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Notre entretien avec Günter Schenk (version en français) Notre entretien avec Günter Schenk (version en français)

Samedi, 2 mai 2015 19h45

samedi 2 mai 2015

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Notre entretien avec Günter Schenk (version française))

Bonjour

Ci-joint notre entretien avec Monsieur Günter Schenk, membre du Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine de Strasbourg sur Palestine et sur la paix

Dr. phil. Milena Rampoldi

Redaction de ProMosaik e.V.

Dr. Phil. Milena Rampoldi : Comment peut-on expliquer clairement la différence entre judaïsme et sionisme, sans être accusés d’antisémitisme ou de relativiser l’holocauste ?

Monsieur Günter Schenk : En opposant toujours injustices, racisme et oppression, sans jamais prendre position contre les Juifs, seulement pour leur appartenance ou leur religion et ne jamais les vilipender pour ce qu’ils sont. Nous devons dénoncer le sionisme comme idéologie, qui non seulement sert à l’exclusion mais détruit aussi le Judaïsme éclairé et européen.

Dr. Phil. Milena Rampoldi : ProMosaik e.V. rêve de l’époque avant le sionisme quand les juifs et les musulmans vivaient en paix dans le monde musulman. Comment peut-on sauver quelque chose de cette époque pour soutenir la paix au Moyen Orient ?

Monsieur Günter Schenk : Juifs, chrétiens, musulmans ont cohabité paisiblement pendant des longues périodes en Orient, y compris dans l’empire Ottoman. C’était particulièrement le cas en Palestine, partie de la grande Syrie. C’est de ceci que nous devons informer, en puisant aussi bien dans les témoignages personnels que dans les rapports authentiques d’autrefois. La volonté et la capacité de vivre ensemble a été conservée chez les orientaux jusqu’à nos jours. L’interventionnisme de l’occident y a seulement fait naître des forces opposées. C’est particulièrement vrai pour Israël qui y est un acteur nocif.

Dr. Phil. Milena Rampoldi : Combien la culpabilité concernant la Shoa influence les allemands aujourd’hui en renforçant leurs support aveugle à Israël ?

Monsieur Günter Schenk : Tout le monde doit accepter que la culpabilité est toujours liée à la personne, contrairement à la responsabilité, qui peut être la conséquence des actes d’autrui. Les Allemands, en particulier, doivent savoir que la culpabilité née en Europe, à l’égard des Juifs, ne devrait jamais être utilisée pour faire payer les autres, dans ce cas les Palestiniens. Israël fait usage abusivement et cyniquement non pas de la culpabilité mais aussi de la responsabilité des Allemands à des fins politiques. Par-là, des déjà coupables sont transformés en complices de nouveaux crimes. Pire encore : des innocents aussi sont fait complices de nouveaux crimes. Des media, guidés par les intérêts et les gouvernements Allemands ont simplement « oublié » les Palestiniens qui sont victimes de la création de l’état d’Israël, par la terreur et les armes, par les Sionistes. Ceci passe simplement aux oubliettes des media. Conséquence : beaucoup font la fausse équation Israël = Juifs. De grands efforts d’information sont nécessaires pour corriger ceci ! Par contre les gouvernements suivent leurs propres maximes de la REALPOLITIK, qui consiste surtout à ne pas s’opposer aux forces, considérées plus puissantes. Dieu seul sait si c’est par conviction ou parce qu’ils sont objets de chantage.

Dr. phil. Milena Rampoldi : Comment est-ce que vous avez trouvé votre voie vers la Palestine et la critique à Israël ?

Monsieur Günter Schenk : C’est une longue histoire, qui ne m’est pas tombée du ciel. Jusqu’à un âge avancé j’ai considéré que le bien-être d’Israël était synonyme de bien-être des Juifs tout court, ceci en raison de mon éducation. C’est seulement par la reconnaissance de ce que s’était passé et grâce à diverses rencontres, que j’ai dû constater avec stupeur comment ma perception d’Israël et de la Palestine ne collait ni avec mes convictions ni avec les valeurs comme l’égalité des hommes. J’ai vécu une rupture.
Jusqu’alors, quand je rencontrais des Palestiniens (ils étaient nombreux dans les villes universitaires allemandes des années 1960), je ne les écoutais jamais vraiment, lorsqu’ils me racontaient leur vie misérable de réfugiés dans leur propre pays. Je ne ressentais pas d’empathie à leur égard. Par contre, tout ce que faisait Israël me réjouissait...ne représentaient-il pas les survivants de la Shoah ? Ou, n’étaient-ils pas au moins leurs enfants ? Pour les nouvelles victimes – les Palestiniens – ce fut une erreur lourde de conséquences, comme je l’ai compris plus tard. Cette dissonance cognitive était, dans mon cas, d’autant plus surprenante, qu’Il y avait, dans l’environnement de mes parents une famille Juive, et aussi, qu’après le « Printemps de Prague » je me suis lié d’amitié avec une jeune juive, qui s’était réfugiée en Allemagne. Cette ignorance me tourmente jusqu’à aujourd’hui. Certainement je me suis laissé séduire par les média dominants, et n’ai suivi ni ma conscience ni ma capacité d’analyse qui me tiennent à cœur.

