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Paix et Justice au Moyen-Orient (Analyse N° 9 - 2014) (ndlr)

Washington et Téhéran s’affrontent pour l’hégémonie en Irak

Lundi, 30 juin 2014 - 7h33 AM

lundi 30 juin 2014

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Le progrès fulgurant de l’organisation djihadiste l’ « EIIL » (Etat Islamique en Irak et au Levant) au nord et à l’ouest de l’Irak, fait penser à l’apparition « soudaine » des talibans (djihadistes sortis de je ne sais où, endoctrinés dans les écoles pakistanaises, écoles fondamentalistes financées par les saoudiens) en Afghanistan lorsqu’il était dominé par les soviétiques.

L’EIIL est un groupe djihadiste millionnaire en dollars, bien organisé, armé, équipé de véhicules de transport de troupes tous terrains rutilants et neufs. Selon Christophe Ayad, journaliste au quotidien Le Monde, l’EIIL compterait de 5000 à 10 000 combattants, cent fois moins que l’armée irakienne.(1)

L’étude du mode opératoire des puissances occidentales au Moyen-Orient et en Asie centrale depuis le début des années 1980 permet de penser que les djihadistes endoctrinés et violents, adeptes de la guerre de religion sont des pions de l’école américano-saoudienne.

Hier, chasser les soviétiques d’Afghanistan et placer le pays dans l’orbite américaine était l’enjeu de l’intervention des talibans en Afghanistan. Tout porte à croire qu’aujourd’hui, ayant perdu le contrôle de l’Etat irakien au profit de l’Iran, les Etats-Unis tentent de ramener l’Irak dans l’orbite américaine via les djihadistes d’EIIL.

Depuis le début de l’offensive de l’EIIL (le 6 juin 2014), les Etats-Unis et l’Arabie saoudite pointent à l’unisson la gestion sectaire de Nouri Al-Maliki, premier ministre chiite, excluant les sunnites des hautes fonctions étatiques et militaires.

Face aux appels à l’aide de Nouri Al-Maliki, « Washington conditionne son soutien militaire au dirigeant chiite à la formation d’un gouvernement d’union nationale représentant toutes les composantes politiques »(2) Autrement dit, les Etats-Unis exigent le partage du pouvoir. Ce qui n’est pas du tout du goût de Téhéran qui n’apprécie guère la recherche, par Washington, d’un successeur à Nouri Al-Maliki, homme de confiance de l’Etat iranien.

Les protagonistes de l’échiquier irakien (Américains, Iraniens et leurs alliés respectifs) paraissent les uns plus intransigeants que les autres. L’irruption prévisible de l’EIIL sur la scène politique résulte de l’impasse politique du partage du pouvoir à Bagdad. Dans ce cas, que peuvent faire Téhéran et ses alliés irakiens, avec une armée démoralisée, en déroute, de multiples milices et hommes politiques, pour sauver l’unité irakienne ? Mener la guerre au cœur du « Sunnistan », voire même au Kurdistan irakien ? Ce qui semble difficile (mais pas impossible), vu l’état dans lequel se trouve l’armée irakienne, démoralisée, mal équipée et mal entraînée.

Dores et déjà, la partition de l’Irak en trois zones, chiite, sunnite et kurde, parait effective. Les Kurdes ont mis la main sur le champ pétrolier de Kirkuk, « ont signé avec la Turquie un accord stratégique et exportent leur pétrole directement vers le nord, avec le soutien de grandes compagnies internationales »(3). Et la loi internationale dans tout ça ? C’est la pagaille, du chacun pour soi et du pillage sans vergogne du sous-sol irakien, au vu et au su de ceux qui ont érigé en loi le non respect des lois internationales.

De son côté, l’armée syrienne affaiblie tente de sauver les meubles en bombardant les positions de l’EIIL à l’est de la Syrie qui échappe au contrôle de l’Etat syrien. Ce sera déjà un exploit s’il parvient à garder Alep. Israël est venu en aide aux « insurgés » et à l’EIIL, en bombardant le territoire syrien. Etait-ce un avertissement à l’armée syrienne et un message de soutien à la partition du territoire syrien ?

Bref, c’est l’enfer aux portes de l’Iran, dont les conseillers militaires sont engagés sur tous les fronts, en Syrie, en Irak et au Liban, sans parler de l’Afghanistan ou du Pakistan, en situation de guerre permanente depuis 2001, même depuis 1980 pour l’Afghanistan !

Question : l’économie iranienne peut-elle supporter le poids des guerres imposées à la région par les puissance occidentales et leurs alliés régionaux ? Les états syrien et irakien et les dizaines de milliers de miliciens du Hezbollah au Liban, en Irak et en Syrie profitent largement du soutien financier et militaire de l’Iran. L’Arabie saoudite et le Qatar sont suffisamment riches pour financer, former et armer les djihadistes obscurantistes qui se font exploser sur les champs de bataille de guerres programmées par leur mentor américain.

L’Iran ne pourra pas échapper à la militarisation de son économie, ce qui retardera d’autant son développement économique. Revivrons-nous le scénario qui a conduit à l’effondrement de l’Union soviétique suite à une course effrénée aux armements avec les Américains ?

Les guerres permanentes aux portes de l’Iran représentent une menace sérieuse pour la république islamique, voire pour l’intégrité territoriale du pays.

La seule voie pour sauver l’unité de l’Irak serait le partage du pouvoir à Bagdad entre les américano-iraniens et leurs alliés nationaux ; une sorte de « gouvernement d’unité nationale » souhaité par les Etats-Unis. L’EIIL est un redoutable moyen de pression sur l’Iran et ses alliés irakiens qui, avant de négocier avec les Américains, tenteront, d’abord, de consolider leur pouvoir à Bagdad en combattant le péril djihadiste. Y parviendront-ils ?

http://geopolitiquedumoyen-orient.blogspot.com

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(1) Le Monde du 13 juin 2014.
(2) Hélène Sallon - Le Monde du 25 juin 2014.
(3) Guillaume Perrier - Le Monde du 12 juin 2014.