Accueil > Rubriques > Paix et Justice - Géopolitique > Vacances à Gaza

Sinistre réalité et complicité des autorités égyptiennes

Vacances à Gaza

Par Samah Jabr(*)

samedi 20 janvier 2007

Le 19/01/07 17:31, a écrit :

En confiant à l’Europe la garde du poste de Rafah, entre la bande de Gaza et l’Egypte, l’Etat d’Israël a bien manoeuvré pour rendre cette Europe complice d’horreurs. En effet, tout est contrôlé par cameras depuis un poste israélien proche, qui décide de TOUT. Les européens présents font juste de la figuration.
Nous votons, nous ne devons pas nous prêter à ce jeu de dupes. La niaiserie est une faute politique gravissime.
Alain

.

De : "Sarah Ravioli"
À : "Assawra"
Objet : [assawra] A vacation in Gaza/ recommended article
Date : vendredi 19 janvier 2007 16:37

Durant cette période neuf personnes sont mortes à l’entrée alors qu’elles attendaient de pouvoir rentrer dans leurs familles. Le 30 juin, le docteur Hassan, un collègue âgé de 42 ans, est arrivé à l’aéroport du Caire alors qu’il était en route pour Gaza où il escomptait passer ses vacances d’été après une année de travail et d’études en France.

A peine avait-il montré son passeport palestinien aux fonctionnaires de l’aéroport du Caire qu’on lui demanda alors d’attendre sur le côté. Il expliqua qu’il était autorisé à entrer en Egypte, mais les fonctionnaires n’en tinrent pas compte et insistèrent pour qu’il attende à proximité, sans son passeport et sans ses bagages ; il n’avait aucune possibilité d’acheter une carte téléphonique pour se mettre en rapport avec ceux qui étaient responsables du déroulement de son voyage.

Trois heures se sont écoulées et Hassan était toujours à attendre.

Finalement, alors qu’il ne restait plus personne dans l’aéroport, un fonctionnaire qui passait par là le remarqua et demanda ce qu’il attendait.
Après qu’Hassan eut répondu, il fut conduit dans une pièce disposant de quelques chaises où dix autres Palestiniens attendaient leur transfert à l’entrée de Rafah le matin suivant. Il y avait là un homme avec deux enfants - un de 4 et l’autre de 5 ans - qui s’étaient endormis sur le sol et que leur père réveillait chaque fois qu’il était appelé pour un interrogatoire ; ceci fit Hassan se sentir moins à plaindre que ses compagnons.
Durant la nuit un rapport d’interrogatoire fut rédigé pour chacun d’entre eux et on leur demanda de payer une livre égyptienne pour chacune des copies. Comme les voyageurs protestaient, un fonctionnaire de rang plus élevé appartenant à la sécurité d’état arriva en hurlant : « les Palestiniens sont comme des valises, il faut appuyer dessus pour que leurs bouches restent fermées. »

Le matin qui suit, un bus est venu les chercher, eux et 15 autres personnes venant de l’autre bâtiment de l’aéroport, pour les amener à Abbasseyah où ils furent transférés dans un autre bus qui devait les emporter jusqu’à Rafah après un voyage de six heures ; ils étaient accompagnés de policiers qui se vantaient du privilège qu’ils accordaient à ces Gazaouites en ne les couvrant pas de chaînes tout au long du voyage. Non seulement le bus avait été affrété aux frais de ces misérables passagers, mais encore fallait-il que ceux-ci règlent tout ce que les soldats mangeaient ou buvaient.

Mais apparemment ce n’était pas le seul profit que ces soldats gagnaient en accompagnant ces Palestiniens. Lors d’un arrêt, les passagers refusèrent de manger dans une cafétaria dont le nom était Teiba sur la route d’Ismaeliah et qui était proposée avec insistance par les hommes de la sécurité. Le propriétaire finit par sortir en hurlant : « J’ai payé 10000 livres pour que ces passagers viennent manger ici ! »
Même les petites épiceries qui vendaient des boissons et des cigarettes faisaient exploser leurs prix pour pouvoir dévaliser ces passagers et en tirer bénéfice et profit.

Mais, ajouta Hassan, « tous les Egyptiens ne sont pas comme cela. Il y en a qui vendraient leur dernière vache pour aider les Palestiniens. »
Comme ils arrivaient à l’entrée de Rafah, ils virent un signe de mauvaise augure : il n’y avait aucun passager qui en sortait. Ils apprirent alors que le passage était bouclé et qu’ils devaient se préparer à compter les jours jusqu’à son ouverture. En effet, le passage avait été fermé après l’opération de la résistance à Karm Abu Salem.

Hassan se joignit aux 220 Palestiniens : des étudiants, des commerçants, des malades qui étaient en Egypte pour suivre un traitement médical, tous attendant que la passage ouvre pour retourner chez eux et retrouver leurs proches.

