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Le plaidyer de l’Israélien David Grosmann pour la paix

4 jours aprés, Olmert lui répondait en semant la terreur à Gaza et en massacrant 18 innocents

Sans commentaires

mercredi 13 décembre 2006

Lors de la cérémonie annuelle à la mémoire de Yitzhak Rabin, nous nous rassemblons pour nous rappeler Yitzhak Rabin, l’homme et le chef. Nous nous regardons également nous-mêmes, nous regardons la société israélienne, ses dirigeants, l’état de notre esprit national, l’état du processus de paix, et notre position, en tant qu’ individus, face à ces grands développements nationaux.

Cette année, il n’est pas facile de nous regarder nous-mêmes.

Nous avons eu une guerre. Israël a brandi ses énormes biceps militaire, mais ceux-ci, en retour, se sont montrés trop courts et trop fragiles. Nous nous sommes rendus compte que nos militaires seuls ne pouvaient pas, quand la pression vient nous surprendre, nous défendre. En particulier, nous avons découvert que Israël fait face à une crise profonde, beaucoup plus profonde que nous ne l’avons imaginée, dans presque chacun des aspects de notre existence collective.

Je parle ici, ce soir, comme un homme dont l’amour pour cette terre est fort et complexe, mais néanmoins évident. Et comme quelqu’un pour qui le lien qu’il a toujours eu envers cette terre est devenu, pour son malheur, un lien tâché de sang. Je suis un homme dénué de toute foi religieuse, mais néanmoins, pour moi, la création, l’existence même, de l’état d’Israël est quelque chose qui s’apparente à un miracle qui nous est arrivé en tant que peuple - un miracle politique, national et humain. Je n’oublie jamais cela, même un seul moment. Même lorsque beaucoup de choses dans la réalité de nos vies m’exaspèrent et me dépriment, même lorsque le miracle se désagrège dans les fragments minuscules de la routine et de la misère, de la corruption et du cynisme, même lorsque le pays ressemble à une mauvaise parodie de ce miracle, je me rappelle toujours qu’il est le produit d’un miracle.

Ce sentiment se trouve à la base de ce que je dirai ce soir.

« Vois, ô terre , que nous étions pour la plupart des gaspilleurs, » le poète Shaul Tchernichowski a écrit ces mots en 1938. Il faisait grief de ce qu’au cœur de la terre, sur la terre d’Israël, nous avions, à maintes reprises, enterré des jeunes à l’aube de leurs vies. La mort des jeunes est une perte horrible et indigne. Mais non moins horrible est le sentiment que l’état d’Israël, pendant beaucoup d’années , a gaspillé de manière criminelle non seulement les vies de ses fils et filles, mais qu’il a également gaspillé le miracle qui s’est produit, la grande et rare occasion que l’histoire lui a accordée, l’occasion de créer un état démocratique éclairé, qui agirait selon les valeurs juives et universelles. Un pays qui serait une maison et un refuge national, mais pas uniquement un refuge. Ce serait également un endroit qui donnerait une nouvelle signification à l’existence juive. Un pays dans lequel une partie importante et essentielle de son identité juive, de son éthos juif, serait de manifester égalité et respect envers ses citoyens non-Juifs.

Regardez ce qui s’est produit.

Regardez ce qui est arrivé à ce jeune et audacieux pays, si plein de passion et d’esprit. Comment dans un processus de sénilité accélérée, lsraël est retourné en enfance, dans un état permanent d’irritabilité et de colère et d’occasions ratées. Comment s’est-il produit ? Quand avons-nous perdu même l’espoir que nous pourrions un jour pouvoir vivre une vie différente, meilleure ? Plus que cela, comment se fait-il que nous continuions aujourd’hui à ne pas réagir et à rester hypnotisés, alors que la folie et la vulgarité, la violence et e racisme envahissent notre maison ?

Et je vous le demande, comment se fait-il qu’un peuple avec nos pouvoirs de créativité et de régénération, comment une nation qui a su renaître de la poussière maintes et maintes fois, se trouve aujourd’hui , quand elle a une telle puissance militaire énorme, dans une situation de telle faiblesse et de tel délaissement ? Une situation dans laquelle elle est encore une victime, mais maintenant une victime d’elle-même, de ses craintes et de ses désespoirs, de son propre manque de perspicacité ?

