Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Réflexions et Leçons

Par le Dr Ghada El Yafi

Réflexions et Leçons

Source : Al Faraby - Aloufok

dimanche 24 septembre 2006

Face à l’évènement, certains, veulent faire supporter à la Résistance tout le poids de cette guerre. C’est endosser l’erreur. La grande majorité des analystes politiques internationaux¹ savent que cette guerre était prévue à courte échéance, avec ou sans prétexte ; Israël ne manque pas d’en créer au besoin. Souvenons-nous de l’invasion de 1982 : le prétexte était l’attentat contre l’ambassadeur israélien à Londres. Certains insistent pour dire que la Résistance « obéit » aux ordres, tantôt de l’Iran, tantôt de la Syrie et que c’est, en quelque sorte leur « pouvoir exécutif » au Liban.

Contrairement à ces points de vue, aux yeux de la grande majorité des libanais, aux yeux de l’immense majorité des populations arabes, la Résistance, de par son idéal et ses performances lors de cette guerre, a incarné la renaissance de l’espoir et la naissance d’un avenir nouveau. Et c’est cela que je voudrais exprimer en écrivant ces quelques lignes.

Depuis sa création, Israël n’a jamais réussi à montrer d’autre autre visage que celui de l’arrogance et du mépris, non seulement de ses voisins mais aussi de ce qu’on a pris l’habitude d’appeler « la communauté internationale ». Elle s’est servie de son appareil militaire de haute technologie, pour faire sa loi. Et après les échecs arabes que tout le monde connaît, plus aucun pays arabe n’a jamais osé le défier. Impunément cette « entité » a usé et abusé de la force pour s’affirmer au-dessus des lois et au-dessus du commun des mortels.

Prenant prétexte de 2 soldats capturés pour forcer un échange, Israël a voulu sanctionner les libanais pour avoir hésité à exécuter les ordres : la résolution 1559. Pour cette porte d’entrée du nouveau Moyen-Orient- kyrielle de petits Etats sous la suprématie d’Israël-, le Hezbollah est gênant, il faut donc le supprimer.

Au bout de 33 jours de bombardements, les israéliens, en étaient toujours au point de départ par rapport à leurs objectifs. Essoufflés ils réclament la cessation des hostilités. Et pour ne pas avouer l’échec les Etats-Unis l’acceptent à condition de contraindre le Liban à une résolution, laquelle, amendée, est devenue la 1701.

Que nous a appris de ce conflit ? Quelles leçons en tirer ?

Premièrement : nous rendre à l’évidence : Israël est un pays ennemi, sans conteste. Israël a détruit l’aéroport, les ponts, les infrastructures dès le lendemain du rapt. Mais les Etats-Unis peuvent-ils être encore considérés comme un pays ami ? N’est-ce pas eux qui ont empêché un cessez-le-feu immédiat et donc autorisé les massacres de civils durant les 32 jours suivants ? N’est-ce pas eux qui ont ravitaillé Israël en « bombes intelligentes » pendant la guerre ? Et après toutes ces destructions prétendent vouloir envoyer une aide « humanitaire » sous conditions ?! Il est temps que les libanais sachent reconnaître, qui sont leurs amis, et qui ne le sont pas.

Deuxièmement, Israël est une entité « hors la loi ». Tant que les Nations Unies, tant que les pays qui se disent démocratiques et qui prétendent défendre les droits de l’Homme ignorent ses exactions et abus, et ne prennent pas les dispositions nécessaires pour faire respecter les règles et conventions internationales, chaque peuple concerné par ces exactions crée les moyens qui lui conviennent pour accéder à ses droits.

