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Source : ASSAWRA

Ce que préparent les États-Unis en Syrie

Mardi, 23 septembre 2014 - 15h16

mardi 23 septembre 2014

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Si les bombardements américains contre les positions de l’État islamique en Irak se sont révélés pour l’heure relativement efficaces, les États-Unis ne viendront pas à bout de l’organisation djihadiste sans la frapper dans son fief en Syrie, où réside l’essentiel de ses ressources en combattants et en pétrole. Barack Obama l’a bien compris et a annoncé il y a dix jours qu’il n’hésiterait pas à agir contre l’EI « où qu’il soit ». Pourtant, alors que le président américain va sans nul doute réussir à mettre sur pied une vaste coalition internationale sur l’Irak, avec l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU, la tâche s’annonce autrement plus ardue, voire impossible, concernant la Syrie.
La clé du problème réside dans le rejet américain de l’offre de collaboration « contre le terrorisme » proposée par le régime syrien. Autrement dit, sans demande explicite formulée par Damas, l’Amérique se retrouvera dans l’illégalité si elle frappe en Syrie. D’autant plus qu’à l’ONU Bachar el-Assad dispose d’un allié indéfectible - la Russie -, qui opposera son veto à toute résolution sur une intervention militaire en Syrie, que Moscou a d’ores et déjà qualifiée d’"agression". Rappelant son attachement au droit international, la France, qui a mené vendredi ses premières frappes contre l’État islamique en Irak, a d’ailleurs précisé qu’elle n’interviendrait pas aux côtés des Américains dans le dossier syrien.
En dépit de ce mur juridique, les États-Unis semblent pourtant bel et bien décidés à frapper. Lors de son audition au Sénat, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a indiqué que les bombardements américains, qui devraient impliquer des avions de chasse et des drones, cibleraient « les sanctuaires de l’État islamique en Syrie », à savoir « ses centres de commandement, ses capacités logistiques et ses infrastructures ». Une campagne qui « sera acharnée et longue », a-t-il averti.
Or, comme le rappelle François Géré*, directeur de l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas), « il est quasiment impossible de mener des frappes efficaces contre Daesh [acronyme de l’État islamique en arabe, NDLR] en Syrie sans renseignements de qualité, qui ne peuvent être fournis que par le gouvernement syrien ». Justement, des sources régionales ont indiqué fin août à l’Agence France-Presse que Washington et Damas avaient commencé à échanger des informations sur les positions djihadistes. Une révélation qui, si elle était confirmée, remettrait en cause la rhétorique officielle de Washington, selon laquelle le régime de Bachar el-Assad est infréquentable.
Si les avions américains frappaient l’État islamique sans demander l’autorisation de Damas, ils se heurteraient aux performantes batteries antiaériennes syriennes. « Ce serait prendre un risque considérable, d’autant que la Syrie aurait toute légitimité à abattre les avions, ce qui pourrait déclencher un casus belli », avertit François Géré. Sans oublier que des frappes aériennes américaines ne suffiront certainement pas à venir à bout de djihadistes volatiles qui aiment se fondre au sein des populations civiles.
Voilà pourquoi Barack Obama a assorti à son plan d’attaque l’entraînement, le financement et l’armement de 5 000 soldats rebelles « modérés » environ censés prendre le relais des frappes américaines et reconquérir sur le terrain les villes aux mains des djihadistes. Pour ce faire, le président américain a obtenu jeudi du Congrès le déblocage de 500 millions de dollars. D’après le général Martin Dempsey, chef d’état-major interarmées américain, les rebelles seront entraînés durant douze mois en Arabie saoudite sous l’égide du Pentagone. Ils viendraient s’ajouter aux opposants syriens que la CIA entraîne déjà en Jordanie depuis novembre 2012.
À en croire le New York Times, ces rebelles feraient partie de factions « modérées » combattant l’État islamique dans le nord de la Syrie depuis janvier 2014, parmi lesquelles le Front révolutionnaire syrien, une alliance « laïque » créée fin 2013, et le mouvement Hazm, un bataillon également laïque fondé en 2014 et qui compterait quelque 15 000 combattants. Le secrétaire d’État John Kerry évoque en tout des « dizaines de milliers de combattants », dont des « laïques et des islamistes », qui ont un « passé solide » dans la lutte contre l’EI.
Pourtant, contrairement aux affirmations du chef de la diplomatie américaine, ces groupes modérés sont loin d’être en pointe dans la lutte armée contre l’État islamique, à la différence du Front islamique (coalition de groupes salafistes) et du Front Al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaida, considéré comme terroriste par Washington. Particulièrement sous-équipées, les factions « laïques » sont décriées pour leur manque d’organisation, la corruption qui les ronge, ainsi que par leur manque de stratégie. Un sérieux handicap face aux quelque 30 000 djihadistes jusqu’au-boutistes de l’État islamique.
Interrogé mercredi par la Chambre des représentants, Barack Obama a répété que le « renforcement de l’opposition syrienne était le meilleur contrepoids à l’extrémisme de l’État islamique ». Tout en soulignant que Bachar el-Assad « ne regagnerait jamais la légitimité qu’il a perdue ». D’ailleurs, à la surprise générale, son secrétaire d’État John Kerry a accusé le lendemain le président syrien d’avoir violé l’accord sur le démantèlement des armes chimiques syriennes en ayant eu systématiquement recours au chlore. Un mois, jour pour jour, après qu’Obama s’est félicité de la destruction de l’arsenal syrien.
D’ailleurs, le chef du mouvement Hazm, que s’apprêtent à aider les Américains, ne s’en cache pas : il a rappelé au New York Times que sa priorité n’était pas de combattre l’EI, mais bien Bachar el-Assad.

(19-09-2014 - Armin Arefi)

* François Géré, auteur de La nouvelle géopolitique (Éditions Larousse)