Une des choses les plus dures que cette dernière guerre nous a révélées était le sentiment qu’en cette période, il n’y a pas de chef en Israël., Que notre direction politique et militaire est vide. Je ne parle pas maintenant des fiasco évidents dans la conduite de la guerre, ou de la manière dont l’arrière a été laissé à ses propres carences. Et je ne parle pas de nos actuelles affaires, grandes ou petites, de corruption. Je veux dire que les personnes qui dirigent aujourd’hui lsraël ne peuvent pas réconcilier les Israéliens avec leur identité, et certainement pas avec les parties les plus saines, les plus créatives et les plus inspirées de l’identité juive. Je parle de ces composantes de notre identité, de notre mémoire qui peuvent nous redonner courage et force, qui peuvent servir d’antidotes à l’atténuation de la responsabilité mutuelle et de notre attachement à cette terre, qui peuvent donner une signification à notre épuisante lutte désespérée pour la survie.

Aujourd’hui, les dirigeants israéliens exercent leur pouvoir principalement en ayant recours à la crainte et à l’intimidation, à la puissance et aux manœuvres en coulisses, en faisant bon marché de tout qui est nous cher . Dans ce sens, ils ne sont pas de vrais chefs. Ils ne sont certainement pas les chefs dont notre peuple si préoccupé et désorienté a besoin. Parfois, il semble que la partie saine de leurs pensées , de leur mémoire historique, de leur vision, de ce qui est vraiment importante pour eux, remplit seulement l’espace minuscule entre deux titres de journal. Ou entre deux enquêtes de police.

Regardez ceux qui nous dirigent. Pas tous, naturellement, mais beaucoup, un trop grand nombre d’entre eux. Regardez la manière qu’ils ont d’agir, terrifiante, soupçonneuse, méfiante, doucereuse, légaliste à l’extrême, profondément décevante. Il est même ridicule d’imaginer que la Loi soit dictée par eux , qu’ils puissent nourrir une vision, ou même produire des idées réellement créatrices, audacieuses, importantes. A quand remonte la dernière fois où un Premier ministre a suggéré ou initié un mouvement qui pourrait ouvrir simplement un nouvel horizon pour des Israéliens et la promesse d’un avenir meilleur ? Quand un Premier ministre a-t-il pris une initiative sociale, culturelle, ou morale, plutôt que de réagir de manière effrénée aux actions des autres ?

Monsieur le Premier ministre, je ne dis pas ces choses par colère ou par vengeance. J’ai attendu assez longtemps ; Je ne parle pas sur un moment de colère . Vous ne pouvez pas écarter mes mots en disant « un homme ne devrait pas être tenu responsable de ce qu’il dit quand il pleure. » Naturellement je pleure. Mais plus que cela, je suis blessé. Ce pays, et ce que vous et vos collègues en faites, me fait souffrir. En toute sincérité, il est important pour moi que vous réussissiez. Puisque notre futur dépend de votre capacité de prendre de la hauteur et d’agir. Yitzhak Rabin s’est tourné vers le chemin de la paix avec les Palestiniens pas parce qu’il les aimait, eux ou leurs chefs. A l’époque , si vous vous le rappelez, l’opinion commune était que nous n’avions eu aucun interlocuteur parmi les Palestiniens, et qu’il n’y avait aucun intérêt pour nous de parler avec eux. Rabin a décidé d’agir, parce qu’il a deviné, avec une grande finesse, que la société israélienne ne pourrait pas longtemps continuer dans un état de conflit sans fin . Il a compris, avant que beaucoup de personnes ne le comprennent, que cette vie dans un climat constant de violence, d’occupation, de terreur, de crainte et de désespoir, coûtait un prix qu’Israël n’avait les moyens de payer.

Tout ceci est toujours vrai aujourd’hui, de manière encore plus aigüe. Dans un moment, nous parlerons du partenaire que nous avons ou que nous n’avons pas, mais d’abord regardons nous nous-mêmes.

Pendant plus de cent ans nous avons vécu en état de guerre . Nous, les participants de ce conflit, avons grandi avec lui, nous avons été élevés avec lui et, dans un certain sens, pour lui. Peut-être est-ce pour cette raison que nous pensons parfois que cette folie que nous avons endurée pendant un siècle est la seule chose vraie, que la vie nous réserve, et que nous n’avons aucun droit d’ aspirer à un genre différent de vie. Nous vivrons et mourrons par l’épée, et l’épée nous dévorera pour toujours.

Peut-être cela explique-t-il l’apathie avec laquelle nous acceptons l’arrêt total du processus de paix, un moratoire qui dure maintenant depuis des années maintenant, et qui a coûté encore plus de morts . Cela peut également expliquer pourquoi la plupart d’entre nous n’ont pas réagi au coup brutal porté à la démocratie quand Avigdor Lieberman a été nommé vice-premier ministre. Sa nomination revient à nommer un pyromane compulsif à la tête des sapeurs-pompiers du pays.

