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Marcel Khalifé, jeudi 03 août 2006

« Artistes de l’Unesco pour la Paix, soyez une fureur tumultueuse dans le calme feutré »

Source : Al Faraby-Aloufok

jeudi 3 août 2006

Lettre adressée aux Artistes de l’Unesco pour la Paix dans le monde

L’Unesco a bien fait de vous nominer « Artistes pour la Paix » car vous vous êtes dédiés à la Paix, êtres et expressions ; vous l’élite actuelle du monde de I’art et
de la créativité qui transmettez votre expérience à l’échelle universelle comme un signe d’authenticité, de renouveau et de conquête perpétuelle d’horizons nouveaux.
Cela a valu à votre art une grande popularité dans vos pays.
L’Unesco a par ailleurs entrepris ce choix car I’art est un vecteur, des vecteurs, attentive à l’excellence de vos contributions et à votre rôle actif dans le développement des grandes valeurs universelles. Puis, elle affina le libeIIé « Pour la Paix » car I’art est son corollaire : la paix intérieure, la paix en soi et avec les autres. C’est là, la première des revendications, à I’heure où I’homme a un besoin vital de cette paix intérieure, sérénité et adhésion aux valeurs essentielles garantes de son humanité ; celle qui humanise les relations à autrui et
les refonde sur les bases du pardon, de I’amitié, de l’équité, du respect de I’honneur, du refus de la violence, du fanatisme, de la domination, de la répression, et de l’occupation.

Bien au contraire, l’Unesco a fait le choix de vos valeurs ; elles sont celles que votre art défend

Je, soussigné, Marcel Khalifé,

Je vous interpelle, en tant que collègue portant comme vous le titre « d’Artistes de I’UNESCO pour la Paix », afin que vous ne vous détourniez pas du spectacle de la détresse généralisée que génère le pouvoir militaire israélien déchaîné contre le Liban et le peuple libanais, contre la Palestine et le peuple palestinien. Rien ne justifie notre art si nous ne sommes pas les porte-paroles de ceux qui ne peuvent s’exprimer. Telle est notre cause à laquelle nous avons tout donné et qui nous consacre par la même en tant qu voix élégante parlant en son nom. Nous la portons aussi loin que possible et promettons de clamer nos oeuvres ; cantiques d’amour et de fusion avec toutes les victimes de toutes les oppressions.

En ces instants décisifs que vit mon peuple, j’en appelle à votre lucidité pour que vous compreniez cette cause humanitaire, et que nous oeuvrions pour que cessent les
meurtres collectifs perpétrés au quotidien au vu et au su du monde « civilisé ». Nous voyons tous, I’ampleur des catastrophes que diffuse la télévision ; exprimons alors
à haute voix notre refus catégorique des tueries de I’armée israélienne d’occupation à notre encontre.

Artistes de l’Unesco du monde entier,

Baptisons les hommes de bonheur et retirons de leurs poitrines I’affliction de la guerre destructrice, avec une joie qui damne le pion à la peine, une espérance qui
renvoie le désespoir, un horizon qui ouvre un inconnu, une verdure qui contre la sécheresse, un murmure qui étincelle de silence.. l’oeuvre recentre la cause.. si elle se perd dans les replis de I’ambiguïté.

Amis,

Laissez nous percevoir ce qui reste en vous de sens humain et soyez cette corde salvatrice tendue jusqu’à I’abîme de la mort, ramenant ce qui fuit.
Soyez un baume pour nos blessures quand les grands de ce monde y jettent le sel pour que s’y enflamme la douleur.
Protestez contre cette plaie qui ne veut pas cicatriser.
Soyez une fureur tumultueuse dans le calme feutré, un écho de la révolte des hommes dans une sérénité où la question renvoie à l’impasse d’une réponse toute faite.

Amis,

Votre solidarité avec nous a bien un sens :

Afin que nous ne soyons pas réduits, hommes et pierres, sous les coups répétés, au désespoir et de la déchéance.
Afin que nous nous dressions telle une forteresse devant les raids de la haine, et que nous nous prémunissions de l’ennemi sous toutes ses formes. Nous cherchons refuge en des hommes auxquels nous nous adressons, et nous nous adressons au plus profond en eux. Sans jamais abandonner les lignes de défense du sens humain avec les armes de l’amour. Pour la défense de notre forteresse et de la belle signification qui fonde notre pays.

Malgré la terreur de ce qui nous arrive, nous allumons, dans le sang, le sel des origines. Nous livrons le mot de passe « Amour ! » afin que tombent les édifices nés
de I’aire stérile et de ses lézardes.