Troisièmement, le Hezbollah : un Etat dans l’Etat ?
Si le Hezbollah a rempli certains rôles de l’Etat, n’est-ce pas parce que l’Etat était absent ? Qui a expulsé Israël du Sud ? Qui a ramené la plupart des prisonniers ? Qui cherche à récupérer les eaux volées ? Qui découvre les agents du Mossad ? Qui tente de récupérer les territoires libanais occupés ? Qui a créé des écoles et des hôpitaux partout dans les régions pauvres ? Faut-il l’attaquer pour avoir été présent ? Ce parti a montré des qualités peu communes : la première essentielle et fondamentale, absente chez la plupart des autres formations politiques : la crédibilité. Qu’importe ce que prétendent les politiciens libanais pour tenter de récupérer le peu de crédit qui leur reste aux yeux des leurs, les israéliens eux-mêmes affirment cette vérité. Seconde grande qualité : la capacité d’organisation, à la fois pendant la guerre, alors qu’ils ont été pris de cours, et après la fin des hostilités, rendant jaloux ceux qui ont en mains les rennes de l’Etat. Troisième qualité : la transparence. Quatrième qualité : le courage. Cinquième qualité : la loyauté. Sixième qualité : la persévérance. Septième qualité et non la dernière, l’intelligence, le savoir-faire, la diplomatie. Oui Hezbollah a comblé une lacune ; c’est une organisation dont l’Etat devrait s’inspirer. Celui-ci ne peut plus continuer à se résumer à quelques personnalités politiques qui savent jouer le jeu confessionnel et cerner leurs gens à l’intérieur de ce jeu, jeu totalement anti-démocratique.

Quatrièmement : La société libanaise.
Elle s’est montrée bien au-dessus de la plupart des leaders traditionnels. Les libanais ont ouvert les bras à leurs concitoyens et les ont accueillis, avec chaleur dévoilant ainsi leur générosité spontanée. De rares voix dissidentes ont tenté de diviser les libanais et créer des zizanies, tentatives sans effet. Cela prouve qu’à l’avenir, il faudrait miser sur la société civile libanaise. C’est aux jeunes en particulier d’oeuvrer pour la réédification de l’Etat sur des bases solides, loin des appartenances sectaires. Cette crise a montré à quel point l’Etat a été en décalage avec la nature et les priorités des libanais.

Cinquièmement : La reconstruction.
Devant l’amplitude des destructions, la reconstruction doit se baser sur une planification nouvelle en vue de promouvoir le projet de la décentralisation prévue par la constitution de Taëf. Elle doit aller de pair avec le développement et le marché du travail. Et forts de l’expérience de la reconstruction précédente, il est impératif de confier les dépenses à un organisme non politique, avec contrôle et audit.

Sixièmement : L’Iran et la Syrie.
La mainmise de la Syrie sur le Liban a entraîné des abus de pouvoir de connivence avec des chefs libanais, bien assis au pouvoir et toujours présents aujourd’hui. La Syrie a quitté le Liban. Mais les voix qui la dénoncent continuent à se faire entendre. Dans quel but ? Cela va-t-il dans l’intérêt du Liban et des libanais ou bien cela est-il destiné à rapprocher l’opinion libanaise du projet américain du nouveau Moyen-Orient, qui rappelons-le, consiste à morceler la région pour mieux la contrôler ? Certains particuliers ont des griefs personnels contre la Syrie et ceci peut être justifié. Mais les responsables, eux, ont des devoirs envers les libanais et, que nous le voulions ou non, les intérêts des libanais sont avec la Syrie, en particulier face au plan américain. Il est irrationnel de continuer à insulter la Syrie et la forcer ensuite à se ranger avec nos priorités. Un responsable doit savoir faire la part des choses.

Quant à l’Iran, l’Iran d’aujourd’hui est devenu une Nation à part entière. Il n’est plus sous l’influence de pays colonisateurs et c’est ce qui provoque dans le monde occidental tant de griefs. L’Iran a dénoncé le sionisme, la conduite « raciste » d’Israël, et a soutenu la cause palestinienne. Faut-il lui en vouloir pour cela ? Ses liens avec Hezbollah sont essentiellement d’ordre religieux. Faut-il considérer l’Iran comme un pays ennemi parce qu’il est musulman ? Les musulmans au regard des chrétiens sont-ils des ennemis ? Cela conviendrait bien au plan du Président Bush. Peut-on construire un pays sur des préjugés et des appréhensions, des suppositions ou des complexes ? Il vaut toujours mieux se baser sur ce qui est concret, tangible. Et pourquoi l’Occident veut-il l’empêcher de développer la technologie nucléaire à des fins pacifiques ? Est-ce pour en garder le monopole avec Israël ? L’accession de l’Iran à cette technologie n’est-elle pas un droit ? et ne contribuerait-elle pas à un peu plus d’équilibre dans le monde ? Rappelons, ici, qu’à part la période Safavide ou l’Iran était en guerre avec l’empire ottoman qui incluait les arabes, les iraniens ont toujours vécu en paix avec les peuples arabes voisins. Bien au contraire, d’ailleurs, les relations entre les imams de Jabal Amel et l’Iran datent de plusieurs centaines d’années. Pourquoi faut-il soudainement s’en méfier maintenant ? Tout simplement parce que la politique de l’Iran ne convient pas à Washington ?