Et ce sont ces raisons qui font , que, dans un étonnant court laps de temps, Israël a sombré dans un manque de coeur, une vraie cruauté envers les faibles, les pauvres, et ceux qui souffrent. Israël montre une totale indifférence envers les affamés, les personnes âgées, les malade, et les handicapés, cependant qu’il reste insensible, par exemple, à la traite des femmes, à l’exploitation des ouvriers étrangers contraints à un travail de forçat ou au racisme profond et institutionnalisé envers sa minorité arabe. Tout ceci se produit comme si c’était parfaitement normal, sans que nul ne se sente outragé ou décide de protester. Je commencer à craindre que, même si la paix vient demain, même si nous revenons par la suite à une certaine sorte de normalité, il soit trop tard pour que nous puissions guérir complètement.

*

Le malheur qui a frappé ma famille et moi, quand mon fils Uri est tombé dans la guerre l’été dernier, ne me donne aucun privilège spécial pour participer à la discussion sur notre nation. Mais il me semble que faire face à la mort et à la perte d’un être cher prédispose à un genre de sobriété et de clarté, du moins à distinguer l’ivraie du bon grain paillettes, et à faire la part entre ce qui peut et ne peut pas être réalisé. Entre la réalité et l’imagination.

Chaque personne qui réfléchit en Israël- et, j’ajouterai, en Palestine- connaît aujourd’hui avec précision le contour d’une solution possible au conflit entre les deux peuples. Toutes les personnes qui réfléchissent, en Israël et en Palestine, savent profondément au fond de leurs coeurs la différence entre, d’une part, leurs rêves et souhaits, et de l’autre, ce qu’ils pourront obtenir de la conclusion des négociations. Ceux qui ne le savent pas , qu’ils soient juifs ou Arabes, ne font déjà pas partie du dialogue. De telles personnes sont emprisonnées dans leur fanatisme hermétique, ainsi elles ne sont pas des partenaires. Recherchons une minute qui sont nos partenaires potentiels. Les Palestiniens ont placé le Hamas à la tête de leur gouvernement , et le Hamas refuse d’entrer en pourparlers avec nous, refuse même de nous reconnaître. Que pouvons-nous faire dans une telle situation ? Que pouvons-nous faire de plus ? Serrer la corde encore plus ? Continuer à tuer des centaines de Palestiniens dans la bande de Gaza, la grande plupart d’entre eux étant des civils innocents, comme nous ?

*

Faites appel aux Palestiniens, M. Olmert. Faites appel à la direction du Hamas. Faites appel aux modérés parmi eux, à ceux qui, comme vous et moi, s’opposent au Hamas et à son idéologie. Faites appel aux Palestiniens. Parlez à leurs blessures les plus profondes, reconnaissez leur douleur sans fin . Vous ne perdrez rien à le faire , et la position d’Israël dans toute future négociation n’en sera pas compromise pour autant. Mais leurs coeurs s’ouvriront les uns aux autres, et cette ouverture aura un pouvoir considérable. La simple compassion humaine a la puissance d’une force de la nature, précisément dans une situation de stagnation et d’hostilité.

Regardez-les, juste une fois, pas à travers la lunette d’un fusil ou à un barrage routier. Vous verrez un peuple non moins torturé que nous le sommes. Un peuple conquis, persécuté, désespéré. Naturellement les Palestiniens sont également coupables de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. Naturellement ils portent une partie du blâme pour l’échec du processus de paix. Mais regardez-les pendant un moment d’une manière différente. Pas simplement leurs extrémistes. Pas simplement ceux qui ont une alliance d’intérêt mutuel avec nos propres extrémistes. Regardez la grande majorité de cette nation misérable, dont le destin est lié au nôtre, qu’elle le veuille ou non.

Allez vers les Palestiniens, M. Olmert. Ne recherchez pas les raisons de ne pas leur parler. Vous avez renoncé au dégagement unilatéral. Et c’est bien. Mais ne laissez pas s’instaurer un vide. Il se remplira immédiatement de violence et de destruction. Ayez des entretiens avec eux. Faites leurs une proposition que leurs modérés peuvent accepter (il y en a bien davantage que les médias ne nous le montrent). Faites une proposition, de sorte qu’ils doivent décider ou l’accepter, ou rester les otages d’un Islam fanatique. Allez vers eux avec le plan plus audacieux, le plan le plus qu’Israël puisse proposer. Un plan tel que tous les Israéliens et Palestiniens les plus réfléchis sauront qu’il est la limite de ce qu’eux et nous pouvons accepter . Si vous hésitez, nous regretterons ardemment bientôt l’époque où le terrorisme palestinien était une affaire d’amateur. Nous nous taperons sur nos têtes et nous nous reprocherons amèrement de notre avoir employé toute notre souplesse, toute notre créativité israélienne, pour dégager notre ennemi du piège dans lequel il s’est enfermé lui-même ?