Artistes de l’Unesco pour la Paix,

Epaulons nous et donnons des concerts au profit du Liban et de la Palestine, que ce soit une alliance dotée d’amour et de don. Rencontrons-nous pour clamer en toute foi que des temps putrides gardés par des tyrans cupides de la guerre assiègent I’homme et la vie.

Nous ne pouvons imaginer un monde perverti et dénué de sens, où les politiques se moulent dans le vil et le décadent. Ces politiques haineuses où Israël et ses
maîtres installent en toute impunité les mécanismes de la déchéance du monde pour universaliser leurs valeurs vénéneuses. Les gouverneurs des États Unis d’Amérique
prônent le crime méthodique et systématique sans états d’âmes, alors même qu’ils se revêtent du masque de la puissance au service du « bien dans le monde » .

Une sauvagerie aveugle, méprisante, dure et sans pitié, qui ne se souci ni des Nation-Unies ni des lois nternationales. La communauté internationale est quant à
elle silencieuse et oublieuse des crimes des maîtres de la « chefferie du monde libre » .

N’allons pas trop loin. L’invasion de l’Iraq est un terrorisme international flagrant qui met en évidence un mépris total du droit international.

Comment ces gouvernants en sont-ils arrivés Ià ?

Une bande de malfrats fanatiques et ignorants qui détiennent dans leurs besaces les armes destructrices.
Comment ont-ils dérobés leur sens à la démocratie et à la liberté, propagé partout le chaos, et éliminer toute forme de résistance légitime en jetant sur elle la suspicion du terrorisme et l’opprobre générale ?

Amis,

Rappelons-nous que I’humain en I’homme ne saurait être réduit sous les bottes guerrières, et que le beau resurgit toujours des cendres d’incendies.

Rendons nous compte que le joug de la haine contre les hommes, les pierres, les âmes et la volonté ne peut être que bref, que l’écume se disperse et que seul ce qui
profite aux homme subsiste.

Reprenons donc un chemin qu’aucune circonstance n’entrave. Car nous ne discutons pas par ces temps de guerre, de silence coupable et de destructions globales.

Reprenons vigueur pour la vie, le renouveau et la résistance, et réouvrons cette lucarne pour qu’enfin s’aère une région asphyxiée par les velléités guerrières.

Notre peuple a préféré la confrontation et rejette I’abdication.

Une confrontation grande et noble dont il mesure la dureté autant que les conséquences.

Notre peuple sait ce que signifie se lever contre l’ennemi israélien qui recours à la destruction de notre vie quotidienne, et viole notre intimité.

Dans ces circonstances, alors qu’il nous est demandé d’être les gardiens du sommeil, du vent et du kilo de farine par le fer et par le sang, une solidarité spontanée s’impose à nous et décline la résistance sous diverses formes.
Ainsi la nation sera rendue à elle-même, I’arbre à sa terre, et la rose à sa couleur.

Cette résistance met à nu le déchaînement de la violence de l’ennemi qui n’hésite pas à bombarder perpétrant des carnages répétés. Elle dévoile aussi la profonde
apathie du monde arabe dans son entier vis à vis du Liban et de la Palestine.

La couardise des dirigeants arabes, et l’isolement du Liban, démontre une forme de complicité de ces régimes avec Israël.
La répression de leurs peuples est un autre aspect de leur responsabilité dans le délabrement généralisé. Ce silence arabe quasi total sur la guerre que subit le Liban et la Palestine est effrayant, car il tend à paralyser toute velléité de résistance et pousse au désespoir et à I’abdication.

Ce jour, et afin de contrer l’ennemi israélien ; pour nos enfants, pour nos fleurs, pour nos rues, pour nos chansons, pour nos joies, pour notre air, pour notre mer, pour notre terre, nous appelons toutes les nations à I’aide pour que les nôtres puissent regagner leurs maisons et leurs villages, pour que les nôtres soient en sécurité et que les conditions de vie décente leur soient possibles.

Amis,

Impliquons-nous de fait dans cette incontournable tâche, nous participerons ainsi à apporter les réponses aux questions posées et arriverons à ce que les causes dans le
monde soient exprimées.

Créons les motivations qui conduiront à changer cet état de fait.

Quelle valeur un artiste a-il s’il ne contribue pas sincèrement à la libération de t’homme et à son émancipation ?

Quelle valeur un artiste a-il s’il ne se révolte pas ? la civilisation est fille d’un moment de révolte...

Marcel Khalifé
Siège de l’Unesco,
Paris - jeudi, 3 août 2006

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