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Un maillon de la chaîne : un peu de pédagogie

A quand les projecteurs sur le Bahreïn ?

Mardi, 23 septembre 2014 - 8h44 AM

mardi 23 septembre 2014

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Si la situation politique du pays a peut-être trouvé la lumière au bout du très long tunnel, et que la révolte populaire ne cesse pas, la couverture médiatique à l’international se fait toujours aussi discrète.

Le Bahreïn est un petit pays d’un million deux cent mille habitants, dont plus de la moitié sont des expatriés. Le Bahreïn est un archipel situé entre l’Arabie Saoudite et le Qatar : c’est donc peu dire qu’il est richissime, une fortune bien évidemment tirée de l’or noir. Vous avez peut-être entendu parler du Bahreïn pour son Grand Prix de Formule 1, sa culture de perles ou encore sa famille princière et ses extravagances.

Ce que vous n’avez peut-être pas entendu à propos de cet Etat, c’est qu’il est depuis 3 années, sans interruption, agité par une révolte populaire sans précédent depuis que le Cheikh Hamed ben Issa al-Khalifa s’est déclaré roi.

Un printemps de 3 ans

C’est dans la foulée des printemps arabes, en 2011, que la contestation a pris une ampleur considérable. La majorité chiite, se sentant lésée par une classe dirigeante sunnite, mena le pas, suivie par tout un peuple exaspéré par les exactions et inégalités : sunnites, riches et moins riches battirent à leur tour le pavé. Des manifestations s’organisèrent, allant jusqu’à rassembler jusqu’à quelques centaines de milliers de citoyens d’un pays qui n’en compte qu’un demi-million.

La première réaction du roi fut de régler la note. Peu après les annonces de la première manifestation, programmée le jour symbolique du 14 février 2011, neuvième anniversaire de la Constitution, il fut annoncé qu’un chèque de 1000 dinars bahreïnis (environ 2000€) soit envoyé à « chaque famille ». Ce qui n’a pas empêché la foule de déferler dans la rue.

La deuxième réaction fut donc la violence : les services de police et d’armée des états voisins, notamment d’Arabie Saoudite, furent vite autorisés à entrer et à faire la loi dans l’archipel.

C’est là que le black-out médiatique devient évident : bien que les emprisonnements arbitraires, tortures, ainsi que les morts pendant la répression des manifestations soient avérés, il est très difficile de poser un bilan comptable sur une situation qui perdure. Il faut s’en référer aux chiffres sur les morts de toutes causes, et tenter de faire le tri, un travail macabre qui ne sera pas fait ici.

Le gouvernement nie en bloc, accusant les quelques documents et photos des événements d’être faux ou manipulés, tout en empêchant les journalistes de la presse étrangère de pénétrer sur le territoire.

Une situation qui n’a rien d’exclusif, et qui n’a jamais empêché l’information d’arriver en masse sur les ondes ainsi que sur les rouleaux d’imprimerie, sans parler des écrans d’ordinateurs et autres smartphones.

Silence anodin ?

On a pu cependant apercevoir le roi du Bahreïn à Londres, en mai 2012 au jubilé de diamant d’Elizabeth II, reine d’Angleterre (il avait eu la prudence de décliner l’invitation au mariage de Kate & William, plus tôt). On a pu le voir aussi à l’Elysée, en juillet 2012, peu après l’élection de François Hollande, lors d’un discret mais chaleureux accueil par le président de la République Française.

Rien d’inhabituel pour un homme qui a fait son éducation scolaire en Grande Bretagne, puis son apprentissage universitaire et militaire aux Etats-Unis. Rien d’inhabituel pour un homme reposant sur une fortune sans fin, pérennisée depuis la fin des années 90 par la diversification des activités, avec des banques comme alliées principales.

Rien d’étonnant donc, qu’Al Jazeera, très présent sur le terrain lors des printemps arabes partout ailleurs, se soit révélée particulièrement discret sur ce pays. Rien d’étonnant non plus, qu’Amber Lyon, journaliste de CNN chargée de couvrir les événements au Bahreïn, n’ait rapporté des pressions de la part de sa chaîne et du gouvernement américain pour ne pas parler des violations des droits de l’Homme. Qu’elle accuse son employeur d’avoir encaissé des chèques pour mettre le régime sous une bonne lumière, et que son documentaire sur le sujet ne soit jamais diffusé ne l’est pas non plus.

Une monarchie qui se fait violence

Visiblement, les Bahreïnis ne se sont pas laissés décourager de pas bénéficier d’une couverture médiatique convenable, puisqu’ils étaient encore nombreux à manifester le 19 septembre dernier. Une manifestation, qui selon les témoins et les rapports, aurait été une nouvelle fois réprimée. De nombreux passages de la manifestation ont été diffusés en direct sur YouTube. Ils réclamaient plus de leurs souverains, ils disent refuser de se laisser berner. C’est le prince Salman, héritier du trône, qui a voulu rassurer le peuple en promettant plus de libertés, et de nombreuses réformes, sur le plan économique notamment. Cela n’a pas suffi à calmer la foule, qui en veut plus, et qui n’a pas l’air de vouloir s’arrêter avant une réelle démocratie. Aujourd’hui elle demande à être entendue par ses souverains. Demain par le monde ?

Iliès Hagoug
Posted by : MENA Post September 23, 2014