Dr. phil. Milena Rampoldi : Racontez-nous de votre livre Palestine on my Mind. Quelles sont-elles les thèses principales qui vous voudrez communiquer à nos lecteurs ?

Monsieur Günter Schenk : Après ce revirement je me suis tourné, à Strasbourg, vers un groupe de Juifs et non juifs, qui venait de se constituer au sein d’un collectif et qui me semblait comme taillé pour ma personne. Je devins un militant de la cause palestinienne. Aussi en Allemagne me suis-je rapproché de groupes solidaires. Souvent on m’a demandé, pourquoi je me tournais juste vers les Palestiniens. Je pensais justifier ceci dans un petit article. Quand j’en ai parlé à une amie journaliste, domiciliée à Berlin et à Paris, elle s’est exclamée spontanément : « c’est une idée formidable. Beaucoup d’entre nous devaient le faire. Il en est résulté mon livre de témoignages Denk ich an Palästina – Palestine on my Mind ». Avec ce bouquin je ne voulais nullement ajouter un autre livre sur ce qu’en appelle le « Conflit Palestinien »- il en existe de nombreux et des bons ! Mon intention était par contre d’expliquer aux nombreuses personnes autour de moi, y compris mes propres frères et sœurs, mais aussi « aux politiques », que nous, Allemands, Européens, non seulement nous pouvons nous solidariser avec les Palestiniens, mais aussi nous devons le faire. Ce sont les Palestiniens qui souffrent du nettoyage ethnique et d’autres atrocités, avant et suite à la création de l’État d’Israël en 1948. Ce n’est pas parce que « par hasard » nous sommes allemands, français, irlandais... mais parce c’est une question de JUSTICE qui nous est chère.

Dr. phil. Milena Rampoldi : Comment est-ce que vous voyez le futur de l’antisionisme juif et non-juif et quelles opportunités voyez-vous pour une solution définitive du conflit israélien-palestinien ?

Monsieur Günter Schenk : D’abord, laissez-moi parler de l’avenir du Sionisme – chez Juifs et non-Juifs. Le vrai danger – dans le Proche Orient et au-delà – vient du Sionisme, je pense que cela ne nécessites guère d’explications. L’erreur principale, que les Juifs du monde seraient quasiment « condamnés » au Sionisme est fausse et beaucoup de Juifs la considèrent erronée. Dans le cas contraire ils devraient tous « plier bagage » et émigrer en Palestine, maintenant Israël. Ce qu’ils ne font pas, bien sûr. En tout temps le Sionisme était une idéologie minoritaire parmi les juifs d’Europe. Une idéologie mal aimée. Les National-socialistes allemands par contre y voyaient un côté positif ; les deux idéologies ne se ressemblaient-elles pas ? D’une part, celle des Nazi et de l’autre celle des Sionistes : « L’Allemagne pour nous seulement, ’Ariens’ et La Palestine pour ’nous sionistes’, Juifs seulement ? » C’est uniquement la folie des National-socialistes, qui a sonné « la cloche de chance » pour les Sionistes leur permettant la finalisation de la création d’Israël, un des derniers états reposant sur le colonialisme, sur la terre des Palestiniens. La plupart des Juifs dans le monde, comme je l’ai expliqué, ne sont pas Sionistes ou, ils ne sont pas vraiment au courant de la signification de ce mot. En Israël cet expression ne joue pas un grand rôle, parce qu’en Israël il a été largement remplacé par l’Idéologie de la peur « ANGST » et aussi par le sens de la suprématie, sorte de nouveau « HERRENMENSCHEN » ; cette idéologie qui rend aveugle pour « voir les Autres », de « voir l’autre ».