Quelques associations charitables égyptiennes et des groupes de solidarité, familiers avec ce qui se passait au poste frontière, prirent l’initiative d’approvisionner en nourriture et en couvertures les passagers bloqués à la porte de chez eux. Des militants égyptiens lancèrent aussi un appel à pétition destiné aux fonctionnaires européens responsables de l’entrée de Rafah.

Quelques jours passèrent sans aucun signe positif ou une quelconque nouvelle permettant de savoir au bout de combien de temps cette situation pénible pouvait prendre fin. Les nouvelles d’une opération de vengeance menée par les troupes israéliennes dans Gaza monopolisaient l’attention des médias, et peu de choses, si cela advenait, était mentionné dans les informations concernant les gens bloqués à l’entrée, bien que quelques personnes revenant de voyage pour raisons thérapeutiques ne pouvaient supporter de devoir y passer leur convalescence ; ils quittèrent alors cette vie pour toujours.

Un homme d’âge moyen eut plusieurs alertes cardiaques sévères avant que le côté égyptien n’accepte d’organiser son transfert vers l’hôpital le plus proche pour y faire des contrôles. L’ambulance arriva au bout de cinq heures et l’homme fut enchaîné avant d’être autorisé à partir.
Un autre voyageur était régulièrement appelé et totalement fouillé, et tout ce qui lui appartenait était saisi et soumis à une fouille minutieuse.
Le père des deux garçons qui maintenant souffraient d’incontinence urinaire passa ses « vacances » dans les toilettes, nettoyant avec le peu de moyens à sa disposition les vêtements de ses deux fils. A la fin de la semaine, Hassan commença à rêver de l’ouverture de la frontière. Le 7 juillet, Nabeel Sah’ath voulu négocier avec les Israéliens et les Européens l’ouverture du passage pour quelques heures pour permettre aux cas « humanitaires » de passer. Ses efforts ont été vains et le passage est resté bloqué.

Durant cette période neuf personnes sont mortes à l’entrée alors qu’elles attendaient de pouvoir rentrer chez elles et dans leurs familles.
Le début de la guerre israélienne contre le Liban le 12 juillet fit disparaître tout espoir d’une solution pour deux jours supplémentaires, jusqu’au 14 juillet où des hommes armés ont fait exploser une section du mur de séparation et ont envahi le côté égyptien pour permettre aux gens de passer.

Hassan était en pyjama mais avec les autres voyageurs il se précipita pour traverser la frontière à travers le mur avant que l’armée israélienne ne s’aperçoive de quelque chose et ne commence à tirer. Portant ses bagages et ne faisant nulle attention à ce qu’il laissait derrière lui, il courut pendant près de deux kilomètres jusqu’à ce qu’il trouve une voiture qui le conduise chez lui.

Hassan passa des vacances difficiles avec de fréquentes coupures d’eau et d’électricité suite au bombardement israélien contre la principale centrale électrique de Gaza ; mais il était heureux d’être avec sa famille et ses enfants.

Au début de septembre, Hassan était dans l’obligation de retourner à Paris. Afin de ne pas rater le jour où il devait passer la frontière de façon à prendre son avion, Hassan se présenta à l’entrée à partir de minuit, attendant son ouverture le matin suivant, mais ils étaient déjà des centaines à attendre avant lui.

Pour pouvoir passer la frontière, vous devez vous trouver dans un bus ; mais les bus à l’entrée étaient déjà pleins avant d’avoir même ouvert leurs portes. Des gens jeunes et pleins d’énergie entraient par les fenêtres. Hassan n’était ni jeune ni plein d’énergie. Il ne réussit à monter dans aucun des huit premiers bus dont le passage était autorisé ce jour-là. Il demanda le secours de ses cousins qui l’aidèrent à monter dans le neuvième bus, comme d’autres par la fenêtre, mais il dû encore passer une nuit à la frontière. Pour une quelconque raison, il quitta un moment le bus mais pour découvrir ensuite que sa place avait disparue. Les cousins aidèrent à nouveau Hassan, mais cette fois-ci il ne réussit qu’à monter sur le toit du bus car il ne restait pas la moindre place à l’intérieur.

Hassan me disait avoir vu en Août une photo d’un bus du même genre à la première page d’un journal local et avoir pensé par lui-même que ces gens qui prenaient le bus étaient fous. Il ne soupçonnait pas qu’il se verrait lui-même faisant la même chose contre son gré peu de temps après.

Quand Hassan parvint finalement de l’autre côté du mur, le bus qu’il avait pris vida ses passagers dans cinq autres bus. Hassan avait alors déjà manqué son avion pour Paris, mais il était en dehors de Gaza où la vie continue à être autant confinée que dans le bus qu’il prit pour en sortir.

(*) Samah Jabr est médecin et réside depuis de nombreuses années à Jérusalem [Al Qods]

Décembre 2006 - Palestine Times
Traduction : Claude Zurbach

Article imprimé à partir du site de la Campagne Civile Internationale Pour la Protection du