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Source : Al Faraby - Aloufok

Le choc de n’avoir pas été trompés

par Samer Abu Hawwash

mercredi 9 août 2006

www.arabs48.com

Après chaque changement dans le déroulement quotidien de la guerre, comme le bombardement d’une ville israélienne ou les pertes importantes subies par l’armée israélienne, comme à Maroun el-Ras et Bint Jbayl, on se pose la question suivante : est-ce que cela a modifié l’opinion israélienne et quelle est l’ampleur de cette modification ?

Nous ne nous fatiguons pas de discerner la réponse et nous sommes toujours choqués par la même réponse : l’opinion publique israélienne est unie autour de son armée et convaincue du bien-fondé de cette guerre. Nous attendons un changement dans la rue israélienne, car il s’agit d’un autre mythe qui accompagne celui de l’armée israélienne, et qui est son autre face.

Probablement parce que nous n’avons pas confiance, ou ne faisons pas attention ou ne trouvons aucun intérêt dans notre propre opinion publique, probablement parce que nous considérons que nous n’avons pas une opinion publique, qu’elle n’a d’ailleurs aucune importance, ou même si el
le existait, elle ne représente aucune valeur et n’a aucun poids, tout comme nous considérons que nos armées et nos formes armées n’ont aucune valeur et n’ont aucun poids.

C’est ce qu’ont prouvé toutes nos guerres précédentes avec Israël. Nous avons grandi sur ces deux convictions enracinées : nous n’avons aucune voix, nous n’avons aucune force, alors que notre ennemi possède la voix et la force, et nous devons constamment marcher, la tête baissée, devant ces deux convictions.

Le déroulement de ce qui se passe depuis le 12 juillet, le calme, la crédibilité, le professionalisme et l’efficacité de la résistance face à la folie et la sauvagerie de l’appareil militaire israélien, en passant par l’étape historique de Bint Jbayl, nous pousse à poser de nouveau la question, la question à propos de la voix (opinion publique) et de la force (la résistance).

On ne peut s’attendre à ce que les voix réclamant le « jugement » de la résistance, ou dénonçant son « aventurisme » se taisent, ni à ce que l’ensemble se rassemble autour de la résistance, en un seul rang, soutenant, appuyant ou applaudissant, cela fait partie des équilibres politiques, de ses jeux, de ses cercles élargis au-delà de la scène directe du conflit, vers d’autres scènes, régionales et mondiales.

La voix arabe troublée et ennuyée ces jours-ci face à la fermeté et l’efficacité de la résistance n’a pour argument opposé que l’ampleur des destructions menées par les Israéliens au Liban et le fait de parler de l’inégalité des forces donc de la vanité de résister. Cette voix s’appuie sur l’image précédente des guerres arabes, lorsque nous recevions des gifles, lorsque nous étions frappés et tués, et ne pouvions répondre que par les pleurs et les lamentations. Cette voix nous dit : nous avions applaudi nos armées lors de la déclaration de la guerre pour nous retrouver défaits le lendemain matin. Mais ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui dans le sud.

C’est la première fois que nous pouvons dire, au cours de notre histoire, que nous n’avons pas été trompés dans cett guerre. Il n’y a pas eu de discours ronflant, ni de promesses creuses, suivies par des justifications plus creuses encore après la défaite.

Je pense que c’est devant ce choc que nous nous tenons tous, aujourd’hui, étonnés et troublés : il ne s’agit pas du choc de « notre victoire », la résistance elle-même ne s’attend pas à une victoire dans le sens traditionnel du terme, mais la victoire que nous n’avons pas été trompés cette fois-ci, que le changement de l’équation historique avec Israël est possible, réaliste et qu’il se réalise effectivement.

Cette transformation historique ne mérite-t-elle pas que nous nous y arrêtons un moment, que nous revenons un peu, et soyons un peu plus justes envers ceux-là qui mènent effectivement la bataille, qui restent fermes, ceux qui se sacrifient effectivement ?

N’est-ce pas de l’hypocrisie ou du moins de l’insouciance ou du mépris que de dénoncer constamment la résistance, tout en évoquant la sauvagerie de l’ennemi et en déplorant les victimes civiles, sans dire un seul mot sur nos victimes, parmi les combattants et les résistants sur les fronts ?

Ces résistants ne méritent-ils pas de notre part, alors qu’ils sont effectivement des résistants au front, et avec eux leurs familles et leurs amis, un peu de considération et de respect ?

Notre génération a grandi sur l’idée disant : ne provoquez pas ce taureau israélien en furie car vous êtes plus faibles et vous ne pouvez pas supporter ses réactions et, de ce fait, n’ayez aucune illusion sur une possibilité de l’affronter sérieusement.

C’est cette sensation qui a dominé au cours de la confrontation, en 1993, en 1996 et jusqu’en 2000. Le sentiment, au cours de la libération du sud, par exemple, fut qu’elle fut, en grande partie, un choix israélien et non un fait imposé effectivement par la résistance.

Je ne peux cacher qu’au moment où Sayyed Nasrallah a lancé l’équation « Haïfa et au-delà de Haïfa »’, j’ai craint la répétition de ce qui s’est passé au cours de la première guerre du Golfe, avec les fusées de Saddam Hussayn, qui s’est terminé par une déception et une défaite cuisante avec un développement de la force et de la puissance d’Israël. Mais également lorsque le commandant de la résistance a dit que nous attendons la confrontation terrestre, j’ai pensé sur le moment qu’il ne s’agissait que de paroles de propagande et d’éloquence, qui n’ont aucun impact sur la réalité.

Mais le contraire s’est passé. Les paroles se sont effectivement matérialisées en actes. Nous devons, par respect pour nous-mêmes avant le respect pour la résistance, le reconnaître.

Nous devons commencer à penser à nous débarrasser du poids de nos sentiments de défaite, non pas nécessairement pour le remplacer par le concept de victoire, ou par le mythe de la victoire, mais au moins par celui de la capacité à affronter. Ceci est capable de susciter une transformation qualitative dans notre conscience historique, défaite et en crise.

Traduit par Centre d’Information sur la Résistance en Palestine