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Par Mohamed Larbi Bouguerra

Prière au vatican mais dramatique grève de la faim en palestine occupée

Mardi, 10 juin 2014 - 11h32 AM

mardi 10 juin 2014

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Deux mille prisonniers palestiniens en grève de la faim mais « La terre continue de tourner et certains s’étonnent que les discours européens sur la démocratie et les droits de l’homme suscitent surtout des ricanements dans le monde arabe. »

Alain Gresh, Blog du Diplo

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Par Mohamed Larbi Bouguerra

Le pape François, lors de sa visite en Palestine, fin mai, a eu un geste fort qui a mis en fureur le gouvernement d’extrémistes et de fanatiques de Tel Aviv. Il s’est arrêté pour prier au Mur de l’Apartheid, sous une grande inscription « Free Palestine » Ce Mur n’est rien d’autre que l’abominable symbole de la violence, de l’injustice et de la ségrégation. Grâce à ce geste fort du pape relayé par la télévision, le monde entier a pu ainsi vérifier que « la seule démocratie » du Moyen-Orient était en fait un Etat raciste tout comme l’était l’Afrique du Sud des Afrikaners de Henrik Verwoerd.

Suite à ce voyage, Sa Sainteté a aussi invité Mahmoud Abbas et Shimon Peres à venir prier au Vatican, dimanche 8 juin 2014. Pour le journal catholique « La Croix », cette prière a un sens symbolique - sur le plan diplomatique s’entend- , mais guère de conséquences pratiques… car Peres, âgé de 90 ans, doit quitter la Présidence le 15 juillet 2014. En réalité, sa fonction ne lui donne aucun pouvoir sur ce gouvernement opposé à la paix qui propose une Loi Constitutionnelle faisant d’Israël « un Etat juif et démocratique », « un oxymoron » d’après le mathématicien israélien Aner Shalev (lire « Cet Etat d’Apartheid où nous vivons », Haaretz, 13 mai 2014). Peres, en outre, est loin d’être un parangon de paix, lui qui a été un maître espion ayant commandité des attentats en Egypte en 1954 pour impliquer la communauté juive égyptienne afin qu’elle émigre en Israël (lire Éric Rouleau « Dans les coulisses du Proche-Orient », Fayard, Paris, p.64-65) et ancien vice-premier ministre du boucher Ariel Sharon. Il est vrai qu’il s’est mis à dos les colons et l’extrême droite en affirmant que « la colonisation menace l’équilibre démographique d’Israël et donc son caractère juif. » (Al Quds al Arabi, 12 juillet 2007, p.4)

De l’eau et du sel
A l’heure de cette prière au Vatican, 125 prisonniers palestiniens en étaient à leur 42ème jour de grève de la faim. En fait, 5000 Palestiniens - hommes et femmes - croupissaient dans les prisons sionistes dont 300 enfants. 200 autres Palestiniens étaient détenus « administrativement », sans aucune charge - c’est-à-dire qu’ils sont en prison sur ordre du général Danny Efroni, avocat général de l’Armée d’Occupation, procureur militaire auquel l’ONG américaine « Jewish Voice for Peace » (Voix Juive pour la Paix) suggère d’écrire pour protester contre ces abominations et demander la libération de ces Palestiniens (Fax : 972 3 608 0366 et 972 3 569 4526). Ce procureur militaire peut prolonger de six mois en six mois, indéfiniment, leur détention sans que les détenus et leurs avocats n’aient connaissance des motifs de cet embastillement. Il existe un « dossier secret » en possession de ce seul militaire, fidèle réplique des gauleiters nazis.

Sauvez mon père, ce héros !
L’ONG « Jewish Voice for Peace » a publié, le 06 juin 2014, l’appel de Basil Farraj, un Palestinien de 22 ans qui vient d’obtenir une maîtrise d’Etudes Globales de Paix à la Faculté Earlham (Indiana). Le père de Basil, Aberrazak Farraj, est en prison « administrativement » en Israël depuis huit ans et son fils demande l’aide de la communauté internationale afin d’obtenir la libération de « son héros », ce père jeté en prison sans la moindre raison avouable.

En outre, le père de Basil fait partie, depuis le 1er mai 2014, des grévistes de la faim qui n’ont pour tout repas que de l’eau et du sel. Résultat : les Israéliens l’ont placé dans une cellule d’isolement -le cachot- de la prison d’Ayalon – cellule inhumaine, de taille si réduite que le moindre mouvement est un supplice. Du coup, les geôliers israéliens interdisent les visites familiales, l’accès à l’avocat est réduit et les fouilles intrusives constantes. Ce qui a conduit Abderrazak Farraj à cet internement kafkaïen est sa qualité de directeur administratif des Comités de l’Union du Travail Agricole, une organisation de base qui aide les petits paysans palestiniens à survivre sous l’Occupation. Cette détention est due probablement à son travail acharné pour que justice soit rendue à ses petits agriculteurs constamment en butte aux forces d’occupation et aux colons qui accaparent l’eau, déracinent les oliviers, sabotent les canalisations et transforment les champs et les vergers palestiniens en décharges d’ordure.

