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Merci à Khaled Amayreh. Sa modération dans l’emploi des termes est remarquable, nous aurions utilisé un autre terme que « naïfs » ; devinez lequel ! (ndlr)

Quels naïfs, ces Européens !

Par Khaled Amayreh, journaliste palestinien

samedi 25 novembre 2006

http://www.ism-france.org/news/article.php?id=5820

Le jeudi 16 novembre, le Premier ministre espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a annoncé, lors d’un déplacement en France, une nouvelle "initiative européenne" visant à amener le calme sur le ring israélo-palestinien.

A juste titre, il a souligné que la communauté internationale n’eût su demeurer coite, tandis que la violence faisait plus que jamais rage entre les deux parties.

La France et l’Italie se sont jointes à l’Espagne, dans l’espoir que cette initiative finirait par convaincre les deux autres principales puissances européennes, à savoir la Grande-Bretagne et l’Allemagne, de s’y joindre, et qu’elle soit in fine adoptée de manière formelle par l’Union
européenne.

Cette initiative, qui doit être rendue publique à l’occasion d’un sommet européen au mois de décembre, s’articule en cinq points principaux :
- formation d’un gouvernement palestinien d’unité nationale, susceptible d’être reconnu internationalement ; — échange de prisonniers entre Israël et les Palestiniens ;
- reprise des négociations ;
- un cessez-le-feu immédiat entre les deux parties et, enfin,
- déploiement d’une mission internationale
dans la bande de Gaza, chargée de surveiller le cessez-le-feu.

Afin de justifier son initiative, Zapatero a dit que "la paix entre Israël et les Palestiniens, cela signifie dans une large mesure la paix sur la scène internationale", ajoutant que "nous ne pouvons rester impassibles devant l’horreur qui continue à se dérouler sous nos yeux."

Déjà, le Secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, avait fait observer que le conflit en Palestine était la raison principale de la tension actuelle entre l’Islam et l’Occident.

Même le Premier ministre britannique Tony Blair, dont on connaît les habituelles duplicité et propension au mensonge, a tenu des propos allant dans le même sens au cours d’une interview accordée à la chaîne de télévision récemment inaugurée, Aljazeera International, vendredi 17 novembre, en soirée.

Il est intéressant de noter que pratiquement toutes les formations palestiniennes, y compris le Hamas et le Djihad islamique, ont, plus ou moins, accepté cette nouvelle initiative, le Djihad islamique, qui est la faction la plus radicale de toutes, déclarant même qu’il était prêt à
observer un cessez-le-feu avec Israël, sous condition de réciprocité.

Toutefois, comme attendu, Israël a "rejet catégoriquement" » l’initiative de paix à peine éclose.

La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, aurait dit à son homologue espagnol Miguel Angel Moratinos qu’Israël préférait "des discussions directes avec les Palestiniens, sans interférences extérieures".

Un haut responsable israélien, cité par le quotidien israélien Ha’aretz, aurait dit que cette initiative serait stoppée net.

Naïveté

Bon, je suis certain que le Premier ministre espagnol est sincère quand il dit que l’occupation de la Palestine par Israël, qui se poursuit, et qui n’est rien d’autre qu’un viol éternisé, est en train de très gravement saper la paix et la sécurité dans le monde, y compris en Europe même.

Je suis tout aussi persuadé que l’Europe, contrairement aux Etats-Unis qui sont généralement le petit doigt sur la couture du pantalon face à Israël, souhaite voir mettre une fin à l’occupation des territoires occupés par Israël et la création d’un Etat, ou quasi Etat, viable en Cisjordanie et
dans la bande de Gaza.

Cependant, avec ce que je connais du sionisme et des arcanes du conflit en Palestine, je pense que la dernière initiative européenne en date est le reflet, en us d’une sincérité et d’une bonne volonté indéniables, d’une
naïveté incroyable et une très mauvaise appréhension de la réalité de la situation en Palestine / Israël.

Je me demande bien pour quelle raison l’Union européenne ne se
livre-t-elle pas à une analyse sérieuse et exhaustive des raisons et des
facteurs de l’échec des efforts et des initiatives de paix au
Moyen-Orient, à commencer par le Plan Rogers, en 1968, jusqu’à
l’initiative désormais moribonde, d’inspiration américaine, connue sous
l’acronyme de "Feuille de route" ?

De plus, je mets au défi les dirigeants européens, à commencer par ceux qui prônent cette initiative toute récente, de me donner une seule raison pour laquelle leur initiative serait susceptible de réussir là où de si
nombreuses initiatives antérieures ont échoué ?

Israël serait-il aujourd’hui plus disposé à la paix qu’il ne l’a jamais été par le passé ?

Israël veut-il enfin renoncer au butin de la guerre de 1967, renoncement sans le quel tout le monde sait très bien qu’aucune solution de paix ne pourra être atteinte, ni a fortiori pérennisée et renforcée ?

