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Par Erica Silverman

Palestine occupée : sombres signaux

Source : CCIPPP

mercredi 6 septembre 2006

Les tanks israéliens écrasent les conduites souterraines d’eau et les égouts ainsi que les réservoirs et d’autres équipements civils indispensables...

La nuit de samedi, les rues pleines de détritus du centre de Gaza sont dans le noir, du bruit et des fumées sortant des générateurs.

La collecte des ordures est interrompue pour cause de manque de carburant après que la principale station d’énergie ait été détruite par les israéliens le 28 juin, laissant les immeubles d’habitation ou d’affaires et les hôpitaux dans la Bande de Gaza sans électricité et sans eau dans la chaleur étouffante de l’été.

En dépit de la crème glacée qui a fondu, les lumières - produites par un générateur - sont toujours allumées à la boutique des crèmes glacées de Kazem. « Je n’ai pas réalisé un seul bénéfice depuis la mi-juin », dit le propriétaire Kamel Kazem, « mais ceci est le fameux magasin’Kazem’ qui sert tout Gaza. Mon père a lancé ce commerce il y a 50 ans. » Comme beaucoup d’autres habitants de Gaza, Kamel estime qu’aucune chance n’a été donnée au Hamas avec les bouclages des frontières et l’embargo international contre le gouvernement qu’il dirige.

« L’attaque israélienne contre la centrale électrique était une tactique pour frapper toute l’économie palestinienne », dit Noman Kishawi, propriétaire du plus grand supermarché de la ville de Gaza. Les coûts ont augmenté de 30% depuis la fin juin à cause de l’utilisation de générateurs, nous explique Kishawi qui a perdu des milliers de dollars en produits avariés. « Le consommateur paie pour la fermeture de Karni (le seul point de passage commercial pour la Bande de Gaza) avec des prix élevés », ajoute-t-il.

Selon Rafiq Maliha, gestionnaire de projet à la Compagnie de Production d’Energie de Gaza, une équipe d’ingénieurs est toujours en train d’essayer d’importer une combinaison de générateurs neufs et d’occasion de puis l’Egypte. Les réparations prendront encore plusieurs mois et il n’est possible de fournir que 35% de la capacité totale de la centrale. Gaza reste dans le noir.

Encore pire, le manque d’électricité signifie que l’eau ne peut plus être pompée pour les maisons. Chaque incursion [de l’armée israélienne] a causé de terribles dommages à une infrastructure civile déjà très abimée, les tanks israéliens écrasant les conduites souterraines d’eau et les égouts ainsi que les réservoirs et d’autres équipements civils indispensables.

Les stations de pompage de l’eau et les usines de traitement des eaux usées ne fonctionnent pas correctement, laissant s’écouler les eaux des égouts dans les rues. Des habitants désespérés ont commencé à creuser illégalement des puits ou à se brancher tout aussi illégalement sur des conduites d’eau, et aujourd’hui la contamination de l’eau fournie est une menace réelle, nous explique une équipe d’ingénieurs d’Ofxam qui visitent Gaza cette semaine pour évaluer les dommages.

D’après le Ministère de la Santé de l’Autorité Palestinienne, 234 Palestiniens ont été tués et 1267 Palestiniens ont été blessés suite aux 10 semaines d’incursions israéliennes dans Gaza, officiellement pour faire cesser le lancement de fusées Qassam vers Israël et pour retrouver le soldat israélien capturé par le Hamas le 25 juin.

La pauvreté et le désespoir dominent , alors que les fonctionnaires Palestiniens, dont les enseignants, ont annoncé la semaine passée qu’ils se mettraient en grève pour une durée indéterminée à compter du 2 septembre, le jour de la rentrée scolaire, exigeant de toucher leur salaire en même temps que les impayés des 6 derniers mois. La grève devrait impliquer 40 000 enseignants et près de 45 000 autres employés dont des travailleurs de la santé, sur les 165 000 employés de l’Autorité Palestinienne. Les forces de sécurité ne se mettront pas en grève.

« Nous savons que c’est notre travail de fournir les salaires, mais le gouvernement n’est pas le premier responsable. Le boycott international a empêché le gouvernement palestinien de transférer les fonds nécessaires », explique Ghazi Hamad, porte-parole du gouvernement, à Al-Ahram Weekly. Les écoles ouvriront comme prévu et nous n’accepterons pas cette grève », assure le Hamas.