Officiellement, il n’est pas interdit aux libanais d’avoir des relations avec la Syrie et l’Iran, comme certains en ont avec d’autres. Mais si ces relations portaient atteinte aux intérêts du Liban, ce serait à la justice libanaise de se prononcer, comme on espère qu’elle le fera au sujet de l’affaire de la caserne de Marjeyoun.

Hezbollah n’a pas déclaré la guerre, il a répondu à l’agression. Ni Sayyed Hassan Nasrallah, ni personne d’autre n’aurait pu prévoir le degré de dénigrement des valeurs humaines des dirigeants sionistes. Quant à l’idée colportée que la Syrie et l’Iran se battent sur notre territoire, utilisant le Hezbollah, l’une, pour écarter la création du tribunal international, l’autre, pour détourner l’attention de son problème nucléaire, elle s’est avérée un non sens car les deux objectifs continuent leur cours, guerre ou pas. Par contre, si le duo Israël-Etats-Unis avait en vue une guerre contre la Syrie ou l’Iran, leur plan est certainement en cours de modification.

Et quoiqu’en disent les jaloux, le patriotisme du Hezbollah ne fait aucun doute.

Septièmement : La résolution 1701, La Finul, le blocus.
Contraint, le Liban a accepté beaucoup moins que les sept points demandés par le président du conseil des ministres. Malgré cela, la cessation des hostilités stipulée par la résolution, n’est respectée qu’unilatéralement, par le Liban, grâce à la discipline du Hezbollah. Un des sept points demandés par le Liban, était l’envoi des forces de la Finul pour aider l’armée libanaise à protéger la frontière sud du Liban.

Les tergiversations de la France sur le nombre de soldats participant à la FINUL, perturbe les libanais qui ne comprennent plus si les troupes sont là pour protéger Israël ou l’empêcher de nous agresser. Pour empêcher le Hezbollah de conserver sa puissance ou pour nous mettre sous tutelle. Ils ne comprennent pas non plus l’attitude du gouvernement libanais qui, d’un côté, veut lever le blocus et de l’autre, le favorise, indirectement, par le passage forcé des avions civils de la MEA par Amman. Durant les 33 jours de la guerre la Syrie a ouvert ses portes et les libanais ont pu prendre les vols MEA à partir de Damas. Pourquoi avoir changé ? Ce gouvernement est-il réellement maître de ses décisions ? Le blocus qui n’a d’autre rôle que d’inféoder le Liban est-il réellement levé aujourd’hui ? Une note reste cependant positive : le rôle de l’armée libanaise. Epaulée par la FINUL, elle peut enfin garantir la protection des populations civiles qui sont revenues dans leurs villages, même détruits, dès la minute de l’arrêt des hostilités et en coordination avec le Hezbollah. Celui-ci, tenant parole, ne montre aucune apparence armée.

En conclusion, la première conséquence de ce conflit est que dorénavant tout Etat ennemi réfléchira sans doute à plusieurs reprises avant de porter atteinte au Liban. L’établissement de la souveraineté nécessite des sacrifices. Le Liban les a offerts et si le gouvernement libanais ne fait pas tout pour éviter d’en perdre les bénéfices, il se rendrait coupable de haute trahison.

Mettre sur pied un Etat avec le monopole de la force exige un accord de tous les libanais, c’est-à-dire une représentativité non truquée, et un gouvernement ayant les qualités nécessaires de crédibilité, d’organisation, de transparence, de loyauté, de persévérance, d’intelligence, de savoir-faire et de diplomatie. De même, l’Etat se doit d’être fort en édifiant une armée dotée obligatoirement de moyens de défense adéquats. Seulement alors, l’Etat, saura que ses priorités vont au service de tous ses citoyens sur un pied d’égalité ainsi que la protection sacrée du pouvoir de décision.

Et de ce fait, toute crainte de voir un Etat se développer dans l’Etat, s’évanouira.

Pour terminer, prions avec Pascal : « Mon Dieu, faites que la force soit juste et que la justice soit forte ».