix...Peut-être que Lieberman est un également un homme de paix, lui qui dit que les Palestiniens doivent être expulsés.
Si vous étudiez l’histoire avant 1948, vous voyez qu’il n’y avait pas d’Etat qui s’appelait Israël. La Palestine historique allait de la Méditerranée jusqu’au Jourdain. C’était la Palestine. La Palestine était une colonie pour les anglais. C’est grâce au ministre anglais des Affaires étrangères qui a dit « je vais vous donner une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Où étaient les Palestiniens à cette époque ? Ils étaient là, car la Palestine n’était pas sans peuple.
Si vous relisez l’Histoire ancienne, vous verrez que les juifs qui vivaient ici ont eu un Etat pendant 66 ans, pas plus. Les Palestiniens eux vivent ici depuis des milliers d’années. Ils (les sionistes) disent : « Dieu a donné cette terre aux juifs ». Nous on ne dit pas : « c’est Allah (qui a donné cette terres aux juifs) », on dit « c’est Balfour ». Balfour est un assassin, nous détestons cet homme qui a conduit plus de 5 millions de Palestiniens en l’exil. Partout où vous allez dans le monde, vous trouvez des Palestiniens. Nos enfants sont partis, mon fils est à Dubaï, le fils d’Abou Azem est en Ukraine. Les membres de nos famille sont réfugiés.
Avec les accords d’Oslo, signés entre Arafat et le gouvernement israélien, Arafat et ceux qui sont entrés en Cisjordanie avec lui, mais aussi tous les Palestiniens, ont signifié qu’ils voulaient vivre pacifiquement avec leurs voisins israéliens. Les Palestiniens ne veulent pas la guerre, ni se battre, ils ne veulent tuer personne. Les victimes passent pour des assassins, maintenant. Dans l’esprit de Bush, les assassins sont innocents. Les Palestiniens sont les terroristes. Mais pouvez-vous me dire : qui sont les terroristes ? Celui qui met les autres en prison, celui qui confisque la terre ? Ou bien les victimes ? Vraiment nous ne voulons tuer personne, mais chaque jour ils nous tuent, ils tuent des Palestiniens. Le monde est aveugle et sourd, le monde ne voit pas notre vie si dure, ce que l’occupant fait de nous. Les soldats tuent des Palestiniens, ils nous mettent en prison. Personne ne dit rien, même pas les pays arabes qui ne veulent pas mettre Bush en colère.
Maintenant je n’ai plus de terres. Le gouvernement israélien a arraché 800 oliviers qui m’appartenaient. Je n’ai pas de permis. Je ne peux pas aller sur mon verger d’agrumes, sur mon oliveraie, sur ma ferme. Maintenant nous sommes des réfugiés vivant dans nos maisons.
Nous avons un espoir, que le mur soit détruit comme l’a été celui de Berlin
J’espère que lorsque vous rentrerez chez vous - et j’espère que vous rentrerez en bonne santé - j’espère que vous serez des ambassadeurs des faits, des ambassadeurs de la vérité, auprès de vos amis, de vos familles, au sujet de notre vie, de ce que vous avez vu. Pas ce que vous avez entendu ; que ce soit de nous ou des médias israéliens. Ce que vous avez vu, par exemple les comportements des soldats, dites-le autour de vous s’il vous plait, écrivez dans vos journaux, dites à la radio, si vous en avez l’occasion, quelles sont nos pertes en raison de l’occupant.
Je pense que personne au monde n’aime l’occupation. Nous avons le droit de vivre librement avec nos familles, nos fils, en nous occupant de nos terres et de nos fermes. C’est notre droit. Si nous voulons la paix - et nous voulons la paix - J’entends dire que les américains et les européens oeuvrent pour la paix ici. Comment pouvons-nous vivre pacifiquement sans tous ceux qui sont réfugiés en ce moment. La première condition pour la paix c’est que tous les réfugiés, tous ceux qui le souhaitent, puissent revenir dans leurs maisons, sur leurs terres. Est-il juste que les juifs qui viennent de Russie aient le droit d’être ici, et que ce soit interdit pour les Palestiniens qui sont hors de la Palestine ?
Aussi, cette terre était appelée la terre de la paix. La Palestine est la terre de la paix. Et maintenant, ils l’ont transformée en terre de la guerre, en terre de la haine.
Nous avons un espoir, que le mur soit détruit comme l’a été celui de Berlin. Si ce n’est pas à court terme, ce sera pour nos enfants et nos petits enfants, mais il sera démoli. L’enfant est faible, mais le nourrisson ne reste pas un nourrisson toute la vie, et le faible ne sera pas faible pour toujours, il sera fort de nouveau. Maintenant nous n’avons pas d’Etat. Nous devons construire notre Etat. Nous ne serons pas toujours faibles et nous détruirons le mur qui détruit nos vies. Nous serons alors très heureux de dire à nos invités « Bienvenue en Palestine libre ».
Les habitants de Jayyous se sont mobilisés contre la construction du mur
Quand ils ont commencé à construire le mur, nous avons manifesté quotidiennement avec nos amis d’ISM. Tous les jours, nous faisions un sitting devant les bulldozers. Ils nous ont frappés, nous ont jetés par terre. Beaucoup ont dû être hospitalisés.