Tout comme il y a des guerres inévitables, il y a également des paix inévitables. Puisque nous n’avons plus le choix. Nous n’avons plus le choix, et ils n’ont plus d’autre choix. Et nous devons tendre vers cette paix inévitable avec la même détermination et la même créativité que celles nous mettrions pour mener une guerre inévitable. Ceux qui pensent qu’ il y a une alternative et que le temps joue pour nous ne réalisent pas le processus profond et dangereux qui est maintenant bien avancé.

M. premier ministre, je dois peut-être vous rappeler, que si n’importe quel chef d’état arabe envoie des signaux de paix, même le plus léger, le plus hésitant, vous devez y répondre. Vous devez immédiatement examiner sa sincérité et son sérieux. Vous n’avez aucun droit moral de ne pas répondre. Vous devez faire ainsi pour sauver ceux qui devront sacrifier leur vie si une autre guerre éclate. Ainsi si le Président Assad déclare que la Syrie veut la paix, même si vous ne le croyez pas l-et nous sommes tous méfiants -vous devez proposer une réunion ce même jour. Vous ne devez pas attendre un jour de plus. Après tout, quand vous avez décidé la dernière guerre, vous n’avez même pas attendu une heure. Vous vous y êtes lancés avec toute notre force. Avec chaque arme que nous avions. Avec toute notre puissance de détruire. Pourquoi, quand il y a une certaine sorte de lueur de paix, la rejetez-vous immédiatement, pourquoi l’écartez-vous ? Qu’avez-vous à vous perdre ? Êtes-vous méfiant envers le président syrien ? Proposez-lui des conditions qui, s’il les refusent, montreront sa supercherie. Offrez-lui un processus de paix étalé sur plusieurs années, à l’issue duquel, seulement s’il remplit toutes les conditions exigées , il obtiendra les hauteurs du Golan. Obligez-le à un processus de dialogue continu. Agissez de sorte que son peuple soit mis au courant de cette possibilité, aidez les modérés qui doivent bien exister là aussi. Essayer de transformer la réalité, non d’être son esclave. C’est pourquoi vous avez été élu. Précisément pour cette raison.

*

Il est temps de conclure. Naturellement tout ne dépend pas de ce que nous ferons. Il y a de grandes et puissantes forces agissant dans cette région et dans le monde, et certaines d’entre elles, comme l’Iran, comme l’Islam radical, nous souhaitent du mal. Néanmoins, beaucoup dépend de ce que nous faisons, et de ce que nous ferons nous. Les différences entre droite et gauche ne sont pas si grandes aujourd’hui. L’immense majorité de nos concitoyens comprennent maintenant- certains sans à enthousiasme- la forme que prendra une solution pacifique . La plupart d’entre nous comprennent que le pays sera partagé, qu’il y aura un état palestinien. Pourquoi alors continuons-nous à nous détruire avec ces querelles internes qui durent depuis presque quarante années ? Pourquoi nos dirigeants politiques continuent-ils à refléter les positions des extrémistes et pas celles de la majorité ? Après tout, nous nous sentirons bien mieux si nous atteignons ce consensus national de nous-mêmes, sans y être contraints par les circonstances - des pressions extérieures, un nouveau soulèvement palestinien ou une autre guerre. Si nous faisons cela, nous nous épargnerons des années d’erreur, des années durant lesquelles nous crierons à plusieurs reprises, « Vois, terre , que nous sommes des gaspilleurs. »

De la tribune où je me tiens actuellement, je demande, j’exige à tous ceux qui écoutent-aux jeunes qui sont revenus de la guerre, qui savent qu’ils sont ceux qui devront payer le prix de la prochaine guerre ; aux citoyens juifs et arabes, aux gens de droite et aux gens de gauche : arrêtez-vous pendant un moment. Regardez au-dessus du bord de l’abîme où nous trouvons , et constatez à quel point nous sommes près de perdre ce que nous avons créé ici. Demandez-vous si le temps n’est pas arrivé pour nous de reprendre nos esprits, d’en finir avec notre paralysie, d’exiger pour nous-mêmes, enfin, la vie que nous méritons de vivre.