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Devoir de mémoire bien employé (ndlr)

DE BERGEN BELSEN A GAZA

par John Pilger

jeudi 25 janvier 2007

Sur le génocide qui engloutit la Palestine alors que les spectateurs regardent en silence.

Un génocide est en train d’engloutir le peuple de Gaza pendant que le silence engloutit ceux qui regardent.

« Environ 1,4 million de personnes sont entassées dans l’une des régions les plus densément peuplées au monde, pour la plupart des enfants qui n’ont pas la liberté de bouger, pas d’espace pour courir, pas d’endroit pour se cacher. » écrivent l’ancien haut responsable de l’humanitaire aux Nations unies, Jan Egeland, et Jan Eliasson, ministre des Affaires étrangères de Suède, dans Le Figaro. Ils décrivent un peuple « vivant dans une cage », toute issue terrestre, maritime et aérienne coupée, sans source d’électricité fiable, avec un peu d’eau seulement, torturé par la fin et la maladie, et par les agressions incessantes des troupes et des avions israéliens.
Egeland et Eliasson ont écrit cela il y a quatre mois pour essayer de briser le silence de l’Europe, laquelle, dans son alliance de soumission avec les Etats-Unis et Israël, a voulu faire annuler le vote démocratique qui avait porté le Hamas au pouvoir lors des élections palestiniennes l’an dernier.

L’horreur dans Gaza a amplifié depuis : une famille de 18 personnes a été écrasée sous une bombe US/Israël de 500 livres ; des femmes sans arme ont été fauchées à bout portant. Le Dr David Halpin, l’une des rares Britanniques à briser ce qu’il appelle « ce siège médiéval », a évoqué le meurtre de 57 enfants, tués par des obus d’artillerie, des missiles et des armes individuelles, et démontré que ces civils avaient été visés par Israël, comme au Liban l’été dernier. Une amie de Gaza, le Dr Mona el-Ferra, a envoyé ce mel : « Je vois les effets des bombes soniques impitoyables [une punition collective par les Forces aériennes israéliennes] et des obus de l’artillerie sur ma propre fille de 13 ans. La nuit, elle tremble de peur. Alors, toutes les deux, on finit par se tapir sur le plancher. J’essaie de la rassurer, mais quand les bombes tombent, je tressaille et je crie... »

La dernière fois que je suis venu dans Gaza, le Dr Khalid Dahlan, un psychiatre, m’a montré les résultats étonnants d’une enquête. « Ce que je trouve personnellement insupportable dans ces chiffres » disait-il, « c’est que 99,4 % des enfants que nous avons examinés souffrent de traumatisme. Mais quand vous regardez les taux d’exposition au traumatisme, vous comprenez pourquoi : 99,2 % ont vu leurs maisons bombardées ; 97,5 % ont respiré des gaz lacrymogènes ; 96,6 % ont été les témoins de fusillades ; 95,8 % l’ont été de bombardements et de funérailles ; près du quart des membres des familles que nous avons rencontrées ont été blessés ou tués. »

Dahlan m’a invité à venir voir dans l’un de ses centres médicaux. Ils étaient 30 enfants, tous victimes de traumatisme. Il a donné à chacun un crayon et du papier et leur a demandé de faire un dessin. Ils ont dessiné des images d’actes grotesques de terreur et des femmes pleurant de peur.

Le prétexte de la dernière campagne de terreur israélienne a été la capture en juin dernier d’un soldat israélien, membre d’une armée d’occupation illégale, par la résistance palestinienne. C’était du nouveau. L’enlèvement par Israël quelques jours plus tôt de deux Palestiniens - deux parmi des milliers d’autres durant toutes ces années - ça, ce n’était pas du nouveau.

Un certain jour de l’été 1944

Un historien et deux journalistes étrangers ont publié la vérité sur Gaza. Tous trois sont Israéliens. Ils se font souvent traités de traîtres.
L’historien, Ilan Pappe, a montré que « la politique de génocide - en Gaza - n’était pas une formule creuse » mais faisait bien partie d’un nettoyage ethnique délibéré, historique par le sionisme.
Gideon Levy et Amira Hass sont des journalistes du quotidien israélien, Ha’aretz.

En novembre, Levy montrait comment le peuple de Gaaza commençait à mourir de faim : « Ils sont des milliers de blessés, de malades et de gens choqués par les bombardements, sans pouvoir recevoir le moindre traitement... des ombres humaines qui errent dans les ruines... ils savent seulement que [l’armée israélienne] reviendra et ce que cela veut dire pour eux : plus d’enfermements dans leurs maisons pendant des semaines, plus de morts et de destructions dans des proportions monstrueuses. »

Hass, qui a vécu en Gaza, la décrit comme une prison qui déshonore le peuple d’Israël. Elle se rappelle comment sa maman, Hannah, a marché depuis le train à bestiaux jusqu’au camp de concentration nazi à Bergen-Belsen, un certain jour de l’été 1944. « [Elle] a vu ces femmes allemandes en train de regarder les prisonnières, juste regarder » écrit-elle. « Cette image s’est révélée très formatrice pour mon éducation, ces méprisables « regards de côté ».

« Regarder de côté », c’est ce que font ceux d’entre nous qui se réfugient dans leur silence de peur d’être traités d’antisémites.
Regarder de côté, c’est ce que font beaucoup trop de Juifs en Occident, alors que ces Juifs qui honorent les traditions humaines du judaïsme et disent : « Pas en notre nom ! » se font insulter, accusés de se « mépriser eux-mêmes ».

Regarder de côté, c’est ce que fait près de l’intégralité du Congrès US, réduit en esclavage ou intimidé par le méchant « lobby » sioniste.
Regarder de côté, c’est ce que font les journalistes « impartiaux », qui excusent l’anarchie qui serait la source des atrocités israéliennes et ignorent les évolutions historiques de la résistance palestinienne, telle que la reconnaissance implicite d’Israël par le Hamas.

Le peuple de Gaza a grand besoin de beaucoup mieux que ça.
John Pilger est un journaliste d’investigations et un réalisateur de film documentaires renommé. Il est l’un des deux seuls journalistes à avoir gagné deux fois le premier prix du journalisme britannique. Ses documentaires ont obtenu un Oscar aux USA et au Royaume-Uni.

La photo des enfants :
La Palestine a remporté le prix de la photo la plus triste décerné par la BBC dans le cadre de son concours de photos "tristesse et joie" en 2005. La photo prise par le producteur de la télévision palestinienne Abdul-Rahman Al Humran, montre trois petites filles pleurant leur frère tué par les soldats israéliens dans la ville de Rafah, au sud de la Bande de Gaza. Cette photo a gagné le premier prix. Elle fut prise le 10 octobre 2003 pendant l’invasion israélienne de Rafah.

John Pilger
22 janvier 2007 - Source : http://www.johnpilger.com
Il est publié aussi sous le titre Terror and stavation in Gaza
Diffusé en anglais par Corinne Grassi - traducton : JPP