Vous m’interrogez sur mon appréciation de l’avenir de l’Antisionisme chez les Juifs et le Non-Juifs : Nombreux, toujours plus nombreux sont les jeunes Juifs États Unies d’Amérique qui prennent leurs distances avec toute forme d’Idéologie, surtout la sioniste. Ils veulent – simplement – rien d’entendre. Ainsi les – souvent extrêmement riches – financiers du Sionisme cèderont la place aux jeunes, lesquels ont de moins en moins envie de se faire accuser des méfaits d’un état qui n’est pas le leur et qui prétend agir en leur nom. Ceci est une question de temps...

Cela est moins visible en Europe mais, comme c’est souvent le cas dans d’autres domaines, la tendance en Europe va suivre avec un certain décalage de temps.

Mon ami inoubliable, Dr. Hajo Meyer, grand scientifique et penseur, était certainement à la fois héritier de ses parents du judaïsme éclairé européen et, indiscutablement, un Antisioniste.
D’autres Juives et Juifs allemands, détournent avec dégoût leur regard du Sionisme qui entend sa « Judaïté » par un communautarisme nationaliste « bad or wrong, my country », absurde pour un citoyen allemand ou français.

La situation varie en France ; de nombreux Juifs se considèrent depuis longtemps avant tout comme citoyen français aux racines, traditions ou religion juives et sont fortement attaché aux valeurs de « la République ». Pour ceux-ci l’idée du Sionisme est étrange et ils se sentiraient plutôt hostiles à cette idéologie. En Allemagne le plus connu entre eux est le Pr. Alfred Grosser, Paris. Mais il faut dire qu’en France aussi le Bacille l’idéologie Sioniste a atteint grand nombre de Juifs, actuellement souvent sous l’influence des tensions intérieures du pays et des tendances sectaires dans la société. Ainsi on peut dire que la communauté juive française est divisée, comme c’est d’ailleurs tout le pays. À long terme il y a raison de faire confiance à la force de « La République », parce que malgré des problèmes temporaires, la plupart des Juifs français se sentent « français » – bien que, naturellement ceci ne fasse pas nécessairement d’eux des Antisionistes.

Plus difficile me semble le dépassement du Sionisme chez les non-Juifs, qui se constitue, surtout aux États Unis d’Amérique, presque exclusivement parmi les fondamentalistes chrétiens, des « églises évangéliques », ce qu’on appelle « Christian Zionists » Ceci est un héritage de la société états-unienne, ces Millions des « religieusement séduits » fanatiques croyants, très difficilement à surmonter. En ce que concerne les Antisionistes non Juifs, ce qui l’’emporte est la question épineuse : « quelle est votre position pour la question de la démocratie, à l’égalité ». Celle ou celui qui répond sans équivoque avec OUI, et per se un Antisioniste - en tout cas pas un Sioniste. Cet avenir – pour utiliser le titre d’un livre du fameux auteur juif-allemand Robert Jungk – a déjà commencé.

Les Antisionistes Allemands et aussi des Français et d’autres Européens, qui ne sont pas Juifs, vont probablement rester dans l’avenir une minorité de politiquement et socialement particulièrement engagés. Pour être Antisioniste on doit d’abord avoir compris les effets dangereux du Sionisme et cela demande une connaissance profonde. Encourager celle-ci est une tâche à laquelle je me donne volontairement.

Concernant le conflit, j’hésite à utiliser le mot « Lösung ». Par contre, je suis profondément convaincu que vivre ensemble, Juifs, Non-Juifs, et Palestiniens dans la Palestine historique, ce petit morceau de la terre entre la Méditerranée et la rivière Jordan, entre les montagnes enneigées du nord et la Mer Rouge au sud, n’est pas seulement souhaitable, mais possible. Si vous voulez, appelez ceci l’état ANTE !

Il en ne faut pas grande chose : le dépassement du Sionisme et son évacuation au dépotoir de l’histoire. Si des Juifs du monde entier se sont battus pour l’abolition du racisme, contre le ségrégationnisme, pour les droit civiques (Civil Rights), en se plaçant à la pointe du javelot, ce qu’ils continuent à faire, il me semble absurde que ce soit impossible, justement dans « l’Israël juive ». Israël en Palestine. La seule condition est l’adieu au dogme de la PEUR de l’Autre, un « Overcoming Zionism », comme est le titre du Juif et nommé des US-GREENS à la présidentielle de 2000, Joël Kovel. À partir de cela, seulement, le pays peut devenir ce qui a été promis, un « port sûr », et un bienfait pour tous ses citoyen et voisins. Travailler à cette tâche vaut la peine !