Nous n’oublierons jamais Ray, un vieil Irlandais. Il a été blessé par un soldat qui l’a poussé par derrière, il est tombé sur une pierre et a été blessé au visage. Il a refusé de prendre l’eau d’un soldat israélien pour se laver le visage, et il a même refusé d’être conduit dans un hôpital israélien. Il a dit « je veux aller à Jayyous et qu’un docteur palestinien me soigne ».
Nous avons intenté plusieurs procès contre l’armée et le gouvernement israélien. Mardi dernier, notre avocat Azmi Bishara Al Najra était devant la Cour Suprême à Jérusalem. Il a essayé de convaincre le Juge que le mur n’a pas été construit pour des raisons de sécurité, mais pour voler plus de terres aux habitants de Jayyous et étendre les colonies. Il a dit que le mur a détruit la terre de Jayyous et que la plupart des habitants ne peuvent atteindre leurs terres. Les juges ont répondu : « Si on déplace le mur, cela va détruire 450 dunums supplémentaires des terres de Jayyous ». Alors l’avocat a dit : « Avez-vous demandé aux habitants de Jayyous ce qu’ils en pensent ? ». Finalement le juge a décidé que l’armée avait 45 jours pour reconsidérer le tracé du Mur en fonction des intérêts des Palestiniens et des colons !!! Je crois que nous n’obtiendrons rien du gouvernement israélien. Ils veulent seulement que nous vivions misérablement, sans revenu, sans travail.
Les députés du HAMAS ont été élus démocratiquement
La plupart des pays européens et les américains ont dit aux Palestiniens qu’ils devaient élire ceux qu’ils voulaient. Le Hamas a remporté ces élections de manière parfaitement démocratique. Tous les observateurs ont reconnu qu’elles s’étaient parfaitement déroulées. Ici la plupart des gens ont voté pour le Hamas. Et maintenant ceux qui voulaient des élections démocratiques nous disent que ce n’était pas le bon choix. Je pense que dans pas plus de deux semaines notre gouvernement comprendra des membres du Hamas, du Fatah et d’autres organisations. C’est le meilleur chemin pour lever les pressions qui s’exercent sur nous.
Ceux qui exercent cette pression veulent que les Palestiniens crèvent de faim. Nous devons faire de notre mieux pour constituer ce gouvernement avec la plupart des organisations, car tous sont Palestiniens. Ils sont comme des frères. Quelquefois les frères se disputent, mais ce n’est jamais très sérieux. A partir du moment où j’ai été élu maire, j’ai dit à tout le monde : « laissez de côté le Hamas et le Fatah pour servir les habitants de Jayyous, s’il vous plait, laissez cela dehors ». Car finalement nous sommes tous de la même ville, du même endroit. Nous sommes des parents dans cette ville. Après les crimes des Israéliens, les 23 morts et les 250 blessés de Beit Hanoun, le Hamas et le Fatah font de leur mieux pour former ce gouvernement de manière à être unis face à l’ennemi. Et ils ont accepté un gouvernement avec la plupart des organisations politiques à Gaza et en Cisjordanie. C’est la meilleure façon de faire face à la pression.
Parfois vous entendez que les gens du Hamas sont des terroristes. Réellement nous ne sommes pas des terroristes. Nous ne voulons tuer personne. Nous voulons juste nous défendre. Le Hamas tire beaucoup de leçons des propos du prophète Mahomet. Aux débuts de l’Islam, le prophète a dit aux Musulmans : « Dans le combat, ne tue pas un vieil homme, pas une femme, pas un enfant, pas un homme dans son lieu de prière. N’arrachez pas les arbres ». Qui fait ces 5 choses ? Récemment, ils ont tué 2 femmes à Beit Hanoun. Ils tuent des enfants, ils arrachent des arbres. L’armée israélienne fait tout ça. Vous savez qui sont les terroristes.
Le Hamas ne veut tuer personne. Pourquoi le fait-il parfois ? Qu’est-ce que vous attendez de quelqu’un qui a perdu sa maison, qui a été mis en prison plusieurs fois, qui a dû payer de lourdes amendes, qui n’a plus rien pour vivre ?
Et dans cette situation, peut-on donner une fleur aux soldats ? Pourquoi construisent-ils des colonies sur nos terres ? C’est la terre des Palestiniens. Mais ils construisent de plus en plus de colonies, alors c’est notre droit de faire tout ce qui est en notre possibilité contre ces colons.
Si vous regardez les soldats israéliens, ils se promènent 24 heures par jour avec leur mitraillette pointée, dans l’attente de tuer quelqu’un. Pourquoi cela ? Ils feraient mieux de rentrer chez eux à Tel Aviv auprès leur petite-amie, de leur femme, de leurs enfants et de vivre tranquillement plutôt que tuer des Palestiniens.
Tristement, nous lisons et entendons des responsables politiques dans les pays étrangers qui disent que les membres du Hamas sont terroristes. Nous ne le sommes pas. C’est la vérité, faites-moi confiance.

Comité Action Palestine
le 24/1/2007 - propos recueillis par Nathalie et Christine pour le CAP.
Publié sur le site de l’organisation Comité Action Palestine qui nous a transmis ce témoignage.