Telles sont les questions cruelles auxquelles l’Union européenne doit chercher des réponses sincères et pertinentes, avant de s’embarquer dans une quelconque initiative de paix, si elle veut que celle-ci ait une
chance minimale de réussir.

Non, Israël ne veut pas la paix

A vrai dire, la raison pour laquelle tous les efforts de paix, depuis 1967, ont échoué, est extrêmement simple. Israël rejette véhémentement tout "règlement de paix" avec les Palestiniens, car cela obligerait l’Etat juif à renoncer, explicitement ou implicitement, aux dépouilles de la guerre de 1967.

C’est là le noud de la question, qu’aucun négociateur de paix un tant soit peu sérieux ne peut ne pas avoir à l’esprit en s’attaquant à ce problème.

Cela saute aux yeux, quand on constate la construction d’arrache-pied de centaines de colonies réservées exclusivement aux juifs dans les territoires palestiniens occupés.

Inutile de préciser que ce colonialisme irrédentiste et que
l’expansionnisme territorial continuent de plus belle, en dépit de
réserves américaines et européennes, la plupart du temps de pure forme.

J’ai une question à poser à l’Europe : Un pays qui construit des centaines de colonies dans un territoire qu’il occupe illégalement, et qui transfère des centaines de milliers de ses citoyens dans ce territoire occupé et en
dépossède les habitants indigène, peut-il être vraiment sincère dans ses objurgations qu’il recherche la paix avec ses voisins ?

Certes, Israël veut "la paix", à ses propres conditions, exactement de la
même manière que l’Allemagne nazie voulait la paix, à ses propres
conditions.

Mais aussi, Israël veut une "solution" avec les Palestiniens - une
solution qui serait bien pire, pour eux, qu’une reddition totale.

Israël veut une solution qui soit le reflet de la "réalité" et de "l’équilibre des forces", qui exclurait, de plus, de manière effrontée, les droits de l’homme et le respect du droit international.

Et, encore une fois : oui, Israël veut, il y est même prêt, autoriser la création d’un Etat palestinien (malheureusement la plupart des médias occidentaux continuent à répéter ces bobards israéliens, comme frappés par le psittacisme).

Eh bien, l’Europe comprend-elle quel genre d’"Etat" palestinien Israël a
en tête, tandis qu’il ne cesse de dire qu’il est prêt à accepter "la"
"solution" à deux Etats.

Ne nous focalisons pas par trop sur ce qu’Israël peut bien nous raconter, mais bien sur ce qu’il fait, en réalité, sur le terrain. Et ce qu’Israël est en train de faire, sur le terrain, n’indique en aucun cas qu’il soit le moins du monde intéressé à une quelconque forme de paix authentique
avec les Palestiniens.

En réalité, ce que veut Israël, c’est maintenir son occupation et sa domination sur la Palestine et sur les Palestiniens en tronçonnant et en mutilant leur foyer national en le transformant en des "townships" et des
bantoustans sordides, misérables et suscitant la claustrophobie, coupés les uns des autres, et dépourvus de toute viabilité économique.

Voilà : c’est ça, la "la paix et la réconciliation historiques" que les sionistes insistent à imposer aux Palestiniens, démunis et impuissants.

Autrement dit : Israël veut que tout "Etat" palestinien éventuel ne soit qu’un mêli-mêlo de camps de détention, d’internement et de concentration, sans aucune liberté, sans économie et sans avenir. Et cela serait la
recette idéale d’une énième "émigration volontaire des Palestiniens" de
leur patrie.

Inutile de préciser que toute initiative internationale portant atteinte à ces desseins israéliens ou s’y immisçant sera catégoriquement rejetée par le gouvernement israélien.

C’est la raison pour laquelle Israël insiste tant sur des "discussions directes avec les Palestiniens", exactement de la même manière qu’un violeur exigera toujours de faire sa fête à sa victime sans intervention
inopportune de qui que ce soit d’une tierce partie, qui ne pourrait qu’aboutir à la dénonciation de l’agresseur
.

Mais pourquoi Israël a-t-il pu s’en tirer à si bon compte, en toute impunité, malgré toutes ces années de crimes, de vols et de mensonges ?

Eh bien, la réponse est très simple, et elle se trouve à Washington, où le sionisme américain contrôle étroitement, depuis des décennies, les décideurs politiques américains et, donc, les décisions qu’ils prennent.

Cela signifie que tant que l’Union européenne ne sera pas sérieusement décidée à couper le cordon ombilical qui la relie au discours sioniste américain sur le Moyen-Orient, aucune initiative de paix, qu’elle soit européenne ou non-européenne, d’ailleurs, n’aura jamais la moindre chance
d’aboutir.

Désolé, Bambi. J’ai une mauvaise nouvelle, pour toi et pour tes partenaires européens : ton initiative est mort-née. Tu peux me croire sur parole.


Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique.
Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de toute reproduction, à condition de respecter son intégrité et de mentionner auteurs et sources.

Source en anglais : Thepeoplevoice.org