Belal Badwan de Shujayeh, âgé de 26 ans et enseignant en classe élémentaire, estime que « la grève sera suivie en Cisjordanie mais pas à Gaza car dans chaque maison il y a un membre du Hamas. Les gens sont ici en faveur de donner une autre chance au Hamas. Ils estiment que la crise financière n’est pas de leur faute. » Badwan pensent que beaucoup sont d’accord avec la grève mais craignent de parler ouvertement contre le gouvernement dirigé par le Hamas. Les négociations avec les dirigeants syndicaux, dont la majorité sont affiliés au Fatah, sont en cours. Les travailleurs de la santé en Cisjordanie ne se sont pas présentés au travail lundi.

Pendant ce temps, les portes du terminal de Rafah à la frontière entre la Bande de Gaza et l’Egypte ont été brièvement ouvertes vendredi et samedi derniers permettant à 5676 passagers de sortir et à 4228 de rentrer selon les chiffres fournis par la mission de l’Union Européenne à Rafah. Rafah, qui est le seul point de passage pour les voyageurs, a été bouclé par les israéliens pendant 10 semaines, apparemment pour empêcher que le soldat capturé soit emmené en dehors la Bande de Gaza mais aussi pour empêcher tout transfert de fonds au profit de la direction du Hamas.

Ce mardi, des dizaines de militants en colère ont fait sauter des explosifs le long du mur situé entre entre l’Egypte et Gaza pour permettre aux personnes bloquées du côté égyptien de rentrer dans Gaza, dont des centaines de malades en traitement ; mais personne n’a pu passer. Les fonctionnaires Palestiniens essaient de convaincre Israël de permettre une reprise normal des opérations au terminal.

Karni a également été bouclé depuis 11 jours à la date de lundi, entraînant une pénurie de produits de base et alimentaires dans la Bande de Gaza. Selon John Ging, directeur de l’UNRWA, « la distribution de nourriture pour 830 000 personnes ne pourra pas commencer comme prévu la semaine prochaine, à moins que Karni ne soit ouvert. » L’UNRWA n’a plus que du fuel en réserve pour une semaine à distribuer aux municipalités pour la gestion des déchets et pour les stations de pompage des camps de réfugiés.

La sécurité dans Gaza est aussi en train d’empirer car la criminalité augmente et les étrangers ont été évacués par crainte des enlèvements. Un groupe palestinien aupravant inconnu appelé les Brigades du saint Jihad ont libéré dimanche deux journalistes de la chaîne Fox News — le cameramen Olaf Wiig âgé de 36 ans, originaire de Nouvelle-Zélande, et le reporter américain Steve centanni, âgé de 60 ans — après les avoir retenus pendant 13 jours. Le groupe avait initialement demandé aux Etats-Unis de libérer les prisonniers Musulmans en échange de leur libération, bien que le Hamas assure que le groupe en question agit par motivations personnelles. Aucune demande n’a été accordée.

Le Ministre de l’Intérieur, Saïd Syiam, a négocié avec succès leur libération, mais celle-ci ne signifie pas la fin de cette affaire. « Ils ont été kidnappés pour que des pressions soient exercées sur le gouvernement », dit Hamad, disant que les kidnappeurs seront traduits devant la justice pour que soit appliquée la promesse du Hamas lors de sa campagne électorale que la loi et l’ordre seront respectés à Gaza. Une vague de kidnappings avait débuté l’été dernier [2005] et était restée largement impunie alors que le Fatah dirigeait le gouvernement. S’exprimant depuis l’Hôtel de la Plage après sa libération, Wiig déclara : « Mon plus grand souci est que suite à ce qui nous est arrivé, les journalistes étrangers soient découragés de venir raconter [ce qui se passe ici], et ce serait une tragédie pour le peuple de Palestine. »

"Les kidnappeurs n’ont aucun lien avec Al-Qaïda ou avec aucune autre organisation ou faction », a déclaré le Premier Ministre Ismaïl Haniya, assurant qu’Al-Qaïda n’existait pas à Gaza. L’évènement avait également un aspect sinistre, le drame incluant une séquence video des deux journalistes lisant un communiqué anti-occidental et se convertissant à l’Islam sous la menace des pistolets. Cette période de captivité a été la plus longue de tous les enlèvements d’étrangers à Gaza, et c’était aussi la première fois qu’un groupe palestinien se déclarait comme affilié à Al-Qaïda.

A l’abri de portes fermées, les fonctionnaires palestiniens et des Nations Unies avouent craindre que la philosophie d’Al-Qaïda ne devienne séduisante pour certains groupes de militants alors que le ressentiment contre la politique de Washington grandit à cause du boycott appliqué au gouvernement dirigé par le Hamas.

Erica Silverman

31 août 2006 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :

http://weekly.ahram.org.eg/2006/810...

Traduction : Claude Zurbach