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Par Michel Warschawski

L’avenir d’Israel en jeu

Olmert, Peretz et Halutz sont les dirigeants les plus dangereux et irresponsables qu’Israël ait jamais eu

samedi 5 août 2006

publié le vendredi 4 août 2006.

Le logique ultime de la guerre globale est une ethnicisation complète des conflits, où on ne combat pas une politique, un gouvernement ou des cibles particulières, mais une ‘menace’ identifiée à une communauté. La peur est le point de départ de la nouvelle ère, la haine est sa finalité.

« Nous devons réduire les villages du sud en poussière [..] Je ne comprends pas pourquoi il y a encore de l’électricité là bas » (1)

Par ces mots, le ministre israélien de la Justice [sic], et ancien leader du parti travailliste, Haïm Ramon, a résumé ses suggestions pour la poursuite de l’offensive militaire au Liban, après l’échec de l’invasion de Bint Jbail. Pour le haut commandement militaire israélien, soutenu dans le cabinet par le ministre travailliste Benjamin Ben Eliezer, la solution est d’occuper une partie du Sud-Liban après avoir détruit tous les villages. Selon ce plan, Israël ’demandera’ par des dizaines de SMS à la population locale de partir avant la destruction des villages. Ceux qui décideront de rester, ou plus simplement, qui ne reçoivent pas ces SMS ‘humanitaires’, seront considérés comme terroristes.

Horrible ? Certainement, mais pas inattendu. La guerre israélienne au Liban est le paradigme de la guerre parmi les guerres de recolonisation du monde et de subjugation à l’Empire des peuples de la terre au 21eme siècle. Dans ces guerres, les vies des civils n’ont pas seulement une valeur très réduite - comme dans toute guerre - mais elles sont considérées comme des objectifs légitimes, coupables de soutenir activement ou passivement le terrorisme, un terrorisme qui ferait partie, en fait, de leur culture. En dix ans, nous avons assisté à une évolution graduelle du discours dominant : de groupes terroristes à Etats terroristes, puis à peuples terroristes. Le logique ultime de la guerre globale est une ethnicisation complète des conflits, où on ne combat pas une politique, un gouvernement ou des cibles particulières, mais une ‘menace’ identifiée à une communauté. La peur est le point de départ de la nouvelle ère, la haine est sa finalité. C’est pourquoi les néo-cons de l’administration américaine parlent d’une guerre perpétuelle.

Sous le prétexte de la capture de deux soldats israéliens, le gouvernement israélien a décidé d’ouvrir un nouveau front de la guerre globale, préventive et sans fin de recolonisation. Il est prêt à envoyer ses soldats ouvrir la route de la ‘nouvelle démocratie dans le Moyen-Orient’ et de sacrifier sa propre population comme victime collatérale de cette nouvelle sorte de guerre ethnique. C’est clairement exprimé dans une publicité coûteuse publiée par les néo-cons israéliens en première page de Ha’aretz :

« Israël est au premier plan de la guerre contre le Jihad mondial. Nous avons deux options : soit renforcer les fanatiques, par le recul et la séparation, par le retrait unilatéral, qui feront d’Israël la scène de la lutte principale entre l’Islam fanatique et le monde éclairé, ou de renforcer les modérés [...] et de transformer Israël en un centre mondial de la justice et de la compréhension interreligieuse [sic]. Au Moyen-Orient, il n’y a pas de raccourcis ».

A la fin de la pub, une brève note : « Souvenez-vous : une sensibilité philosophique déformée [sic] à la vie humaine fera que nous paierons le prix réel de nombreuses vies, et le sang de nos fils » (2)

Alors que de plus en plus de voix, parmi les Israéliens, contestent, sinon la légitimité, du moins la dimension de l’opération militaire actuelle, l’administration américaine demande qu’Israël ne cède pas aux pressions de ceux qui travaillent à un cessez-le-feu. :

« La secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, est le personnage dirigeant de la stratégie visant à changer la situation au Liban, et non le Premier ministre Olmert ou le ministre de la Défense Peretz. Elle est celle qui a réussi, jusqu’à présent, à s’opposer aux pressions internationales en faveur d’un cessez-le-feu. [...] Pour réussir, il lui faut des atouts militaires que malheureusement, Israël n’a pas été capable de lui fournir. A l’exception de la punition par le feu du Hezbollah et du Liban [sic], les atouts militaires israéliens ont été limités, à ce jour, à la conquête de deux villages libanais frontaliers. Si Israël n’améliore pas ses atouts militaires par la bataille, nous en sentirons les résultats dans la solution politique » (3) C’est par ces mots que l’analyste politique et militaire Ze’ev Schiff résume la nature de la visite à Jérusalem de la secrétaire d’Etat américaine ce week-end.

Tôt ou tard, cependant, l’administration américaine devra accepter une solution politique, plus ou moins basée sur ce qui a été dessiné récemment à Rome. Du moins, jusqu’à la nouvelle manche de cette guerre préventive sans fin, où Israël continuera à jouer son rôle d’avant-garde armée du monde soi-disant civilisé.

Ce que le public israélien ne comprend pas, ce sont les implications dramatiques de la politique de son gouvernement sur l’existence même de l’Etat au cœur des mondes arabes et musulmans. Par sa brutalité illimitée, sa rhétorique et sa stratégie ‘civilisatrice’, l’Etat d’Israël démontre aux peuples de la région qu’il est, et veut demeurer, un corps étranger et hostile au Moyen-Orient, rien d’autre qu’une extension armée des Etats-Unis d’Amérique et de sa croisade anti-musulmane du 21eme siècle.

Chacun sait ce qu’a été le sort des croisés, il y a dix siècles.

La haine causée par le bombardement de Beyrouth - la destruction de l’infrastructure du Liban, les centaines de morts civiles, les centaines de milliers de réfugiés, la politique de la terre brûlée au sud - est immense dans tout le monde musulman. Elle peut même rapidement contaminer les communautés musulmanes des pays du Nord. De plus, contrairement à des crises antérieures, apparemment semblables, comme l’invasion du Liban en 1982, cette haine se développe sur le terreau fertile du discours sur la guerre civilisatrice globale et l’ethnicisation du conflit. Par conséquent, il sera extrêmement difficile d’éradiquer la colère après la dissipation des fumées du champ de bataille et l’enterrement des morts.

Olmert, Peretz et Halutz sont les dirigeants les plus dangereux et irresponsables qu’Israël ait jamais eu, ils jouent avec un feu qui peut réduire en cendres notre existence nationale même au Moyen-Orient. Sur les faibles épaules du petit mouvement anti-guerre israélien, repose non seulement le sort des citoyens israéliens et la décence morale de notre société, mais aussi le futur même de nos enfants dans cette partie du monde.

« Nous refusons d’être ennemis ! », c’est un des slogans de nos manifestations. Jamais auparavant un tel slogan n’a été si important, si urgent, si existentiel.

[1] Ha`aretz, 28 Juillet 2006

[2] Ha`aretz, 30 Juillet

[3] Ha`aretz, 30 Juillet