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Par M. Saâdoune,Le Quotidien d’Oran, 22 novembre 2006

Jeux de barbouzes au Liban

Source : Al Faraby - Aloufok

mercredi 22 novembre 2006

L’assassinat de Pierre Gemayel, ministre libanais de l’Industrie, est un acte indéniablement terroriste qui intervient à un moment délicat de polarisation politique au Liban. L’empressement de Washington - et certains
de ses clients libanais - à désigner la Syrie souligne d’emblée l’enjeu géopolitique de la situation au Liban.

Mais cela n’empêche pas de noter, froidement, que Damas n’avait, dans le contexte libanais actuel, aucun intérêt à commanditer un tel crime. Le gouvernement pro-américain de Siniora, détenteur d’une majorité très relative, déjà affaibli par la démission des ministres du Hezbollah et
d’Amal, risquait d’être emporté par la décision de l’opposition de recourir à la rue pour obtenir un gouvernement d’union nationale ou la tenue d’élections législatives anticipées.

Ce meurtre n’est donc nullement lié, quoi qu’en disent les médias occidentaux, compulsivement antisyriens, à l’examen par le Conseil de sécurité du projet de tribunal international sur l’assassinat de Rafic Hariri. Il est à lire comme une tentative de bloquer la décision politique
de l’opposition de recourir pacifiquement à la rue pour faire tomber le gouvernement.

La décision du Hezbollah et de ses alliés de recourir à des manifestations politiques pacifiques est un acte politique majeur de l’après-guerre. Il met le gouvernement de Siniora, dont la constitutionnalité est désormais
fortement contestée, dans une situation intenable. Le Front de l’opposition, articulé autour du Hezbollah, regroupe un spectre politique et communautaire très large. C’est ce caractère pluriel, populaire et national de l’opposition antigouvernementale qui est ciblé par cet acte de stratégie de la tension destiné à provoquer la confusion et à créer, par la violence, une situation d’instabilité qui légitimerait une intervention étrangère. On voit mal la Syrie, que l’on présente comme une puissance machiavélique, commettre un acte contre ses propres intérêts.

Mais on distingue très clairement le profit qu’Israël et d’autres puissances, qui agissent ouvertement sur la scène libanaise, peuvent en tirer. La guerre d’agression israélienne a montré que la ligne de fracture politique au Liban est entre pro-américains et anti-impérialistes. La
bataille politique interne a des dimensions internationales directes. La chute du gouvernement Siniora serait un échec de plus pour les Etats-Unis après l’impuissance d’Israël à liquider la résistance libanaise. Or, ce gouvernement Siniora est dans une position fragilisée, politiquement très
amoindri. Dans l’opposition, on retrouve, aux côtés du Hezbollah, de nombreux dirigeants sunnites, mais aussi des leaders chrétiens de poids comme le général Michel Aoun et Soleimane Frangié. Soumis à de fortes pressions, ces deux hommes ont fait preuve de caractère et ont refusé de
renier leur alliance nationale et l’objectif d’un gouvernement d’union démocratique ou de législatives anticipées.

A défaut d’avoir pu amadouer les leaders chrétiens d’opposition, l’objectif est clairement de semer le trouble dans leurs bases. En ciblant un ministre chrétien des Phalanges, on cherche à casser la popularité des leaders
chrétiens d’opposition en provoquant un réflexe communautaire et à forcer l’opposition à renoncer aux manifestations de rue. C’est l’exercice pacifique du droit démocratique de manifester qui est ciblé par cet acte
barbouzard destiné à manipuler la « rue chrétienne », dans un Liban où les services étrangers agissent en force et avec des collusions locales.