Et Basil d’écrire : « Nous continuons à attendre et à compter les jours. Il n’y a aucun doute sur la détermination de mon père et des autres grévistes. Ils aiment la vie. Ce qui rend ma famille mais aussi toutes les autres plus fortes. L’amour de la vie et de la liberté de ces grévistes de la faim est une leçon pour tous. Par leur détermination et leur résistance, ces prisonniers inspirent et motivent les Palestiniens et leurs soutiens. Ces détenus sont libres en dépit des chaînes israéliennes ! »

Le 8 juin 2014, 65 de ces grévistes de la faim ont été hospitalisés. Bilal Diab( 27 ans) de Jénine et Thaer Hlahla (33ans) de Hébron, sont dans ce que les médecins appellent « une phase aléatoire de survie » mais la Cour Suprême d’Israël a refusé de statuer sur leur cas. Le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-moon a exprimé son inquiétude face à la détérioration de l’état de santé des détenus. La réponse de Benyamin Netanyahou a été de demander au Parlement une loi lui permettant d’ordonner « le gavage » forcé de ces Palestiniens avec cet argument : « Les Américains le font à Guantanamo, pourquoi pas nous ? » mais les médecins israéliens ont déclaré qu’ils refuseraient d’alimenter, contre leur volonté, ces grévistes.

Pour ces grévistes ignorés du monde occidental : Silence radio :
Sur son blog du Monde Diplomatique, Alain Gresh écrit , le 8 mai 2014, après avoir noté que si ces drames avaient lieu en Chine ou en Russie, tous les politiciens et les médias occidentaux se seraient derechef mobilisés : « Il y a bien deux mille prisonniers politiques qui font la grève de la faim, mais en Palestine. Et l’information ne semble pas intéresser grand-monde. Mais nous le savons depuis longtemps, les Palestiniens, les Arabes, les musulmans ne sont vraiment pas des êtres humains comme tous les autres. »

Une délégation de sénateurs et de députés français s’est rendue fin mai à la municipalité El Bireh où campent, sous des tentes, les familles de détenus. Elle a rencontré l’épouse de Mahmoud Ramhi -secrétaire général du Conseil National Palestinien (Parlement) emprisonné depuis son élection en 2006- qui a déclaré que son mari et ses camarades sont en grève totale, avec juste de l’eau et du sel. Une autre femme, désespérée, raconte à la délégation que ses deux fils sont en prison et que l’un d’eux a dû être amputé et a perdu un œil suppliant les Français de l’aider à le sauver « car j’ai déjà perdu mon troisième fils. » (Françoise Germain-Robin, l’Humanité, 3 juin 2014, p. 18). Tout ceci indigne Fadwa Barghouti rencontrée à El Bireh. L’an dernier, de la cellule de Nelson Mandela à Robben Island en Afrique du Sud, elle a lancé un appel à la libération de son époux Marwan Barghouti, emprisonné depuis 2002 « un ardent partisan de la paix et auquel la réconciliation Hamas-Fatah doit beaucoup. »

De son côté, Nabil Chaath, négociateur palestinien et responsable des relations extérieures de l’OLP souligne : « La question des prisonniers est si grave qu’elle est à l’origine du retard dans l’annonce du gouvernement d’union nationale, Israël et les Etats unis insistant pour qu’il n’y ait plus de ministre des Prisonniers » et de rappeler que « c’est le non-respect par Israël de son engagement, signé dès 1994, de libérer trente prisonniers politiques incarcérés avant les accords d’Oslo, qui a provoqué la rupture des négociations lancées en 2013 par John Kerry. »

L’Occident si prompt à dénoncer tout déni des droits de l’homme, reste muet devant ces détentions arbitraires et devant la détérioration de la santé de ces grévistes alors que l’Union Européenne devrait suspendre son accord d’association avec Israël comme le prévoit l’article 2 de ce texte, en cas de violation des droits de l’homme.

Richard Falk, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés s’est déclaré « écœuré par les violations continues des droits de l’homme dans les prisons israéliennes. Depuis 1967, 750 000 Palestiniens, dont 23 000 femmes et 25 000 enfants, ont été en détention dans les prisons israéliennes, soit près de 20% du total de la population palestinienne dans les territoires occupés. »

Face au silence des intellectuels occidentaux les hommes de bonne volonté doivent dénoncer cette politique des « deux poids, deux mesures » qui dédouane Israël de ses crimes. Ils doivent faire entendre leur voix pour condamner la détention administrative arbitraire, contraire au droit, exiger la libération des prisonniers palestiniens des geôles sionistes… et rendre à Basil Farraj son « héros », ce père qui s’est mué en défenseur du petit paysan et de la terre de Palestine

Mohamed Larbi Bouguerra