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Par Amira Hass

L’Etat d’Israël, un gang de voleurs de terres

Vendredi, 5 septembre 2014 - 22h03

vendredi 5 septembre 2014

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Amira Hass

La journaliste du Haaretz n’y va pas par quatre chemins pour désigner la vraie nature de l’Etat d’Israël, un gang armé de voleurs de terres, après l’annonce d’une nouvelle expropriation des Palestiniens de Cisjordanie, 400 hectares près de Jérusalem. (traduction CAPJPO-EuroPalestine)

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Ce qui est étonnant, c’est qu’il y ait encore des gens pour faire mine d’être surpris en apprenant la réussite d’un nouveau vol à main armée, ce que le jargon officiel appelle « une déclaration de transfert de terres sous propriété d’Etat ». Les mêmes font mine d’être surpris à l’annonce que le ministère de la Défense aura la part du lion dans le prochain budget, au détriment de l’Education, qui va subir les coupes les plus importantes de son histoire.

Notre régime repose sur trois piliers : le vol de terres accompagné de l’expulsion de ceux qui y vivent ; l’entretien d’une bande de gardes du corps sécurisant le pillage –« l’armée », dans notre argot local ; l’éradication des acquis sociaux, en même temps que l’effacement de tout principe de solidarité collective.

Sans ces trois fondements, ce ne serait pas notre régime. Mais quand on s’arrête aux détails, aux seuls épisodes, on exprime sa surprise, et on perd la vision générale du tableau. On oublie que c’est cela, le régime dans lequel Israël vit.

S’il n’y avait pas eu au mois de juin cette affaire des trois adolescents enlevés au niveau du Gush Etzion (colonie adjacente à Jérusalem, NDLR) puis assassinés, l’armée aurait trouvé un autre prétexte pour lancer la construction d’une nouvelle méga-colonie, et, à travers ce développement, créer encore plus d’enclaves (palestiniennes) et de prisons à ciel ouvert (autre principe fondamental de notre régime).

Si la guerre contre Gaza n’avait pas été menée, les molosses qui nous dirigent auraient trouvé d’autres moyens pour persuader le gouvernement de remplir leurs caisses. Mais quand bien même il n’aurait pas ouvert les cordons de sa bourse après les opérations militaires, le gouvernement n’aurait pas pour autant adopté une politique moins inégalitaire en termes socio-économiques.

Dans un monde idéal, toutes les victimes de notre régime devraient s’unir, et exiger le changement. Dans un univers encore plus parfait et plus rationnel, les victimes ne se contenteraient pas d’exiger le changement, elles l’imposeraient. Mais dans le monde réel, c’est aux Palestiniens, que nous, Israéliens, faisons porter le fardeau de cette exigence de changement.

N’attendons rien, par les temps qui courent, des citoyens juifs israéliens (à l’exception d’une poignée de militants de gauche). Nous les juifs, bénéficions de l’existence de ce régime, y compris lorsque la nouvelle religion est l’enrichissement d’une minorité de privilégiés, là où la majorité se bat pour joindre les deux bouts chaque mois. Notre Etat-providence réservé aux juifs connaît la prospérité dans ce que les colons appellent la Judée-Samarie (Cisjordanie occupée, NDLR), alias le YOSH, son acronyme hébraïque.

Le YOSH incarne le rêve d’une promotion socio-économique individuelle pour tous les juifs en Israël, c’est-à-dire de gens qui souffrent eux-mêmes des politiques anti-sociales de leur gouvernement. Mais faites vos bagages et partez quelques kilomètres plus loin dans les colonies ou dans de petites localités de la Galilée, et vous constaterez qu’il n’y est plus question de politiques d’austérité.

La claire conscience qu’il est possible à un individu d’augmenter facilement son propre niveau de vie annihile la capacité des juifs à engager une action collective pour le mieux-être. C’est dans un tel contexte que s’est formée dans notre pays l’alliance entre le parti Yesh Atid, qui a tiré sa force du mouvement de protestation contre les prix des loyers, et le parti Habayit Hayehudi, dont le fonds de commerce électoral repose sur le « rêve » d’un chez soi de charme en Cisjordanie. N’oublions pas le troisième pilier cité plus haut, et on observera comment tout cela prend forme, en béton armé.

Les dirigeants militaires d’aujourd’hui sont des futurs patrons de multinationales, fabricants d’armements, exportateurs, et instructeurs des armées de tyrans milliardaires dans le monde. Leur job actuel, temporaire, qui consiste à protéger le vol des terres palestiniennes, est la garantie de la prospérité de chaque membre de cette influente camarilla. Le désir d’en être, et la possibilité effective d’en être, compensent les dégâts de la politique anti-sociale du gouvernement.

Les Palestiniens sont le seul groupe du pays –entre la mer et le Jourdain- à souffrir des trois piliers à la base de ce régime. Ce sont les seuls aussi à résister et à se battre pour le changement. Ce faisant, ils luttent également pour les intérêts à long terme de la population juive. Cette résistance, nous refusons d’en voir le caractère fondamental et global, et la traitons comme s’il s’agissait d’autant de détails et d’épisodes, qu’alors nous condamnons et réprimons : « jets de pierre », « terrorisme », « émeutes », « provocations », « « roquettes Ghassam », « attaques par tunnel », « Nations-Unies », « infiltrés », « BDS » ou encore « construction de logements sans permis ».

Pour nos chefs sécuritaires, tout est pareillement dangereux, et ils n’ont pas tort. Discuter des « détails » -ou plus exactement des forces et faiblesses, voire de la moralité de tel ou tel aspect de la lutte- est légitime, mais ne doit pas nous faire perdre de vue le tableau d’ensemble.

LES PALESTINIENS SE DÉFENDENT CONTRE UNE BANDE DE VOLEURS ARMÉS

Amira Hass, le 2 septembre 2014

http://www.haaretz.com/misc/article-print-page/.premium-1.613551?trailingPath=2.169%2C2.223%2C